Séjour raccourci en maternité : qu’en pensent les femmes ?

La durée du séjour en maternité après un accouchement a été raccourcie et est désormais limitée à 3 jours et demi. L’objectif : faire des économies dans les soins de santé. Mais comment les femmes le vivent-elles ? axelle a recueilli des témoignages mitigés, voire alarmants.

© Aline Rolis

Mise à jour

À la suite de la publication de cet article dans notre numéro de juin 2016, nous avons reçu de multiples réactions et témoignages et nous avons décidé de creuser ce sujet. Nous avons donc publié, six mois plus tard, dans notre magazine hors-série janvier-février 2017 sur le soin aux autres, cet autre article faisant le bilan de la réforme, accompagné d’une carte blanche de Vanessa Wittvrouw, présidente de l’Union professionnelle des sages-femmes belges.

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Depuis le 1er janvier 2016, la durée du séjour en maternité après un accouchement est limitée à 3 jours et demi. Elle était encore de 4 jours et demi en 2014. Et au début des années 90, les femmes restaient en moyenne 7 jours à l’hôpital. Cette diminution est une tendance générale en Europe. L’argument principal est évidemment économique : ces soins coûtent cher. Mais comment cette mesure se traduit-elle sur le terrain ?

Pas de suivi systématique

“J’en discutais justement avec un couple que j’accompagne. Pour un premier bébé, leur gynéco leur a dit que la sortie serait après maximum deux jours ! Du coup, la maman n’était pas très rassurée.” Mandy, qui accompagne des parents par diverses techniques (haptonomie, massage bébé, conseil en allaitement), nous explique que cette maman a même pensé simuler un malaise pour pouvoir rester plus longtemps. Mandy a alors dû rassurer sa patiente et travailler avec elle sur ses capacités à assumer l’arrivée du bébé et à mettre en place des solutions qui lui conviennent.

Pourquoi on ne s’adapte pas à la maman, tout simplement ?

D’autres femmes ont aussi témoigné du fait qu’elles avaient été informées au préalable par leur gynécologue ou par l’hôpital où elles allaient accoucher qu’elles resteraient 48 heures au maximum si tout allait bien. Certaines ont même dû signer un papier. Qu’en pense Vanessa Wittvrouw, présidente de l’Union professionnelle des sages-femmes belges  ? “Je suis déjà positivement étonnée que les hôpitaux informent les femmes.” Elle connaît beaucoup de femmes qui sont sorties après deux jours sans avoir été informées qu’elles resteraient si peu de temps et qui n’ont pas pu se préparer. “Mais il y a aussi la manière dont c’est fait. Si c’est juste pour annoncer qu’il s’agit d’une nouvelle mesure et rien d’autre, ça crée plutôt la peur.”

En effet, après cette information, il n’y a pas de proposition de suivi systématique. Chaque hôpital ou gynécologue a ses pratiques. Dans le meilleur des cas, les hôpitaux ont développé un service de sages-femmes venant à domicile ou mettent à disposition une liste de sages-femmes indépendantes qui consultent dans la région. Mais parfois, il n’y a rien du tout et c’est à la patiente de prendre contact avec une sage-femme au moment où elle rentre chez elle.

Du confort, vraiment ?

Pourtant, être accompagnée dans un moment aussi sensible de la vie, ce n’est pas du luxe. Marie-Ève a eu son premier enfant fin février. Partie après 48 heures, elle a eu l’impression d’être “jetée dans le vide, livrée à elle-même.” Si elle considère que son expérience n’a pas été mauvaise, elle est quand même opposée à un séjour aussi réduit, notamment parce qu’il ne permet pas de trouver ses marques pour l’allaitement, ni de récupérer un minimum de l’accouchement.

Marie-Ève a eu son premier enfant fin février. Partie après 48 heures, elle a eu l’impression d’être “jetée dans le vide, livrée à elle-même.

“Avec du recul, j’ai vraiment l’impression d’avoir été éjectée”, dit Marie (prénom d’emprunt). Dans son cas, l’expérience a été plus difficile, car le bébé a connu plusieurs problèmes de santé dus à une jaunisse et à un allaitement compliqué. Heureusement, elle était suivie à domicile par une sage-femme qui a pu réagir à temps et l’envoyer vers le pédiatre. “La sage-femme m’a dit que les médecins n’auraient jamais dû me laisser sortir.”

Cécile, pour sa part, a décidé de ne rester que 36 heures pour son 3e enfant. “Pour les deux premiers, j’ai trouvé horrible le fait de rester à l’hôpital. Je dormais très mal à cause de tous les bruits parasites, je recevais des conseils qui ne me servaient pas énormément…” Laurie, elle aussi, ne se sentait pas à l’aise à l’hôpital : “Trop de va-et-vient, trop d’inconnus qui veulent manipuler le bébé, les infirmières qui interviennent durant l’allaitement pour corriger une position, contrôler la durée des tétées…”

Reste à savoir si un retour rapide à domicile est souhaitable et possible pour toutes les femmes ? De nombreuses conditions semblent nécessaires. Pour Cécile : “Être à l’aise avec son bébé, avec l’allaitement et avec le fait de refuser des gens chez soi !” Il y a aussi le rôle crucial du suivi à domicile par la sage-femme ainsi que le soutien de l’entourage familial, notamment pour la prise en charge de la vie quotidienne. Finalement, Lucie se demande : “Pourquoi on ne s’adapte pas à la maman, tout simplement ? Des femmes ont besoin de 24 heures, d’autres d’une semaine ou plus en cas de dépression post-partum ou autre…”

Accompagner la naissance, un miroir de notre société ?

Mais la mesure de raccourcissement est-elle à elle seule responsable des mauvaises expériences que rapportent les femmes en lien avec la naissance ? Ne serait-ce pas aussi le révélateur d’un problème déjà existant ? Certains collectifs citoyens (notamment le collectif Co-naissances à Liège) dénoncent par exemple les conceptions, notamment médicales, qui infantilisent et contrôlent les femmes, qui créent des anxiétés inutiles ou encore qui véhiculent des images extrêmement normatives de ce que sont la grossesse et la naissance. Ils insistent aussi sur la nécessité de préparer vraiment avec les femmes la période post-natale, souvent synonyme de fatigue et de solitude.

Les missions et compétences des sages-femmes restent également méconnues dans la société et peu valorisées par les gynécologues.

Pour Vanessa Wittvrouw, les missions et compétences des sages-femmes restent également méconnues dans la société et peu valorisées par les gynécologues. Pourtant, grâce à sa formation et sa philosophie de travail, la sage-femme est LA professionnelle au service du bien-être des femmes et des nouveau-né·es. “La réduction du séjour en maternité aurait dû être une occasion de donner un rôle central aux sages-femmes. Tout est là : les personnes, les compétences, les codes INAMI pour le remboursement de nos interventions, etc. Mais on dirait que ça fait peur.” Elle souligne néanmoins que les prestations des sages-femmes ont été un peu revalorisées au 1er avril, ce qui est plutôt positif.

Mais à ce stade, la nouvelle mesure appliquée sans information ni suivi systématiques des femmes risque de faire des dégâts et de creuser encore les inégalités sociales de santé. En effet, ce sont les femmes déjà vulnérables qui abandonneront sans doute des soins, parce qu’elles manquent de renseignements, sont éloignées des services existants… Enfin, prendre soin d’un·e nouveau-né·e, cela s’apprend. Pas dans les livres ni sur les bancs de l’école, mais au sein des familles, des communautés, des institutions sociales, grâce à des moments de transmission et d’échanges entre pairs ou avec des professionnel·les. Pour l’instant, on ne va certainement pas dans le bon sens.

Deux jours ou trois jours et demi ?

Comment expliquer cet écart entre les deux jours mentionnés à l’hôpital et la mesure qui évoque trois jours et demi ?

D’abord, on ne parle pas du temps réellement passé à l’hôpital, mais du nombre de jours que l’hôpital peut justifier pour un remboursement de l’INAMI. Ce nombre de jours dépendra donc du moment de la journée où vous arrivez et où vous repartez. Cela n’a rien à voir non plus avec le nombre de jours que l’hôpital vous facturera. À ce propos, n’oubliez pas de vérifier votre facture et de la faire analyser par votre mutuelle si vous ne la comprenez pas.

Rappel : si vous prenez une chambre individuelle, on peut vous demander des suppléments d’honoraires parfois assez importants.

Enfin, la signature d’un papier est probablement une manière de vous informer de la pratique en cours dans l’hôpital. Cela ne doit en aucun cas limiter votre droit à des soins de qualité et adaptés à votre situation.

Pour aller plus loin : Réduction du séjour à la maternité : ce que les femmes ont à y perdre… et à y gagner ?, une analyse de Vie Féminine.