Si Toufah Jallow est aujourd’hui la figure majeure de la lutte contre les violences sexuelles en Gambie, c’est parce qu’elle est une survivante de viol qui a décidé de prendre la parole et de mettre des mots sur ce qu’elle a subi et la peur permanente dans laquelle elle vivait. Celui qu’elle dénonce comme violeur n’est autre que l’ex-président Yahya Jammeh. Longtemps restée dans le silence, c’est à la faveur de la chute de ce dernier en 2017, après 22 ans au pouvoir, qu’elle a pu s’exprimer et dénoncer ces violences.
Pouvoir, viol, résistance
En 2014, alors étudiante en art dramatique, elle est couronnée à l’âge de 18 ans miss Gambie, le principal concours de beauté du pays, organisé par l’État et dont la récompense devrait être une bourse d’études à l’étranger. “Ce concours ayant été présenté comme une opportunité d’avoir une bourse d’études, mon objectif était de l’obtenir, c’est pour cette raison que j’y ai participé”, nous raconte Toufah Jallow.
Mais à la place de la bourse d’études promise, elle subit des avances du président de la République. Il la fait venir plusieurs fois au palais présidentiel sous prétexte de travailler sur son projet de société – la lutte contre la pauvreté. Il les couvre de cadeaux, sa famille et elle, avant de lui dévoiler ses réelles intentions, allant jusqu’à lui demander de l’épouser. Une proposition que la jeune femme décline. Profitant d’un événement public organisé au palais en mai 2015, Yahya Jammeh l’entraîne dans une pièce à l’écart et la viole. Il lui aurait alors lancé “Pour qui te prends-tu ? J’obtiens toutes les femmes que je veux”, a raconté Toufah Jallow devant la Commission vérité, réconciliation et réparations (“Truth, Reconciliation and Reparations Commission” ou TRRC) mise en place afin de faire la lumière sur les exactions commises sous la présidence de Yahya Jammeh.