À Huelva, les fraises ont le goût de l’exploitation des femmes

Par N°231 / p. 18-21 • Septembre 2020 | conectionconection Contenu complet (pdf)
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La province de Huelva, en Andalousie, est la plus grosse productrice de fraises d’Europe. Mais le salaire des ramasseurs/euses de fraises reste en dessous du minimum interprofessionnel espagnol et leurs conditions de travail ressemblent parfois à de l’exploitation. Les histoires que racontent certaines travailleuses, notamment originaires du Maroc, illustrent un problème systémique. À l’heure de manger les dernières fraises de la saison, axelle a demandé à des grandes chaînes de supermarchés belges si elles se fournissaient auprès d’entreprises concernées.
(Pascale Müller et Hélène Servel)

Nadia a travaillé pendant cinq ans dans les serres de Cartaya, dans la région de Huelva. Il y a deux ans, pendant dix jours, elle a été forcée, avec d’autres travailleurs/euses de l’exploitation agricole, à manger de la nourriture pour chien, car leur patron ne les avait pas payé·es. © Stefania Prandi

Plus d’eau ni d’électricité. C’est la situation dans laquelle se sont retrouvées les femmes marocaines. “Le générateur serait soi-disant tombé en panne, raconte Ana Pinto Lepe. Mais comme par hasard, ça s’est justement passé le jour où leur contrat s’est arrêté. Donc, le jour où elles ont arrêté de travailler, il n’y avait plus ni eau, ni électricité”, poursuit-elle. L’Espagnole est membre du collectif Jornaleras de Huelva en lucha (Travailleuses journalières de Huelva en lutte), qui se bat pour les droits des travailleurs/euses agricoles. Les femmes qui ont été privées d’eau et d’électricité travaillent dans une exploitation qui appartient à une entreprise appelée Fres Molinero. Selon Ana Pinto Lepe, l’entreprise agricole est isolée, au milieu du parc national de Doñana et sans aucun réseau téléphonique. Les femmes n’auraient pas non plus été suffisamment payées pour leur travail.

Femmes vulnérables, travailleuses exploitées

Déjà avant le coronavirus, les conditions de travail dans les champs de la région de Huelva étaient déplorables. Ces dernières années, de plus en plus de médias racontent l’exploitation et la violence sexuelle dans les plantations de baies à Huelva. La région est la plus grosse productrice de fraises d’Europe : pendant la saison 2018-2019, plus de 340.000 tonnes de fraises y ont été produites et les entreprises en ont fait un chiffre d’affaires de 554 millions d’euros. Pourtant, avec 42 euros par jour, le salaire des ramasseurs/euses de fraises reste en dessous du salaire minimum interprofessionnel en Espagne. Une partie des travailleurs/euses agricoles sont des femmes marocaines qui viennent en Espagne pour la saison à travers un système de quotas. Elles sont sélectionnées dans leur pays d’origine par l’ANAPEC, une agence de recrutement. La plupart d’entre elles sont analphabètes, ne parlent pas espagnol et elles dépendent de ce revenu pour nourrir leurs familles au Maroc. Ce qui favorise leur vulnérabilité.

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