Espagne : le parti qui hait les féministes

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Le 28 avril dernier, c’était jour d’élections législatives et sénatoriales en Espagne. Depuis le mois de décembre, le parti d’extrême droite Vox avait déjà 12 député·es au Parlement d’Andalousie : c’était alors la première fois depuis la transition démocratique et la fin du régime de Franco, en 1975, qu’un parti d’extrême droite obtenait des sièges dans un Parlement du pays. Quatre femmes et huit hommes (dont l’un, élu de Jaén, se prénomme Benito, ça ne s’invente pas), incarnant un programme conservateur, anti-migrant·es, anti-islam et anti-droits des femmes, ont ouvert la voie vers le passé. Depuis les élections du 28 avril, avec deux millions de votes et plus de 10 % des suffrages exprimés, Vox comptera désormais 24 député·es au Parlement espagnol (mais aucun·e sénateur/trice).

Les ennemi·es de Vox sont, en vrac et ainsi que le pointait le président du parti, Santiago Abascal, une semaine avant les élections : les “séparatistes qui veulent casser ce que nous avons de plus précieux : la patrie”, les régions autonomes – “le cancer du pays” –, la “dictature des progressistes”, les “féministes radicales” et “l’idéologie du genre”, les “cosmopolites”, les “islamistes qui veulent imposer la charia” (il s’inspire clairement de la théorie raciste et complotiste du grand remplacement) ou encore le “projet des États-Unis d’Europe” qui menacerait “notre souveraineté”.

Catholique pratiquant, Santiago Abascal est opposé au droit à l’avortement et au mariage homosexuel. Pour lui et pour les membres de son parti, les mobilisations de masse réalisées ces dernières années par le mouvement féministe (notamment les grèves des femmes) et les lois votées pour avancer vers l’égalité sont autant de coups portés à leur société idéale, structurée par la domination masculine. L’une des priorités de Vox, sur les bancs de l’opposition, sera donc de saper l’émancipation des femmes.

Déjà, au mois de décembre, lors de négociations politiques avec le Parti Populaire en Andalousie, Vox avait mis dans la balance l’abandon de différentes mesures de lutte contre les violences envers les femmes, mesures qui “criminaliseraient” les hommes. Dans le programme du parti figurent la sortie de l’avortement du système de santé publique, la suppression des quotas de femmes sur les listes électorales, la fin des subventions pour les “organismes féministes radicaux” qui viennent en aide aux femmes victimes de violences, l’allongement du congé de maternité ou encore l’augmentation des allocations familiales. Un programme tout à fait à l’image de l’Espagne franquiste : les femmes au foyer, les hommes au pouvoir, l’Église au milieu du village et les taureaux seront bien gardés.

La réaction des féministes et des antiracistes à ce programme passéiste ne s’est pas fait attendre. Pour la Journée internationale de lutte contre le racisme, le 23 mars, des milliers de personnes sont descendues dans les rues de Barcelone, rassemblées autour du slogan “Stop Vox”. Quant à la militante que l’on aperçoit sur cette photo, elle appartient au groupe Femen. Elle a interrompu le dernier grand meeting de Vox à Madrid, le 26 avril, à l’avant-veille des élections. Sur sa poitrine, on peut lire : “Ce n’est pas du patriotisme, c’est du fascisme”. Deux autres militantes participaient à l’action et avaient inscrit sur leur corps ce slogan antifasciste bien connu : “No pasaran” (“ils ne passeront pas”). Un cri de résistance face à une vague de haine… Aux dernières nouvelles, Vox n’a obtenu “que” 6,2 % des voix aux élections européennes du 26 mai : le parti entre au Parlement, mais a perdu en vigueur depuis début avril.