La plateforme de vidéos en ligne Netflix n’est pas parfaite, loin s’en faut. On se rappelle la polémique cet été autour du film polonais 365 jours qui glorifie les violences sexuelles et une relation d’emprise psychologique. Néanmoins, Netflix se permet aussi d’innover sur les sujets féministes avec des séries, des films et des documentaires dont deux d’entre eux, sortis récemment, méritent que l’on s’y attarde : L’affaire Watts : chronique d’une tuerie familiale et Marisela Escobedo : une tragédie en trois actes. Très différents, tous deux éclairent toutefois une même réalité : le féminicide est un crime de « propriétaire », les femmes sont assassinées par l’homme le plus proche d’elles, souvent après avoir évoqué la séparation.
Le père de famille n’était pas « parfait »
Dans L’affaire Watts : chronique d’une tuerie familiale, la réalisatrice américaine Jenny Popplewell nous plonge dans l’intimité de Shanann Watts à l’aide de flash-back provenant de films de famille et retranscriptions de sms. Autant de matériel personnel qui n’en fait pas un documentaire classique et qui s’attache à la rapprocher de nous. À lui rendre son statut d’être humain.

Le 13 août 2018, enceinte de 15 semaines, Shanann Watts disparaît de sa maison d’une petite ville des États-Unis avec ses deux filles, Céleste et Bella, âgées de 3 et 5 ans. Le documentaire suit l’enquête et prend la forme d’une reconstitution très précise, retracée par les images de la police et des caméras de surveillance. L’enquête finira par prouver que Christopher Watts, le mari et le père des enfants, les a tuées. Il écopera de trois peines de prison à vie.
Immersion à Ciudad Juarez
Le documentaire du cinéaste mexicain Carlos Pérez Osorio, Marisela Escobedo : une tragédie en trois actes, dénonce le féminicide de Rubi Escobedo, tuée par son compagnon de l’époque, Sergio Rafael Barraza, dans la ville de Ciudad Juarez, au Mexique. Dans cette seule ville de l’État de Chihuahua, à la frontière avec les États-Unis, on dénombre un millier de féminicides et des centaines de disparues dont les photos couvrent les murs des rues. Ciudad Juarez est considérée comme la « capitale mondiale du féminicide », et l’impunité de ces meurtres est pointée du doigt, ce que réaffirme le documentaire. Car face à la lenteur de la Justice, Marisela Escobedo, la maman de Rubi, enquête seule… et retrouve l’auteur du meurtre de sa fille. Sergio Rafael Barraza est pourtant acquitté à l’issue de son procès, malgré ses aveux.
Marisela Escobedo n’arrête pas son combat. Mais l’assassin de sa fille a désormais la protection d’un cartel de drogue. Marisela Escobedo organise des marches et campe devant le palais du gouvernement de l’État de Chihuahua. Elle critique ouvertement les liens entre les cartels et les hommes politiques.
Le documentaire a une forme traditionnelle, avec de nombreuses interviews, notamment d’avocat·es et de proches. Marisela, elle, ne pourra plus élever sa voix pour réclamer justice : le 16 décembre 2010, elle est tuée d’une balle dans la tête en pleine rue.
Ces deux documentaires, même s’ils sont parfois très durs à regarder, sont admirables et replacent le féminicide comme un fait de société. En effet, aux États-Unis, on compte trois femmes tuées chaque jour ; au Mexique, elles sont dix. La Belgique n’est pas épargnée : cette année, au moment de conclure ces lignes, fin octobre, il y déjà eu 21 féminicides recensés par le site Stop Féminicide Belgique.
Le numéro gratuit pour les victimes de violences conjugales est le 0800 30 030. En cas d’urgence, composez le 112.