Crise politique : Vie Féminine demande aux président·es des partis francophones de “prendre leurs responsabilités”

Ce lundi 26 juin, le mouvement féministe Vie Féminine (qui édite le magazine axelle) a fait parvenir aux président·es de partis francophones une lettre ouverte inquiète, craignant de voir “des dossiers essentiels pour les femmes bloqués à jamais alors que nombre d’entre eux faisaient l’objet d’avancées significatives.”

Hafida Bachir, présidente de Vie Féminine © Novella Di Giorgi 2014

axelle reproduit ici la lettre ouverte signée par Hafida Bachir, présidente de Vie Féminine, au nom du mouvement (les liens externes sont de la rédaction). 

Lettre ouverte à :

Monsieur Olivier Chastel, président du MR

Monsieur Élio Di Rupo, président du PS

Monsieur Patrick Dupriez, coprésident d’Écolo

Madame Zakia Khattabi, coprésidente d’Écolo

Monsieur Benoît Lutgen, président du cdH

Monsieur Olivier Maingain, président de Défi

Madame, Messieurs,

Après la décision du cdH de mettre un terme à la coalition avec le PS dans les entités fédérées, Vie Féminine souhaite vous faire part de sa grande inquiétude de voir des dossiers essentiels pour les femmes bloqués à jamais alors que nombre d’entre eux faisaient l’objet d’avancées significatives.

Nous ne pouvons admettre que les avancées obtenues depuis deux ans soient effacées d’un revers de la main suite à des changements dans les majorités gouvernementales.

Si depuis une semaine, les débats ont surtout porté sur les stratégies des un·es et des autres ou sur les conditions nécessaires à la bonne gouvernance, il nous paraît urgent de remettre le focus sur des enjeux fondamentaux pour les citoyen·nes, pour les institutions, les services et organisations dont le sort se trouve lié d’une manière ou d’une autre aux décisions des entités fédérées.

Nous ne pouvons admettre que les avancées obtenues depuis deux ans soient effacées d’un revers de la main suite à des changements dans les majorités gouvernementales. C’est la raison pour laquelle Vie Féminine insiste pour que, lors des contacts en cours et des négociations à venir en vue de constituer de nouvelles majorités gouvernementales dans les entités fédérées, vous mettiez impérativement à vos agendas les dossiers suivants :

Le statut des accueillantes conventionnées à domicile

Après de longues années entre espoirs et déceptions, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a permis de réelles avancées pour les accueillantes d’enfants. Il s’était engagé sur la mise en place, à partir d’octobre 2017, d’un projet-pilote accordant le statut de salariées à une première sélection d’accueillantes conventionnées. Le travail d’opérationnalisation avec l’ONE et les représentants du secteur était proche de l’aboutissement.

Le transfert du FESC (Fonds des équipements et services collectifs)

En ce qui concerne le transfert des moyens du FESC à l’ONE, une concertation avec le secteur avait abouti sur des propositions concrètes d’adaptation des arrêtés pour l’accueil extrascolaire et l’accueil d’enfants malades à domicile, ainsi que sur des recommandations destinées à préserver l’offre d’accueil. La mise en suspens de ce dossier risque de renforcer les inquiétudes des opérateurs de projet et des travailleuses du secteur.

La réforme des milieux d’accueil de l’enfance

Mis en route depuis 2014, l’immense chantier de la réforme du secteur accueil de la petite enfance de l’ONE laissait entrevoir des perspectives intéressantes en termes de qualité et d’accessibilité pour les familles utilisatrices, ainsi qu’un espoir de renforcement structurel pour les milieux d’accueil garantissant leur viabilité. La réforme devait, de plus, intégrer l’accueil flexible et l’accueil d’urgence, anciennement liés au FESC, et qui sont toujours en attente d’un cadre réglementaire adapté.

Droits des femmes

La question des droits des femmes doit rester une priorité pour les entités fédérées.

Suite à la mobilisation des organisations de femmes, le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles avait été le seul exécutif du pays à avoir en son sein une Ministre des droits des femmes, mettant ainsi la question des droits des femmes à l’agenda politique. Si ses compétences et ses budgets étaient à nos yeux trop restreints, nous pouvons néanmoins nous réjouir du travail de collaboration réalisé avec les associations de femmes. La question des droits des femmes doit rester une priorité pour les entités fédérées.

Financement du secteur socioculturel

L’avant-projet de décret sur l’emploi socioculturel devait passer prochainement en première lecture au Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Par ailleurs, un important travail d’évaluation du Décret relatif au soutien de l’action associative dans le champ de l’Éducation permanente a été entamé avec les représentant·es du secteur. Osons espérer que ces deux initiatives ne seront pas remises en cause et pourront aboutir dans le timing prévu.

Violences contre les femmes

Un décret permettant de pérenniser le financement des services ambulatoires d’accompagnement des victimes de violences intrafamiliales était en discussion au sein du Gouvernement wallon. Jusqu’à présent, ces services étaient soumis à un financement annuel ou pluriannuel, impliquant une précarité de moyens, comme par exemple pour Le Déclic, service spécialisé de Vie Féminine créé dans une région (Chimay-Thuin) où il y a peu de services accessibles pour accompagner les femmes victimes de violences.

Allocations familiales

Le transfert des allocations familiales vers les entités fédérées devait être effectif pour le 1er janvier 2019 et s’accompagner d’un renouvellement du système, plus clair, plus adapté aux familles actuelles et garantissant une certaine solidarité avec les familles aux revenus plus modestes. Or, il reste pas mal d’étapes à franchir pour garantir la continuité du paiement des allocations et mettre en place une réforme qui concerne environ 1 228 000 enfants en Wallonie et à Bruxelles.

Handicap

Fin mai, le Gouvernement wallon a approuvé un ensemble de mesures et de budgets afin d’améliorer l’hébergement et la prise en charge des personnes handicapées. Il s’est également engagé à créer des places nouvelles pour le handicap de grande dépendance ainsi qu’à dégager des nouveaux budgets pour soutenir la prise en charge des « cas prioritaires ». Ces engagements sont essentiels pour les femmes qui continuent à pallier le manque de politique volontariste de prise en charge des personnes dépendantes.

Assurance autonomie

La création d’une assurance autonomie wallonne était également en train d’aboutir. C’est un des dispositifs nécessaires pour permettre une prise en charge collective du soin aux personnes âgées. Sinon, ce travail repose trop souvent sur les épaules des femmes, en plus de leurs autres tâches. Par ailleurs, les femmes sont également surreprésentées dans la population âgée et très âgée et vivent parfois avec des revenus très modestes.

Nous espérons ne pas devoir expliquer aux femmes de notre réseau que les partis politiques composant les nouvelles majorités ont décidé de laisser tomber l’un de ces dossiers.

La plupart des dossiers que nous épinglons dans ce courrier ont fait l’objet d’un travail de collaboration intense entre les cabinets ministériels, les administrations et les associations de terrain. Ce fonctionnement qui se base sur la concertation est une garantie de bonne gouvernance que nous vous invitons vivement à intégrer parmi vos priorités. Dans cette optique, nous insistons tout particulièrement sur la prise en compte et l’articulation avec des organisations de femmes qui portent un regard particulier sur des enjeux qui, à première vue, semblent neutres.

Cette dernière crise politique que nous traversons risque de renforcer encore plus la perte de confiance, fortement entamée par les différentes « affaires » et les politiques d’austérité, dans les institutions politiques. Dans ce contexte, nous espérons ne pas devoir expliquer aux femmes de notre réseau que les partis politiques composant les nouvelles majorités dans les Régions et la Fédération Wallonie-Bruxelles ont décidé de laisser tomber l’un de ces dossiers.

Nous restons plus que jamais mobilisées et déterminées à faire entendre les réalités de vie des femmes.