Participer à la grève du 8 mars, pourquoi et comment ?

“Quand les femmes s’arrêtent, le monde s’arrête !” Le défi lancé par le collecti.e.f 8 maars fait de plus en plus de bruit dans les médias et pour cause : une grève des femmes en Belgique, c’est du jamais vu ! Mais est-ce que toutes les femmes peuvent participer ? Même celles qui ne pourront pas quitter leur activité ? Spoiler alert : la réponse est oui !

Assemblée générale du collecti.e.f 8 maars le 17 février 2019 © Frédérique Vansteenwegen

Voyons pourquoi vous mettre en grève le 8 mars prochain et comment faire en sorte que cette action soit la plus visible et la plus efficace possible !

Le machisme tue

“Nous, femmes du monde, en avons marre des violences physiques, économiques, verbales et morales qui nous sont adressées” : ceci est la première phrase des discours prononcés par les militantes à l’origine de l’appel à la grève internationale des femmes l’an dernier. D’Argentine, du Chili ou encore d’Espagne (où six millions de personnes sont descendues dans les rues !), ces femmes pointent du doigt l’inaction de leurs gouvernements face aux violences qu’elles subissent et demandent des mesures concrètes.

Multilingue, l’appel de la grève internationale des femmes.

Dans notre pays aussi, le machisme, comme disait la féministe française Benoîte Groult, ” …tue tous les jours et ce n’est ni une métaphore, ni une exagération.” L’année dernière, au moins 35 femmes ont été tuées parce qu’elles étaient des femmes, la plupart du temps par leur conjoint ou ex. Depuis 2019, le blog « Stop Féminicide » déplore déjà 5 victimes.

Quand le machisme ne tue pas littéralement, c’est à petit feu qu’il opère. En Wallonie, on enregistre en moyenne 15.000 plaintes pour violences conjugales et 1.000 plaintes pour viol par an, ce qui est loin de la réalité puisque la plupart des femmes ne portent pas plainte : on estime que 100 femmes sont violées chaque jour en Belgique. Sans parler du sexisme et du (cyber) harcèlement dans l’espace public, de la culture du viol généralisée dans notre société…

La précarité est féminine

Nous faisons un travail invisible. Pour le rendre visible, on doit s’arrêter pour qu’on se rende compte de la nécessité de ce qu’on fait.

Les violences faites à l’encontre des femmes sont aussi économiques. Les femmes gagnent 20,6 % de moins par an que leurs homologues masculins. En plus des inégalités salariales liées au simple fait d’être une femme, s’ajoutent celles liées à la nationalité ou à l’origine perçue (conséquence du racisme sur le marché du travail), au niveau de formation, mais aussi à l’occupation de jobs à temps partiel. En effet, ceux-ci sont à la fois dévalorisés, moins bien rémunérés et sans réelle perspective d’évolution professionnelle : or 43 % des femmes sont à temps partiel… contre 9 % des hommes.

“Avec 500 euros par mois et le loyer à payer, il ne nous reste plus rien pour vivre. Nous faisons un travail invisible. Pour le rendre visible, on doit s’arrêter pour qu’on se rende compte de la nécessité de ce qu’on fait”, témoigne ainsi Alexandra, de la Ligue des Travailleuses domestiques de la CSC-MOC Bruxelles, dans cette vidéo réalisée par ZinTV.

Le groupe de mobilisation des étudiantes de l’ULB en vue de la grève féministe rappelle aussi que ces inégalités liées au genre préexistent au monde du travail rémunéré : “En Belgique, les stages dans les études supérieures sont non rémunérés et prestés majoritairement par des femmes. Les secteurs sociaux plus investis par les femmes (infirmières, puéricultrices, assistantes sociales, etc.) sont ceux qui comportent le plus grand nombre d’heures de stage : une main-d’œuvre gratuite, majoritairement féminine.”

Pour en savoir plus, le mémorandum du collecti.e.f 8 maars propose une photographie implacable de la situation des femmes dans notre pays. Chacune d’entre nous peut être touchée de près ou de loin par les violences économiques, machistes, par le sexisme, le racisme et par les inégalités. Face à ce constat, les militantes de la cinquantaine de pays ayant répondu à l’appel international à la grève affirment : “La solidarité est notre arme !”

Toutes en grève !

Dès le début, on voulait donner à toutes l’opportunité de pouvoir faire la grève, et ce dans tous les aspects de leur vie.

Si vous avez envie de participer à la grève du 8 mars, vous vous demandez peut-être comment faire : le collecti.e.f 8 maars propose quatre pistes d’action sur mesure pour le jour J, afin que toutes les femmes puissent participer, d’une façon ou d’une autre (et quand le collectif dit “toutes les femmes”, il inclut toutes les personnes se reconnaissant dans l’identité de femme).

“Dès le début, on voulait donner à toutes l’opportunité de pouvoir faire la grève, et ce dans tous les aspects de leur vie”, explique Malika, membre du collectif. La première proposition est tout d’abord, comme pour une grève traditionnelle, l’arrêt du travail rémunéré. Mais la grève féministe, c’est aussi s’arrêter d’étudier, de prendre soin, de consommer. On vous explique !

Réunion d’information du collecti.e.f 8 maars au café Boom à Bruxelles, le 8 février 2019 © Marine Créer pour axelle magazine

Grève du travail

Deux centrales syndicales ont déjà déposé un préavis de grève : la CNE et la CGSP-Bruxelles, cela signifie que les grévistes recevront une indemnité. Les membres de la FGTB sont aussi invité·es à participer, même si chaque centrale syndicale pourra choisir sa manière d’appuyer la grève. Un livret répondant à toutes vos interrogations légales est en cours de préparation, à suivre sur le site du collecti.e.f 8 maars. En attendant, n’hésitez pas à poser vos questions à votre délégué·e syndical·e !

Mais toutes les femmes ne pourront pas s’arrêter une journée entière : “Soit à cause du rapport de force au travail, soit parce qu’elles sont dans des secteurs où on doit s’occuper de patients ou d’enfants… Qui sont d’ailleurs traditionnellement des secteurs très féminisés”, explique Zoé, membre du collectif.

Pour ces travailleuses – de même que pour les étudiantes qui ne pourront pas faire grève –, le collectif propose qu’elles organisent un moment de pause dans leur journée de travail ou d’études, pour discuter avec leurs collègues des thèmes de la grève, débattre sur les arguments évoqués par le collectif, parler de leur situation personnelle ou collective ou encore faire du bruit à 14h par tous les moyens possibles. Et pourquoi pas un concert de casseroles ?

Intéressée par d’autres moyens de rendre la grève visible ? Le collecti.e.f 8 maars a plus d’une corde à son arc ! Vous trouverez sur leur site des modèles de mail pour expliquer pourquoi vous êtes en grève (à utiliser le jour J). Mais aussi des visuels à appliquer sur vos photos de profils Facebook ou encore des flyers prêts à être téléchargés et distribués.

Rendre visible le soin aux autres

La grève du care, c’est-à-dire du soin aux autres, est proposée par le collecti.e.f 8 maars pour rendre visibles toutes les tâches assignées aux femmes par la société qui se repose sur leur travail gratuit dans la sphère privée : les tâches domestiques, l’éducation des enfants, le soin aux personnes âgées ou porteuses d’un handicap… C’est un type de grève aussi crucial que délicat, sachant que les besoins essentiels des personnes ne peuvent évidemment pas être remis au lendemain du 8 mars. Cependant, vous pouvez arrêter d’effectuer des tâches ménagères auxquelles vous consacrez en moyenne deux heures de plus par jour que les hommes, ou encore parler de la charge mentale autour d’un plat que vous n’aurez pas cuisiné ! Enfin, les hommes qui souhaitent soutenir l’action du collectif peuvent organiser la prise en charge des tâches de care ce jour-là.

On a prévu une garderie qui se fera toute la journée, de 9h à 20h après la manif.

Et les mamans solos ? Elles représentent 86 % des chef.fes de familles monoparentales. Le but n’est évidemment pas qu’elles arrêtent de s’occuper de leurs enfants pendant 24 heures : seules responsables, elles n’ont pas le choix ! Malika, membre du collecti.e.f 8 maars, explique : “À Bruxelles et ailleurs, on a prévu une garderie qui se fera toute la journée, de 9h à 20h après la manif. Et si malgré cela, les femmes ne peuvent pas venir nous retrouver dans l’espace public, elles peuvent se réunir à 14 heures dans leur quartier avec d’autres, porter des habits mauves [couleur du féminisme, ndlr], faire du bruit ou encore accrocher un tablier à leur balcon avec un message de solidarité pour les grévistes !”

Réalisation d’un pochoir en prévision des actions du 8 mars lors de la réunion d’information du collecti.e.f 8 maars au café Boom à Bruxelles, le 8 février 2019 © Marine Créer pour axelle magazine

Grève de la consommation

Selon Zoé, membre du collectif, “c’est un autre aspect que nous voulons mettre en avant. Nous voulons montrer qu’il faut s’arrêter de consommer à un moment, parce que la consommation entretient un système profondément inégalitaire qui contribue à mettre des femmes dans des situations de précarité dans des secteurs où les conditions de travail sont déplorables, où elles n’ont que des temps partiels, très féminisés.”

Si s’arrêter de consommer impacte directement la production et peut mettre en lumière un système d’organisation du travail encore basé sur les inégalités entre les sexes, cela permet aussi de dire stop à l’utilisation sexiste de la femme comme argument de vente.

Comment agir ? On peut se renseigner sur la chaîne de production des produits qu’on consomme pour savoir dans quelles conditions les femmes sont employées par ces entreprises. Passer du boycott individuel à l’action collective, comme l’organisation d’un sit-in. Mais aussi mener des actions relevant de la désobéissance civile, comme l’application de slogans avec des pochoirs mauves sur des publicités ou sur des produits à dénoncer…

“Quand les femmes s’arrêtent…”, elles se rassemblent !

Finalement, il y a de multiples manières de faire grève ou de montrer sa solidarité avec les grévistes. Mais même si les femmes s’arrêtent pour montrer d’abord que sans elles, le monde s’arrête, il ne faut pas perdre de vue l’importance de se rassembler dans l’espace public. Ici, on se rappelle le slogan féministe “le privé est politique” : les problèmes vécus individuellement par chacune doivent être revendiqués collectivement pour être entendus. “Si les femmes sont en grève mais qu’elles restent chez elles, on aura raté alors une partie du projet !”, explique Zoé.

Le 8 mars prochain est donc un appel à la protestation et à la solidarité des femmes face aux violences, à la précarité, au machisme et aux inégalités ; c’est aussi un premier pas vers des formes renouvelées de mobilisation, face aux nouveaux défis que rencontrent les femmes dans notre société machiste, capitaliste et raciste. Ça se joue dès maintenant : vous pouvez rejoindre des séances d’information près de chez vous, sensibiliser votre entourage… Rappelons-nous : avant d’être six millions de grévistes l’an dernier, les Espagnoles n’étaient d’abord que quelques milliers il y a quatre ans. Tout est possible !

Pour aller plus loin
  • Des affiches à placarder “Pour celles qui ont envie de crier partout nos 1.000 raisons de faire la grève des femmes ce #8maars”, téléchargeables ici.
  • Dans ces capsules radio réalises par Zoé, quinze femmes de divers horizons expliquent comment elles sont “devenues” féministes et pourquoi elles feront grève le 8 mars 2019.
  • Dans ces vidéos réalisées par Zin TV et le collecti.e.f 8 maars, des femmes expliquent pourquoi elles participeront à la grève.