L’Église suédoise : un nouveau bastion féministe ?

Par Hors-série N° / p. 33-36 • Juillet-août 2021 | conectionconection Contenu complet (pdf)
reservé aux abonnées

Soixante ans après l’ordination des premières femmes pasteures en Suède, des préoccupations féministes agitent aujourd’hui l’institution religieuse évangélique luthérienne. Dans le viseur de ses prêtres progressistes et engagées : des écarts de salaires et un plafond de verre.

Eva Brunne, évêque de Stockholm pendant dix ans, s’est distinguée par son engagement contre la xénophobie et le racisme. © Albin Hillert

À Kiruna, étonnante ville du nord de la Laponie, dominée de toute part par la silhouette des imposantes mines de fer, l’église en bois orangée surplombe un petit parc municipal encore recouvert de neige lorsque nous le visitons au mois d’avril. Adjacente à ces quelques arbres plantés, la chapelle du crématorium. Entre deux coups de pelle pour en déblayer l’entrée, Annabella Rundqvist nous assure : “C’est la personnalité qui fait un bon prêtre, pas le genre ! Il faut bien savoir s’exprimer, adopter une bonne attitude face aux paroissiens.” “Et puis, on a besoin de femmes pasteures, pour éviter un entre-soi masculin”, renchérit sa collègue Sara Westerberg. Employée à l’entretien de la paroisse depuis onze ans, elle n’assiste jamais à aucun office : “Je travaille à l’église cinq jours par semaine, alors, ça me suffit !” Pour elle, la plupart des paroissien·nes de Kiruna sont favorables au pastorat féminin. “Quand les gens peuvent choisir, ils préfèrent qu’une femme enterre leur proche. Ils trouvent qu’elles adoptent un ton plus doux et personnel”, ajoute-t-elle.

Pourtant réputé très conservateur, le nord de la Suède ne déroge pas au modèle national en matière de représentation des femmes. La paroisse de Kiruna compte aujourd’hui cinq prêtres… dont trois femmes. “C’est nous qui sommes en minorité !”, s’amuse Jean-Claude Marclay, pasteur exerçant à Vittangi, village situé à quelques dizaines de kilomètres de là. Si la féminisation de l’Église suédoise a débuté en 1960, un cap a été franchi l’année dernière : plus de femmes que d’hommes officient désormais en tant que prêtres. En juillet 2020, sur 3.060 prêtres en service, 1.533 étaient des femmes et 1.527, des hommes. Depuis 2013, une femme archevêque, Antje Jackelén, préside également l’Église luthérienne de Suède. “Les croyants doivent pouvoir choisir la personne avec laquelle ils ont envie de parler. Si j’étais victime de violences conjugales, je devrais avoir la possibilité de refuser de m’adresser à un prêtre masculin”, estime Anna Kuoksu, pasteure implantée dans la paroisse depuis le début des années 2000.

Où sont les hommes ?

À près de 1.300 kilomètres au sud de Kiruna, nous retrouvons Eva Brunne devant un petit café géré par l’Église dans le centre de Stockholm. “Parfois, nous nous demandons où sont passés tous les hommes”, ironise-t-elle derrière ses lunettes arrondies. Chemise rose fuchsia mais col romain trahissant sa fonction de prêtre, la sexagénaire est une figure très importante de l’Église suédoise. Évêque de Stockholm pendant dix ans, elle s’est distinguée par son engagement contre la xénophobie et le racisme. “Autrefois, les prêtres étaient des hommes de pouvoir avec un rôle politique. Ils dirigeaient les écoles, les hôpitaux, analyse-t-elle. De nos jours, la fonction s’est beaucoup transformée, elle n’est plus perçue comme une position de pouvoir. Alors les hommes s’en désintéressent…”

La suite de cet article est réservée aux abonné·es...
Déja abonné·e ?
Se connecter
Pas encore abonné·e ? Consultez les différentes formules !
S'abonner
Sans être abonné·e, vous pouvez également acheter (en version .pdf) l’exemplaire du magazine dont est issu cet article, afin de le lire entièrement et de découvrir d’autres contenus par la même occasion !
Acheter ce N° (3€)