Les bonnes planques de l’antiféminisme

Par Hors-série N°225-226 / p. 53-55 • Janvier-février 2020 | conectionconection Contenu complet (pdf)
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Les idées féministes progressent et, en retour de bâton, les antiféministes. Ces dernières s’exposent ouvertement, ou se camouflent, parfois où on les attend le moins. Examen de coins sombres, sous l’œil de Mélissa Blais, spécialiste des masculinismes.

Il existe chez les masculinistes une diversité d’acteurs aux discours plus ou moins francs mais la plupart dissimulent leur antiféminisme. © Kathleen de Meeûs pour axelle magazine

Comme dans tout contre-mouvement, il existe chez les masculinistes une diversité d’acteurs aux discours plus ou moins francs, “mais la plupart vont dissimuler leur antiféminisme”, constate Mélissa Blais, professeure associée à l’Institut de recherches et d’études féministes de l’Université du Québec à Montréal. Aux dernières élections belges par exemple, le programme du Vlaams Belang ne faisait plus une seule fois référence à l’IVG. Et il dissimulait son fond sexiste, et raciste, derrière des annonces de mesures sociales très favorables aux familles… de maximum trois enfants. Cette absence d’attaque directe des droits des femmes, Mélissa Blais la qualifie “de marketing politique” en vue “d’aller chercher un électorat beaucoup plus large”.

Illustration : Kathleen de Meeûs

Des fondements sexistes, et racistes (qui vont souvent de pair) peuvent se masquer de façon plus subtile. “Les mouvements d’extrême droite revendiquent une suprématie blanche, conjointe à une suprématie mâle, mais cette dernière est bien dissimulée – au nom de l’égalité entre les sexes – sous l’opposition à la barbarie de l’islam radical.” La chercheuse dénonce cette façon de masquer son sexisme “puisque dans les faits, ces instances s’opposent à l’égalité à l’intérieur du couple et de la famille, sous prétexte d’une crise de la masculinité hégémonique blanche.”

Autre procédé utilisé par les antiféministes, d’extrême droite ou d’ailleurs : cibler un “certain” féminisme, celui qui poserait problème, sous le discours “je ne suis pas contre le féminisme (pas contre celui qui est pour l’égalité, celui qui se préoccupe aussi des hommes), mais je suis contre le féminisme radical”, ce dernier alors transformé en synonyme d’extrémisme et de mouvement anti-hommes. Un procédé qui scinde le féminisme en deux : le mauvais d’un côté, le bon de l’autre, ce dernier rapidement endossé par ceux qui viennent juste de le redéfinir.

Les mascu-lissés

Fin octobre, la conférence “Soirée Psycho-sexo (avec humour et sans tabou)” organisée à Liège, donnée par le psychologue canadien Yvon Dallaire et par le sexologue bruxellois Iv Psalti (auteur de Sexe : Savez-vous vous y prendre avec les hommes ? Secrets et vérité sur le sexe des hommes à l’usage des femmes !, qui sévit aussi en radio sur VivaCité), a soulevé pas mal de protestations.

En conférence et dans ses écrits, Yvon Dallaire, qu’on présente comme le “spécialiste” canadien des relations de couple défend une vision dans laquelle hommes et femmes ne fonctionnent pas de la même manière.
“En donnant des trucs et astuces, différents, aux hommes et aux femmes, il poursuit son programme politique, à savoir la réaffirmation de la place traditionnelle de l’homme et la perpétuation du modèle de soumission des femmes, enjointes à respecter la “nature” des hommes mais, souligne Mélissa Blais, ce discours passe beaucoup plus inaperçu à l’oral, venant s’insérer dans la croyance communément admise que le bonheur s’atteint à partir du moment où les femmes et les hommes respectent chacun leur rôle.” À la lecture de ses livres cependant, le doute n’est plus permis. Dans Homme et fier de l’être, Yvon Dallaire “pointe explicitement les féministes comme cause d’un “désarroi” masculin, et il va même ouvertement justifier des violences sexuelles : il va dire – je paraphrase – que les garçons doivent pouvoir laisser libre cours à leur puissance sexuelle. Ou que quand un homme est stressé, il serre les poings, une attitude à respecter, sinon…”

Yvon Dallaire, qui a développé une “Formation en Thérapie Conjugale Positive”, tente de l’implanter en Europe. Des “demandes de reconnaissance sont en cours en Belgique, en France et en Suisse”, renseigne son site.

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