À Liège, une mobilisation pour et avec les Afghanes et les Afghans

Ce jeudi 2 septembre, s’est tenue une mobilisation à la gare des Guillemins à Liège “pour la paix et la liberté du peuple afghan” rassemblant quelques centaines de personnes. Sur place, axelle a recueilli les témoignages de femmes afghanes et de Belges.

2 septembre, manifestation pour la paix et la liberté du peuple afghan, Liège. D.R. Live in color association.

Elle a rassemblé tout son courage pour monter sur le podium improvisé et délivrer ses quelques phrases de souhaits de paix pour l’Afghanistan, partager son inquiétude à propos de la situation des femmes de son pays et demander l’aide de la communauté internationale.

Cette mère, arrivée il y a quelques années en Belgique avec ses enfants, et dont le mari et la famille sont toujours en Afghanistan, est la première à prendre la parole après l’introduction de Nadine Lino, fondatrice de l’association Live in Color organisatrice de l’événement. L’asbl liégeoise met en place des processus de marrainage/parrainage entre citoyen·nes belges et personnes migrantes.

Les gens sont dans la rue. Il n’y a plus de nourriture. C’est la catastrophe.

Quelques minutes plus tôt, elle nous a raconté : “Les écoles sont fermées, ils [les talibans, ndlr] ont dit qu’ils les rouvriraient jusqu’à la sixième primaire. Tout est fermé. Même les banques. Les gens sont dans la rue. Il n’y a plus de nourriture. C’est la catastrophe…, la catastrophe, répète-t-elle de sa voix douce. C’est une situation très grave. Mes sœurs ont travaillé avec les Américains, mon frère a travaillé à la commission des élections, toute ma famille est en danger.”

Elle s’arrête un temps. “Pour nous, c’est trop difficile. Parce qu’on a déjà l’expérience des talibans il y a 20 ans [au pouvoir entre 1996 et 2001, ndlr]. On était frappées, les femmes étaient en burqa, elles ne pouvaient pas sortir sans les hommes. C’est très compliqué.”

Une situation indigne

Les acquis, malgré un climat instable, des vingt dernières années ont été perdus en quelques jours suite, le 15 août, à la prise de pouvoir sans combat ni résistance, des islamistes ultra-conservateurs, les talibans.

La fondatrice de Live in Color nous explique : “Le but du rassemblement était de montrer que les citoyens belges, malgré le départ précipité des Occidentaux, n’ont pas abandonné le peuple afghan. Cette situation n’est pas digne de nos démocraties et des droits humains. Il n’est pas question de prôner l’ingérence, mais nous ne pouvons pas accepter que des tortionnaires prennent le pouvoir sans élections, et volent ce droit au peuple.”

On a vu des femmes dans la rue, avec un courage incroyable.

Nadine Lino continue : “Toutes les associations féministes avec lesquelles on est en contact lancent l’alerte. Et elles essaient de résister. On a vu il y a quelques jours des femmes dans la rue, avec un courage incroyable. Au niveau de Live in Color, parmi les 800 personnes passées par l’association, 52 % sont d’origine afghane. On vit au rythme des récits, des horreurs et des injustices et, forcément, tous ces gens, ces jeunes, sont inquiets et brisés. On avait envie, avec eux et pour eux, de montrer qu’on les soutenait.”

L’émotion est palpable parmi les centaines de personnes présentes, une bonne moitié de jeunes hommes afghans – envoyés sur la route de l’exil vers leur quatorzième ou quinzième année avec pour mission d’assurer l’avenir de leur famille. Des citoyen·nes belges, des marraines et parrains de l’association sont là, venu·es soutenir le peuple afghan et leur filleul.

Il y a aussi Pauline, bouleversée par les images qui circulent sur les réseaux sociaux, “j’avais envie de faire quelque chose, je me sentais tellement impuissante. Je me suis renseignée sur les diverses actions. Ça me révolte, ce qui se passe là-bas, et même si on est loin d’eux, on les soutient. On montre “on pense à vous, et on va essayer de faire ce qu’on peut”.”

“On ne respire plus, on ne vit plus”

Une deuxième femme prend le micro. En Belgique depuis 25 ans, elle a voulu participer aujourd’hui pour les mêmes raisons, soutenir son peuple de cœur. Le sujet politique affleure dans ses propos, l’instrumentalisation de la situation par le Pakistan, selon elle aux manettes de la prise de pouvoir des talibans. “L’Afghanistan est une dictature, lance-t-elle. Ce qu’il se passe est in-ad-mis-sible, elle martèle et répète. Au nom de la religion, faire des choses pareilles !, au nom de mon islam ! Ce n’est pas mon islam…”

Une troisième femme montera encore sur la petite tribune, après plusieurs appels à l’unité venant de jeunes Afghans issus des nombreuses ethnies qui composent l’Afghanistan et souvent rivales entre elles.

Les interventions sont d’ailleurs traduites, en dari si énoncées en pachtoune, et inversement, par le représentant bruxellois des sans-papiers afghans, qui rappellera en fin de rassemblement les difficultés et refus rencontrés jusque-là pour obtenir leurs papiers. Cruelle ironie, la terrible situation actuelle leur en facilitera peut-être l’accès.

La jeune femme, campée sur l’estrade, ne veut pas d’applaudissements.

En attendant, la jeune femme, campée sur l’estrade, ne veut pas d’applaudissements. D’une voix intense, elle réclame de retrouver la santé mentale, “on ne respire plus, on ne vit plus. Les femmes et les hommes de mon pays souffrent.”

Pour ces réfugié·es, la succession des jours et de l’arrivée des nouvelles de leur famille restée au pays est une torture mentale. Rien ou si peu est à espérer du régime des talibans qui viennent d’annoncer la formation de leur gouvernement, d’où les femmes sont totalement absentes.

Le seul espoir réside dans les balises et pressions que peut exercer la communauté internationale, alors que les organisations humanitaires viennent de reprendre leurs activités, mais pour combien de temps ? La mission de l’ONU arrive à échéance le 17 septembre et, de sa part également, les inquiétudes sont grandes et particulièrement en ce qui concerne le traitement des 17 millions de femmes et filles afghanes soumises au régime de la charia.

Indispensable mobilisation

La prise de conscience et la mobilisation ici, à propos de la situation là-bas, est indispensable. Des cartes blanches et pétitions se succèdent, notamment en France, certaines rédigées par des activistes et militant·es de défense des droits de femmes, ou un collectif de femmes artistes, demandant l’offre d’asile sans conditions de toutes les femmes afghanes qui souhaitent partir pour se mettre en sécurité.

En Belgique, Live in Color a initié une pétition à l’attention des dirigeant·es belges et européen·nes, demandant, notamment, un plan de répartition européen solidaire, afin d’accueillir les Afghan·es fuyant le pays, et des voies d’exil légales et sécurisées. D’autres initiatives, comme la carte blanche des associations féministes réunies sous la coupole d’Alter Égales, relaient des demandes concrètes de soutien au peuple et aux femmes afghanes.