Les lignes fines : prostitution, travail du sexe, traite des êtres humains…

Par N°265 / p. 36-45 • Octobre-décembre 2025 | conectionconection Contenu complet (pdf)
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Choix versus contrainte, libre versus forcée… La réforme du Code pénal en matière d’infractions sexuelles a, sur le papier, voulu tracer une ligne entre situations où les personnes en prostitution sont exploitées et celles où elles exercent un travail consenti. Est-ce si évident ? En tout cas, ce cadre et son nouveau contrat de travail sexuel ne collent pas aux multiples réalités des personnes en prostitution, en majorité des femmes. Elles nous expliquent pourquoi. Une série d’assos de première ligne et d’expert·es s’expriment. Plongée en terrain conflictuel, dans les zones d’ombre d’une loi « à la belge »… avec côté surréaliste.

© Marion Sellenet pour axelle magazine

Une enquête réalisée par Véronique Laurent, Manon Legrand et Sabine Panet avec le soutien du Fonds pour le Journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles. 

« J’en ai 60, alors 25 ans en arrière…, j’avais 35 ans », Marlène se rappelle son entrée en prostitution au hasard d’une annonce pour un boulot de masseuse. Elle est une des rares à accepter de nous parler de son parcours. Mère de famille nombreuse (trois enfants à elle, trois recueilli·es à la mort de sa belle-sœur, trois comme famille d’accueil), elle explique : « Quand tu allais travailler, c’était 10 euros de l’heure… Là, sur même pas une demi-heure, tu t’es fait 150 boules. Tu fais quoi ? C’était 50/50 [avec la gérante du salon, ndlr] et les prix étaient plus élevés que maintenant. Puis j’ai commencé en privé et ici [rue Marnix à Seraing, ndlr], en indépendante. »

Marlène parle d’une vie à 200 à l’heure, de brassage d’argent, de sa fierté d’avoir pourvu aux besoins de ses enfants, de dettes, « d’un métier plus que dur », de capacité à dire non, de dettes, de clients « chouettes », des hommes qui sont des « porcs », et de dettes… « J’avais des cotisations sociales en retard. » Marlène en discute avec Dominique Silvestre, de l’asbl Icar, qui accompagne des personnes en situation prostitutionnelle. « Elle m’a dit « Si un jour il t’arrive quelque chose, tu n’es pas en ordre de mutuelle ». Je me suis mise dans les titres-services. Et puis j’ai eu un cancer du sein. Et là, ça a été le bordel. L’ablation, la chimio, les rayons, le Covid, enfin bref, voilà. » Pour apurer ses dettes, Marlène a dû vendre sa maison. Toujours sous hormonothérapie, elle vit grâce à l’assurance maladie.

Une loi, un contrat

Juin 2022, la loi sur la dépénalisation de l’exploitation de la prostitution entre en vigueur. Il faudra deux ans pour que, le 3 mai 2024, la loi sur le travail du sexe, première mondiale, permette aux personnes en prostitution de travailler sous un contrat donnant accès aux droits – et devoirs – des salarié·es mais aussi, au vu de la nature du « travail », à des droits très spécifiques. L’employeur, lui, doit d’abord obtenir un agrément, sous conditions strictes, auprès des ministères de l’Emploi et de la Justice. Ce contrat aurait-il facilité la vie de Marlène ? Aide-t-il les personnes en prostitution ?

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