Une enquête réalisée par Véronique Laurent, Manon Legrand et Sabine Panet avec le soutien du Fonds pour le Journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.
« J’en ai 60, alors 25 ans en arrière…, j’avais 35 ans », Marlène se rappelle son entrée en prostitution au hasard d’une annonce pour un boulot de masseuse. Elle est une des rares à accepter de nous parler de son parcours. Mère de famille nombreuse (trois enfants à elle, trois recueilli·es à la mort de sa belle-sœur, trois comme famille d’accueil), elle explique : « Quand tu allais travailler, c’était 10 euros de l’heure… Là, sur même pas une demi-heure, tu t’es fait 150 boules. Tu fais quoi ? C’était 50/50 [avec la gérante du salon, ndlr] et les prix étaient plus élevés que maintenant. Puis j’ai commencé en privé et ici [rue Marnix à Seraing, ndlr], en indépendante. »
Marlène parle d’une vie à 200 à l’heure, de brassage d’argent, de sa fierté d’avoir pourvu aux besoins de ses enfants, de dettes, « d’un métier plus que dur », de capacité à dire non, de dettes, de clients « chouettes », des hommes qui sont des « porcs », et de dettes… « J’avais des cotisations sociales en retard. » Marlène en discute avec Dominique Silvestre, de l’asbl Icar, qui accompagne des personnes en situation prostitutionnelle. « Elle m’a dit « Si un jour il t’arrive quelque chose, tu n’es pas en ordre de mutuelle ». Je me suis mise dans les titres-services. Et puis j’ai eu un cancer du sein. Et là, ça a été le bordel. L’ablation, la chimio, les rayons, le Covid, enfin bref, voilà. » Pour apurer ses dettes, Marlène a dû vendre sa maison. Toujours sous hormonothérapie, elle vit grâce à l’assurance maladie.
Une loi, un contrat
Juin 2022, la loi sur la dépénalisation de l’exploitation de la prostitution entre en vigueur. Il faudra deux ans pour que, le 3 mai 2024, la loi sur le travail du sexe, première mondiale, permette aux personnes en prostitution de travailler sous un contrat donnant accès aux droits – et devoirs – des salarié·es mais aussi, au vu de la nature du « travail », à des droits très spécifiques. L’employeur, lui, doit d’abord obtenir un agrément, sous conditions strictes, auprès des ministères de l’Emploi et de la Justice. Ce contrat aurait-il facilité la vie de Marlène ? Aide-t-il les personnes en prostitution ?
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