Ouganda : leur énergie contre Total

Par N°247 / p. 48-51 • Juillet-août 2022 | conectionconection Contenu complet (pdf)
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Du haut de ses 25 ans, Hilda Flavia Nakabuye est une activiste du climat habituée à porter ses combats bien au-delà de son pays, l’Ouganda, où elle a implanté le mouvement Fridays for Future. Diana Nabiruma, elle, est plutôt une spécialiste acharnée du terrain. Cette trentenaire est l’une des responsables d’AFIEGO (Africa Institute for Energy Governance), association ougandaise de défense de l’environnement. Toutes deux font aujourd’hui front commun contre un mégaprojet pétrolier aux impacts humains et environnementaux dévastateurs. Nous les avons rencontrées à Paris, en mars, lors d’une tournée européenne d’un groupe d’activistes ougandais·es et de leurs soutiens français.

Hilda Flavia Nakabuye, activiste du climat, est habituée à porter ses combats bien au-delà de son pays, l’Ouganda. Avec d'autres, elle se bat contre un mégaprojet pétrolier aux impacts dévastateurs. © Robin Letellier

L’un des projets pétroliers les plus ambitieux au monde porte le nom le plus ironique : Tilenga. Une contraction de deux mots de langues ougandaises signifiant “antilope”. C’est ainsi qu’un consortium de compagnies pétrolières, dont la multinationale française TotalEnergies, a baptisé sa nouvelle zone d’exploitation à l’ouest de l’Ouganda.

Un nom augurant pourtant d’importantes destructions environnementales, puisque Tilenga est adossé au projet EACOP (East African Crude Oil Pipeline), rien de moins que l’oléoduc chauffé (à 50 degrés, pour la gestion de la viscosité du pétrole) le plus long du monde. Prévu pour traverser l’Ouganda et la Tanzanie sur 1.443 kilomètres, EACOP menace des zones naturelles protégées, le bassin du lac Victoria, des espèces de chimpanzés, de girafes… et des antilopes.

Plus de 100.000 personnes, selon les ONG Les Amis de la Terre et Survie, ont déjà dû abandonner toutes ou une partie de leurs terres pour laisser place au chantier. En première ligne : les femmes. Pour empêcher la catastrophe, des activistes comme Hilda Flavia Nakabuye et Diana Nabiruma élèvent leurs voix. À l’échelle locale, pour sensibiliser les communautés affectées par le mégaprojet pétrolier. Et à l’international, pour en faire connaître les ravages.

Y a-t-il beaucoup de femmes parmi les personnes déjà affectées par les projets pétroliers Tilenga et EACOP ?

Hilda Flavia Nakabuye : “Bien sûr. Beaucoup de familles ont été déplacées parce qu’on leur a dit qu’elles ne pouvaient plus utiliser leurs terres. L’Ouganda est un pays d’agriculteurs. Si vous perdez votre terre, vous ne pouvez plus pratiquer d’agriculture… Or, il y a beaucoup de femmes agricultrices. Elles se retrouvent affectées par Tilenga-EACOP. On sait déjà que le changement climatique touche de manière disproportionnée les femmes par rapport aux hommes. Avec ces projets, il en va de même. Ce sont les femmes qui ont le plus de responsabilités à la maison. Ce sont elles qui supportent le fardeau le plus lourd. Ce mégaprojet pétrolier les oblige à s’installer ailleurs, la compensation financière ne leur est souvent pas versée directement… C’est plus rude pour elles d’assurer leur subsistance et de trouver d’autres sources de revenus.”

Diana Nabiruma : “Avec leurs récoltes, les agricultrices nourrissaient leurs familles et vendaient le reste. Désormais, elles sont obligées de cesser de cultiver leurs terres. Or les compensations financières sont trop faibles, ou reçues après un long délai. Parfois aussi, les hommes en font une mauvaise utilisation. Cela voue à l’échec le remplacement de la terre perdue. Les familles ne peuvent racheter qu’une plus petite surface. Ou avec un sol moins fertile, donc moins cher. Sauf qu’une terre moins fertile, c’est une terre moins productive. Pour les femmes responsables de l’apport de nourriture dans leur foyer, cela complique la tâche.”

Quelles sont les conséquences concrètes pour ces femmes ?

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