
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
L’écriture de mon prochain album ! C’est très stimulant d’écrire un scénario, et très prenant aussi… J’y pense 24h/24, c’est toujours dans un coin de ma tête. Il y a tant de questions auxquelles il faut trouver des réponses…
Et sinon, la série Mare of Easttown. Je l’ai vue une première fois et j’en ai eu le souffle coupé. C’est brillant ; il faut absolument que je la revoie. C’est si bon de savourer des scénarios d’une telle qualité, portés par des personnages forts et magnifiquement interprétés… Vous allez adorer cette flic teigneuse et émouvante, subtile et en proie au doute que joue une Kate Winslet bouleversante de sincérité.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Le modèle économique est obsolète. La précarité des auteurices est galopante et c’est l’ensemble du mécanisme qui est à revoir. Depuis 20 ans la pagination des albums n’a cessé d’augmenter et on est payé au forfait, ce qui représente un prix à la planche dérisoire. À côté de ça, la surproduction est évidente, les libraires ne savent plus quoi faire d’autant de nouveautés, les lecteurices n’en lisent qu’une infime partie… La machine de la production de BD s’emballe et tout le monde en sort perdant, alors que les chiffres de vente sont globalement bons et qu’en tant qu’art, ce médium acquiert ses lettres de noblesse. Il y a deux poids, deux mesures.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Envers l’extrême droite dans son ensemble. On nous inonde en permanence de leurs idées ou théories nauséabondes et elles percolent lentement dans l’ensemble de la société. S’il y a bien une épidémie contre laquelle il faut entrer en guerre, c’est celle-là.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Avec les gens qui se sentent paumés alors qu’autour d’eux les gens leur disent “de quoi tu te plains ?” Rien n’est jamais évident et les apparences sont trompeuses. Ce genre de situation, où au fond de nous-mêmes, en secret, on se sent complètement dépassés par les événements, me fascine. C’est un état très particulier que j’aimerais bien explorer, à l’occasion d’un prochain album par exemple.

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
La vocation d’Alix Garin remonte à l’enfance. “J’ai toujours dessiné, explique-t-elle à Audrey Vanbrabant. Avant même de savoir lire. Mes parents m’encouragent depuis toujours. Une amie de ma mère m’a un jour tracé six cases sur une feuille blanche et m’a expliqué qu’avec ça je pouvais raconter une histoire avec mes dessins. Ça a été une révélation absolue. J’ai été abonnée au journal de Spirou toute ma jeunesse et ma mère était une très grande lectrice. J’ai grandi avec cette culture de la bande dessinée.” Après ses humanités, sans surprise, Alix Garin s’inscrit à l’École supérieure des arts Saint-Luc, à Liège, section bande dessinée. En 2017, elle est lauréate du prix Jeunes Talents du festival “Quai des bulles” de Saint-Malo. C’est une étape importante dans son parcours puisque son futur éditeur, Le Lombard, la repère à cette occasion. L’année suivante, elle emménage à Bruxelles et est engagée à plein temps par l’agence Cartoonbase, spécialisée dans la création de vidéos et d’illustrations. Parallèlement, elle se lance dans l’écriture de Ne m’oublie pas. Durant deux ans, elle travaille sur ce projet en soirée et les week-ends. À sa sortie, l’album, salué par la critique, trouve son public. Il reçoit plusieurs prix, dont le prix Rossel du roman de bande dessinée et le prix France Culture BD des étudiants. En 2021, Alix Garin illustre également C’est comment la première fois ? (Et 80 questions existentielles qu’on se pose à l’adolescence) paru aux éditions Bayard et collabore au projet collectif “L’été de mes 17 ans” pour le magazine Phosphore. Pour notre plus grande joie, elle vient aussi de signer “Une carte blanche qui s’affiche” publiée dans le numéro 244 d’axelle magazine ! Elle travaille actuellement sur un nouveau roman graphique qu’on attend avec impatience.
À lire :

Quand elle apprend que la maison de retraite propose une sorte de camisole chimique pour canaliser les fugues de sa grand-mère atteinte de la maladie d’Alzheimer, Clémence décide de la kidnapper. Ensemble, elles embarquent dans un road trip émouvant où l’humour est aussi du voyage. Direction : la maison où a grandi la vieille dame, au bord de la mer. En plus de suivre cette relation complice qui se tisse et se renforce au fil des kilomètres, l’album aborde subtilement d’autres sujets comme le passage à l’âge adulte, l’orientation sexuelle, l’affranchissement des codes ou encore la difficulté à pardonner… Une bande dessinée hautement maîtrisée qu’on n’oubliera pas de sitôt !
À écouter :
Alix Garin : “Le corps vieillissant n’a pas à être caché, il est sublime”, dans l’émission de Chloë Cambreling L’invité(e) des matins d’été sur France Culture.
À voir :