
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Tant de choses ! Je suis quelqu’un de relativement positif. Je me réjouis de ce qui arrive. Je viens de terminer une belle tournée avec Sttellla et je m’impatiente déjà de la reprise qui aura lieu autour de mai 2020. Mais mon attention et mon énergie vont se concentrer maintenant sur le retour au travail de mon spectacle LAY THIS DRUM. Pour ça, je suis terriblement enthousiaste ! Ce spectacle prend une très belle tournure et est très prometteur. L’équipe de percussionnistes est incroyable ! Je suis super fière d’avoir pu rassembler ces femmes dans cette aventure. Il y a des Françaises, mais aussi une Belge néerlandophone et je me réjouis de croiser nos regards. C’est fou, quand on y pense, nous venons d’un même pays et pourtant, nous sommes si différentes… Nous prévoyons de participer au Festival d’Avignon en 2021. On va travailler dur pour ça. Et puis il y a de fortes chances pour qu’on s’étende sur la France. Ça aussi, ça m’enthousiasme vraiment ! Enfin, il y a toutes ces rencontres que je peux faire par le biais de la musique ; c’est un média incroyable. Universel. Illimité. Des musicien·nes, des journalistes, des personnes “lambda” qui manifestent leur intérêt et leurs réflexions autour de mon travail. Ces derniers mois sont merveilleux d’échanges. Pour résumer, je crois que je m’enthousiasme des challenges professionnels qui m’attendent ainsi que des petites choses que m’apporte la vie.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Forcément, je vous répondrais l’inégalité de représentation entre les femmes et les hommes. Même si, comme je l’ai déjà dit, j’ai le plaisir d’être considérée par mes pairs et mes collègues musiciens (masculins, donc) comme leur “égale”, il y a un véritable manque de représentation féminine dans les métiers de la musique (de l’art en général…). Ce que je pointerais en particulier, c’est l’entretien des stéréotypes de genre dans la musique. Ils sont encore trop présents. Beaucoup trop présents ! Et, telle la vidéo à laquelle j’ai participé récemment pour Vews, il y a encore beaucoup de sexisme ordinaire dans ce milieu qui se voudrait ouvert. J’en profite pour vous inviter à visiter la page de “paye ta note” sur Facebook. Elle est criante de vérité. La page relève les petites phrases quotidiennes que reçoivent les femmes dans la musique… parfois, c’est véritablement affligeant ! Ensuite, je pointerais sans doute le manque de “prise de risque” des producteurs/lieux d’accueil de spectacles ainsi que des instances gouvernementales d’aide à la création. En Belgique, il est très compliqué d’être soutenu·es lors de la création de spectacle. C’est un véritable frein au développement de projets. Il n’y a rien à faire, qu’on le veuille ou non, l’argent, c’est le nerf de la création. Chez nous, nous créons sans argent, avec des bouts de ficelle ; nous pourrions aller tellement plus loin avec une subvention. L’enveloppe gouvernementale octroyée à la création artistique est très mal distribuée. Cela m’énerve. C’est très injuste et ça ne permet pas la diversification des projets. C’est souvent les projets déjà soutenus par de grosses maisons (elles-mêmes subventionnées) qui reçoivent les sous disponibles… c’est absurde !
Résultat : on travaille très souvent gratuitement, on ne peut pas aller au bout des idées et on manque de visibilité si l’on n’a pas une grosse prod’ qui nous soutient (logistiquement et financièrement). C’est épuisant !
Heureusement, dans le cas de LAY THIS DRUM même si nous n’avons pas de sous, nous avons la chance d’avoir des partenaires qui nous soutiennent et nous offrent régulièrement leur aide. Gros big up au Centre culturel de Watermael-Boitsfort qui nous suit depuis le début. Ha ! J’oubliais ! L’effort physique que je fais quotidiennement, ça aussi c’est pénible ! Quelle idée d’avoir choisi la batterie !

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Je suis indignée par la gestion globale de notre monde moderne. J’ai l’impression que les dirigeants du monde sont nés avec des œillères, ou alors aveugles, sourds, égoïstes et abrutis !
Comment peut-on laisser mourir des gens pour de l’argent ? Comment peut-on détruire le sol qui nous nourrit ? Raser les forêts qui nous oxygènent, comment peut-on tuer pour le plaisir de chasser ? Comment peut-on marcher dans la rue sans voir ceux qui y meurent chaque jour ? Tout ça peut sans doute sembler un peu “bateau” mais justement… il y a aussi trop de gens qui y meurent… dans ces bateaux !
Je n’arrive plus à regarder les infos. Je ne supporte plus les posts Facebook… entre ceux qui posent avec un éléphant/lion/chien/chat (animal quoi !) mort, les humains que l’on traite indignement, et le fait qu’on va tous mourir à cause des changements climatiques… cela m’angoisse terriblement ! Je me sens impuissante et cela me révolte.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Avec mon kiné qui essaye de sauver mon coude récemment blessé !
Avec mes proches, qui sont nécessaires à ma survie.
Avec la vie… Non, avec moi-même, en fait !
J’ai traversé précédemment une période super difficile qui a éprouvé ma capacité de résistance, de pardon, de résilience. Je me suis promis de me battre, d’apprendre à m’aimer et à m’écouter. De croire cette petite voix intérieure qui souvent me parle et que j’ai trop souvent négligée. Aujourd’hui, je vais bien, et j’essaye de prendre en compte ce qui résonne en moi. Sans doute est-ce là le lien auquel la question fait référence !
J’ai eu une série de problèmes en même temps, comme un signal d’alarme. Des gens nuisibles, des accidents, des proches en danger… je n’ai pas eu d’autre choix que de lâcher prise. Depuis que je m’écoute, la vie m’offre chaque jour de très belles choses.
J’ai surtout énormément de gratitude envers celles et ceux qui m’entourent, que ce soit au travail ou dans la vie privée. Je les aime terriblement.
(et je vais leur dire encore une fois ici, pour être certaine que le message soit passé : je vous aime !)

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Tout ! Je voudrais avoir plusieurs vies pour pouvoir apprendre à faire plein de trucs qui me fascinent.
D’ailleurs, ça a toujours été un souci, étant plus jeune, je me lançais dans plein de trucs, mais forcément je n’arrivais pas à aller aussi loin que ce que j’espérais, puisqu’il y avait toujours une nouvelle chose pour me distraire de ma route !
J’ai appris à me focaliser un peu plus sur les choses aujourd’hui.
Je suis aussi curieuse des autres. Et de tout ce que je n’ai pas (encore) vécu.
J’aime bien apprendre.
Tout ce que je ne connais pas me rend curieuse… mais par exemple, ce n’est pas très grave si je meurs sans savoir couler une chape de béton ou réparer mon lave-linge (même si j’ai déjà essayé d’aller vérifier la pompe de vidange de celui-ci pour comprendre pourquoi ma machine ne fonctionnait plus…).
Ha et puis j’aimerais beaucoup repartir en voyage prochainement ; ça fait plusieurs années que je le dis mais je ne le fais pas. Si quelqu’un·e veut partir avec moi en randonnée à Madagascar, qu’il/elle se manifeste !
“Boum‐tchak‐prrrrr‐prrr‐tiiii‐tchak‐tiii‐poummmm‐tchak‐poumpumtchak ! Voilà à peu de choses près les premiers mots que Gaëlle a prononcés… et depuis, elle tape sur tout ce qui bouge : les mots, les toms, les tams, les tables, les batteries, bref, tout ce qui lui passe sous la main.” C’est comme ça que commence la biographie de Gaëlle Swann sur le site de la Compagnie du Scopitone, une compagnie bruxelloise créée en 2010 pour élaborer des créations interdisciplinaires, principalement théâtro-musicales et visuelles et avec laquelle elle collabore. C’est que Gaëlle n’a jamais vraiment su choisir : elle a également étudié le théâtre au Conservatoire royal de Bruxelles et depuis, oscille entre ses deux passions : le théâtre et la musique.
En 2018, elle crée avec d’autres musiciennes le spectacle LAY THIS DRUM qui interroge le sexisme dans le milieu musical. Cette performance découle de l’expérience directe de Gaëlle (et de beaucoup d’autres musiciennes) : alors qu’elle est invitée pour découvrir la sortie d’une nouvelle batterie électronique, les autres musiciens ont passé la journée à lui demander s’il y avait des sandwichs et où étaient les toilettes. Révoltant en effet.