Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Des projets avec plus d’envergure, plus grands, plus ambitieux que j’ai mis sur le côté depuis des années et que je réouvre maintenant. Comme faire de ma maison une sculpture.
Une bonne et grandissante toile d’araignée de femmes et amies autour de moi, cette sororité magnifique, dont je goûte le sens chaque jour.
Observer les femmes qui s’emplissent de plus en plus de force…
Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
La valorisation de notre travail. On est très souvent payé après toutes les équipes qui organisent les expositions.
Cela peut prendre plusieurs mois.
On se sent comme des mendiants à réclamer nos sous.
Parfois on n’est même pas payé pour présenter nos œuvres.
Et si en plus on est mère, seule avec des enfants, sans aucune aide, vous pouvez imaginer les fins de mois…
Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
J’en ai eu plusieurs. Comme je disais, il faut souvent courir après nos honoraires et, dans ce monde, quand on est une femme, ça peut être très humiliant de voir comment on est traitée. C’est pour ces raisons qu’il faut toujours lire nos contrats et avoir le courage de proposer un changement si quelque chose ne nous convient pas.
Et surtout cela me sidère comme on se fait balloter d’un côté et de l’autre et comment on décide à notre place. Et ce pour de nombreuses choses, mais là, je pense notamment à la question de l’avortement en Pologne et aux remises en question récurrentes de notre place dans la société.
Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Je me sens en très fort lien avec beaucoup de femmes.
La première, c’est ma sœur Joanna Wolska, grande activiste polonaise qui mène plein de combats là-bas.
Notre lien a toujours été très fort, et toutes deux nous applaudissons chaque femme qui « réussit » quoi que ce soit.
La même chose avec mon cercle d’amies.
Heureusement, il n’y a pas que les femmes qui deviennent ma « famille ». Il y a aussi des hommes avec qui je partage mes valeurs.
Ces valeurs qui me sont indispensables pour survivre dans cette société qui laisse tellement de gens déprimés et sans espoir. Je crois que si on cultive le respect, la confiance et l’honnêteté on arrivera à changer ce monde tordu.
Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Tout. J’étais un enfant avec des TDA [troubles du déficit de l’attention, ndlr], donc je peux être étonnée, curieuse d’énormément de choses. J’adore regarder les différentes vies. Je suis souvent émue… d’observer d’où certaines personnes viennent et comment elles grandissent.
J’adore voir les gens qui écoutent leurs passions, comment ils se trouvent, s’accomplissent.
Comment ils trouvent finalement leur chemin.
Tatiana Wolska, 2024. Photo Will Pace, courtesy the Artist and Midlands Arts Centre
Née en Pologne, Tatiana Wolska est une artiste plasticienne résidant à Bruxelles. Diplômée de la Villa Arson (Nice) en 2007, elle pratique la sculpture, mais aussi le dessin qu’elle envisage comme une forme de création totalement libre, qui lui « permet d’évacuer le stress et de libérer la créativité ». En 2014, elle est lauréate du Grand Prix du Salon de Montrouge (France) et expose au Palais de Tokyo à Paris. Elle est ensuite invitée à présenter son travail par de nombreuses institutions françaises et belges.
Pour la galerie Irène Laub qui la représente : « Économie de moyens et simplicité du geste sont au fondement de son travail sculptural. » Ces dernières années, l’artiste étend son champ de réflexion et d’expérimentation en s’intéressant aux « abris de fortune et habitations nomades ». Au printemps 2024, c’est au tour du Midlands Arts Center de Birmingham (Angleterre) de l’accueillir. En mars, elle remporte le prix Drawing Now. Enfin, elle participe, jusqu’au 6 octobre, à une exposition collective de sculptures en plein air « Lustwarande » à Tilbourg (Pays-Bas).