
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Les paysages à couper le souffle de l’Afrique, où je me rends régulièrement. Les autres modes de vie que je côtoie lors de voyages liés à la recherche et qui incitent à élargir sans cesse ses horizons. Plus directement en lien avec mes activités de recherche quotidiennes : la volonté de repousser les limites. L’interaction avec les jeunes chercheurs pour les encourager à aller dans ce sens.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Patience et persévérance. Il n’est pas toujours facile de découvrir l’histoire qui se cache derrière les outils en pierre. Seule une enquête systématique basée sur une méthode de recherche solide peut conduire à des résultats probants. Des résultats rapides ne sont pas possibles et font injure au passé.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
La pression de publier pousse certains à dissimuler des résultats de recherche limités sous des titres élogieux. Cela va à l’encontre de ce que devrait être la recherche scientifique.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
À travers mes recherches, je cherche bien sûr à établir un lien avec les humains du passé. Dans quelle mesure sont-ils comme nous aujourd’hui, dans quelle mesure sont-ils différents ? Qu’est-ce qui nous définit en tant qu’êtres humains ?

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
L’inconnu. La recherche des pièces manquantes du puzzle du passé. Et le regain d’énergie qui suit la découverte soudaine de quelque chose de nouveau, d’une nouvelle idée.
Née à Leuven, Veerle Rots est très tôt fascinée par la Préhistoire et l’évolution humaine. Elle entreprend des études d’archéologie à la KU Leuven. Lors de fouilles en Égypte, elle réalise “l’importance de la tracéologie, une méthode qui permet de déterminer, par des analyses microscopiques, l’utilisation des outils de pierre taillée et qui ouvre la voie à une compréhension approfondie de l’organisation et de la fonction des sites préhistoriques”. En 1997, elle entame une thèse de doctorat qui porte sur “le développement d’une méthodologie pour pouvoir identifier les systèmes d’emmanchement des outils lithiques” et pour lequel elle élabore un programme de recherche expérimentale à grande échelle, faisant notamment appel à des tailleurs de pierre du CETREP (Centre d’Étude des Techniques et de Recherche Expérimentale en Préhistoire). À la suite de découvertes inédites, Veerle Rots obtient plusieurs mandats de recherches postdoctorales, puis devient en 2011 chercheuse qualifiée du FNRS. L’année suivante, elle obtient une bourse prestigieuse de l’European Research Council (ERC Starting Grant) et fonde à l’Université de Liège le TraceoLab, un laboratoire qui étudie les traces d’usure et les résidus microscopiques sur la pierre préhistorique. “Grâce à ce type d’analyse microscopique, explique Veerle Rots, nous pouvons non seulement découvrir des informations sur les technologies préhistoriques et les stratégies d’approvisionnement en nourriture, mais aussi sur la fonction d’un site, l’organisation des activités et la complexité du comportement humain. Elle nous apprend également que les Néandertaliens étaient plus stratèges qu’on ne le croyait et qu’ils étaient déjà capables de fabriquer des outils complexes. De fait, le concept d’emmanchement est beaucoup plus ancien que nous le pensions dès lors qu’il remonte au moins à 250.000 ans. Cette découverte est révolutionnaire.” Comptant une quinzaine de chercheurs/euses ainsi qu’un spécialiste de la taille des outils en pierre, ce centre de renommée internationale s’intéresse aussi aux projectiles et aux modes de propulsion. En 2019, Veerle Rots devient “Maître de recherches du FNRS”. Elle reçoit, en juin 2022, le Prix Francqui, appelé “prix Nobel belge”, en Sciences Humaines.
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