De Verviers, Namur, Nivelles, de Liège ou Bruxelles, les mêmes types de témoignages s’accumulent. Des mères racontent, chacune un récit singulier et complexe, chacune le même : confrontées aux services publics que sont les SAJ, SPJ, parquets et tribunaux, ce sont leurs paroles et celles de leurs enfants qui sont passées en jugement. Ces mères dénoncent des décisions abusives d’éloignement, qui s’inscrivent dans la droite ligne des dysfonctionnements que nous soulevions dans notre série de trois articles “Enfance et prise en charge des violences”.

Valérie
Concrètement ? Séparée, Valérie [prénom d’emprunt] prend contact avec le SAJ, le Service de l’aide à la jeunesse, parce que ses enfants (11, 10 et 8 ans) enchaînent les crises d’angoisse et se plaignent des violences morales infligées par leur père. Valérie ne peut fournir que peu de preuves ; les professionnel·les consulté·es ne la prennent pas au sérieux. Que fait le SAJ ? Il ordonne un placement des enfants ! Valérie s’y oppose. Elle se retrouve devant un juge, qui décide de l’écartement des enfants : Valérie les aurait “aliénés” contre leur père. Le SPJ (Service de la protection de la jeunesse, qui met en œuvre les décisions judiciaires) place alors les deux plus jeunes en internat et prolonge le placement de l’aîné en centre médical. Outre l’aliénation parentale, le jugement évoque la “maladie mentale” de Valérie, sa “fragilité” et la surmédicalisation des enfants. Valérie les a retrouvé·es au bout d’un an. Elle et ils restent profondément marqué·es. Les deux plus jeunes ont de grosses difficultés de socialisation à l’école et y subissent du harcèlement. Le SPJ continue à vouloir les envoyer chez leur père en week-end ou vacances alors que les enfants s’y opposent, parfois physiquement.
Carina, Muriel, Vanessa…
Carina [prénom d’emprunt], suite à un post-partum compliqué et une situation de précarité, confie sa fille à la sœur du père, le temps de trouver un logement, un travail, et de se stabiliser. La belle-sœur saisit le SAJ au prétexte de la précarité de Carina et obtient la garde. “Je suis considérée comme plus fragile que je ne le suis en réalité, et je passe mon temps à essayer de prouver, convaincre : je me retrouve au banc des accusées.” Après 10 ans ( !) de combat, les services impliqués disent aujourd’hui à Carina que c’est trop tard, que sa fille est trop habituée à sa vie actuelle…
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