“Artemisia”, magnifique BD

Il faut connaître l’art et l’histoire d’Artemisia Gentileschi. Artemisia, magnifique BD de Nathalie Ferlut au scénario et Tamia Baudouin à l’image, lui rend un femmage à la mesure de cette femme extraordinaire.

Talentueuse peintresse (oui, le terme était d’usage en français à l’époque où Artemisia devient la première femme admise à l’Académie italienne des arts du dessin en 1616 !), femme fière et déterminée, née dans les pinceaux de son père et dans la pauvreté de sa maison familiale, Artemisia grandit en développant un talent incroyable qu’elle ne peut pas légalement exercer, la peinture était un art noble réservé aux hommes. Artemisia existe dans cette adversité : elle a un caractère fort, elle tient tête à son entourage, elle se sait douée, contrairement à ses frères.

Son père, Orazio Gentileschi, conscient de l’or qu’Artemisia a entre les doigts, la fait travailler anonymement sur ses propres tableaux et décide de la doter discrètement d’un professeur particulier, Agostino Tassi. Mais Agostino Tassi viole Artemisia et, contre son silence, lui promet de l’épouser afin que personne ne sache ce qui s’est passé, la honte risquant de retomber sur la victime – ce qui ne nous change pas beaucoup du 21e siècle. Artemisia accepte finalement de porter plainte sous la pression de son père, qui souhaite davantage récupérer des tableaux volés par Tassi que rendre justice à sa fille. Artemisia est donc soumise, comme c’était l’usage, à de brutaux et humiliants examens et subit la torture afin que les juges évaluent sa sincérité. À la suite du procès, Tassi est condamné et Artemisia s’exile à Florence afin de sauver sa réputation et surtout de continuer à peindre. Car, au-delà de ce drame, Artemisia est avant tout une femme brillante qui a donné naissance à des œuvres inoubliables, habitées, incarnées, singulières, pleines d’émotions et trop souvent attribuées, à tort évidemment, à son père…

L’ouvrage suit le cours de sa vie hors du commun, des immenses succès de cette femme farouchement indépendante, de sa rage et de son courage, de son amour pour les enfants qu’elle choisira d’avoir, de sa haine des compromissions. (S.P.)

Artemisia, Nathalie Ferlut et Tamia Baudouin, Delcourt 2017.
72 p., 15,95 eur.