Encaisser

À la dessinatrice Anne Simon, l’on doit notamment le génial diptyque La geste d’Aglaé et Cixtite impératrice (voir axelle n° 184), l’épopée d’une reine océanide et de son ennemie jurée. Mais voilà, les fables ne sont pas toujours de l’ordre de la science-fiction (et inversement). Dans Encaisser, Anne Simon s’empare d’une enquête de la sociologue Marlène Benquet, qui a travaillé sur le monde de la grande distribution, observant tous les échelons, de l’ « hôtesse de caisse » jusqu’à « Monsieur le directeur ». En effet, chez Batax, les rôles sont répartis de manière tellement sexuée – et évidemment hiérarchisée – qu’on se demande si la réalité n’est pas plus incroyable que la fiction. À travers le parcours de Sabrina, nouvelle employée, on découvre le monde du supermarché, la complexité des vies des travailleuses, leur ténacité (elles finissent par faire grève !) et aussi les valeurs humaines qu’elles vouent à leur travail. Cette petite phrase désespérée de Fatima, une collègue de Sabrina, lancée à sa responsable, résume à elle seule ce qui se joue chez Batax : « Y’a plus de respect ! Pas de respect pour les caissières, et pas de respect pour les clients ! » Caissières et clients, les maillons décisifs dans la chaîne du profit, et en miroir, creusets des résistances possibles. (S.P.)

Encaisser
Anne Simon
Casterman 2016. 164 p., 12 eur.