Les femmes aiment-elles la guerre ?

CC Free Kurdistan

Ces images qui ont marqué les esprits : celles de brigades de combattantes kurdes, ces femmes qui se battent à la fois contre Daesh et pour prendre leur place dans la société. C’est que dans l’imaginaire commun, les femmes sont plutôt associées à la paix, à la douceur, au règlement pacifique des conflits. Les raisons invoquées sont diverses : en tant que mères (réelles ou potentielles), les femmes protégeraient « instinctivement » leurs enfants ; physiologiquement, elles seraient inaptes au combat ; ou encore, elles détesteraient la guerre parce qu’elles en sont les premières victimes (avec les enfants), notamment à cause de l’augmentation des violences sexuelles et des restrictions des budgets sociaux pour financer l’effort militaire. La question posée par le dernier numéro de Sextant a donc quelque chose de provocateur : les femmes aiment-elles la guerre ?

Bien sûr, toute généralisation serait abusive, mais certains des articles montrent que oui, des femmes peuvent « aimer la guerre » et même le revendiquer haut et fort. Que ce soit en République démocratique du Congo, en Israël et en Palestine, ou encore dans le conflit syrien, des femmes se battent, et pas toujours à contrecœur, que ce soit par conviction, comme voie possible sinon unique d’émancipation, voire dans l’espoir de « faire carrière ». Elles endossent parfois le rôle gratifiant de « résistantes », mais sont aussi capables des pires exactions, avec une cruauté qui n’a rien à envier aux hommes.

Certes, d’autres femmes défendent le pacifisme, et un article est consacré au Rassemblement des Femmes pour la Paix. Mais à noter que même lorsqu’elles s’impliquent pour mettre fin aux conflits, on ne leur donne guère de place dans les négociations : selon les chiffres de l’ONU, on ne trouve pas plus de 10 % de femmes lors de pourparlers de paix dans le monde.

Au-delà des témoignages, un article passionnant se demande également si une société plus égalitaire du point de vue du genre serait forcément plus pacifique. Question complexe, car cette égalité elle-même peut prendre deux formes différentes : soit l’accession de davantage de femmes à des postes de pouvoir aujourd’hui accaparés par des hommes, soit une meilleure valorisation des activités dévolues aux femmes. La question reste ouverte, et c’est l’une des pistes de recherche prometteuses tracées par ce dossier. (I.K.)

 

Les femmes aiment-elles la guerre ? Revue Sextant n° 34, coord. par Annalisa Casini et Anne Morelli, Éditions de l’Université libre de Bruxelles 2017. 120 p., 14 eur.