L’emploi des femmes racisées : un parcours semé d’embûches

Le travail est un enjeu majeur dans les combats des femmes. Certaines doivent se battre pour y avoir accès, d’autres luttent contre l’exploitation. Le marché de l’emploi est en effet traversé par les inégalités qui parcourent la société belge : le sexisme, mais aussi les rapports de classe et le racisme. De nombreuses femmes sont à la croisée de ces inégalités : comment vivent-elles le monde du travail ?

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En 1997, une étude du Bureau International du Travail révèle pour la première fois la réalité des discriminations à l’emploi qui visent les minorités ethniques en Belgique. Depuis, le phénomène est toujours d’actualité, ainsi que le montrent les analyses effectuées par Unia : le « Monitoring socio-économique » chiffre la discrimination à l’emploi et distingue la population « belge d’origine belge » et la population « d’origine étrangère ». Dans notre pays, 5,9 % des personnes « d’origine belge » sont au chômage contre 25,5 % pour les personnes « d’origine maghrébine » et 21 % pour les Afro-descendant·es.

Discrimination structurelle

Aïchatou Ouattara, militante afroféministe et blogueuse, travaille aujourd’hui dans les ressources humaines. Pour elle, « ce ne sont pas des discriminations individuelles, c’est tout un groupe qui est discriminé. Une personne est rattachée à un groupe, une communauté à partir de critères arbitraires. Peu importe ses qualifications et ses aptitudes, on considère qu’elle ne peut pas faire partie de l’entreprise. »

Les femmes « racisées » sont particulièrement confrontées à ce type de discrimination qu’on appelle « structurelle ». Ce terme fait référence aux processus sociaux qui contribuent à produire ces discriminations : les stéréotypes qui traversent la société, les normes culturelles, certaines décisions politiques et dispositions légales…

Nadine Plateau, féministe de la rencontre

La Belge Nadine Plateau est une « féministe historique ». Dès les années 1970, elle milite activement dans les mouvements de femmes. Elle aime débattre et confronter ses idées même si, comme elle le dit, « ce n’est pas simple, mais c’est ça qui est excitant ! Si c’était un long fleuve tranquille, on s’emmerderait ! » Un jour, une rencontre avec des femmes musulmanes ébranle ses convictions.

27 mars 2010, manifestation à Bruxelles contre l’interdiction du foulard avec le Mouvement pour les droits fondamentaux (MDF). Nadine Plateau tient la banderole au niveau du mot « école ». © Julien Warnand, Belga

Le parcours militant de Nadine Plateau n’est donc en rien un long fleuve tranquille. Il commence vers la fin de l’adolescence : Nadine est dans une école de sœurs. Une institution pleine de contradictions, où l’on encourage les jeunes filles à s’ouvrir intellectuellement tout en leur disant : « Vous ne devez pas travailler dans la vie, vous devez vous marier ! » Ces discours aiguisent l’esprit critique de Nadine et font naître chez elle l’envie de questionner le monde et surtout de sortir de son milieu. Car jusqu’à ses vingt ans, Nadine a été « complètement protégée, privilégiée. » Elle a soif de changements, de bouleversements. Ça tombe bien, l’époque est révolutionnaire…

Naissance d’une militante

Nadine observe avec intérêt les décolonisations, côtoie des collectifs trotskistes, anarchistes… Ces groupes l’intéressent mais elle ne s’y sent pas à sa place. Ils ne correspondent pas à ses convictions profondes, et sont parfois machistes. Or, ce qui anime Nadine à l’époque, c’est le combat pour l’avortement. Elle trouve scandaleux que des femmes doivent se rendre dans des pays étrangers ou se cacher pour mettre fin à une grossesse. C’est par cette révolte qu’elle « entre dans le féminisme », pour lequel elle n’a pourtant « pas eu le coup de foudre tout de suite. »

Au Sénégal, les femmes du delta du Saloum sont au chevet de leur mangrove

Au Sénégal, les femmes de l’estuaire du Saloum subissent de plein fouet les conséquences du dérèglement climatique… Ensemble, elles s’organisent pour y faire face.

Les femmes de Nema Ba se rendent sur les lieux de culture d'huîtres. © Ernesto Izzo

Fadé Ndong sonde le fond marin à l’aide d’un grand bâton. Par moments, elle s’arrête, enfonce le bras dans l’eau salée et en retire une coque qu’elle dépose dans une bassine en plastique flottant à ses côtés. Non loin, Oli Diamé, une voisine, est pliée en deux dans l’entrelacs des palétuviers (les arbres qui abritent l’écosystème de la mangrove). Elle repère les huîtres et, à l’aide d’un couteau bien aiguisé, décroche les coquilles des arbres en prenant soin de ne pas en casser les racines échasses. Ainsi, chaque jour, à marée basse, elles passent plusieurs heures les pieds dans l’eau, leurs pagnes colorés plaqués sur les mollets.

Ces ramasseuses, ce sont les femmes du village de Soukouta, dans le Sine Saloum, un vaste estuaire fluvial du sud du Sénégal où l’océan s’engouffre, dessinant un chapelet d’îlots verdoyants. Pendant que les hommes remontent dans leurs filets le poisson qui sera vendu au marché, leurs épouses remplissent des sacs de coquillages : moules, huîtres, escargots de mer, coques, qu’elles feront fumer ou cuisineront avec du riz.