Juste au-dessus du silence

Anna Gréki, traduction et préface de la poétesse Lamis Saïdi, Terrasses éditions 2020, 200 p., 11 eur.

Le petit opus rassemble une sélection de poèmes d’Anna Gréki, extraits de deux recueils : Algérie, capitale Alger (1962), écrit pendant son incarcération en 1957-58, et Temps forts, dénonçant les trois systèmes d’oppression – capitaliste, colonial, patriarcal – paru en 1966, année de son décès. Les extraits sont suivis de certains de ses textes militants. Un femmage à l’Algérienne rebelle, poétesse, militante colleuse d’affiches, engagée dans la lutte de libération nationale algérienne (elle sera emprisonnée et torturée au moment de l’indépendance) mais critique, aussi, du régime post-indépendance.

Anna Gréki appelait à une littérature populaire, à une Algérie multiple et voulait que les écrits continuent à circuler dans toutes les langues parlées dans son pays. Les éditions Terrasses (du nom d’une revue qui ne connut qu’un numéro, en juin 1953) se sont donné pour mission de diffuser prose et poésie des internationalismes révolutionnaires : cet héritage politique et culturel qui peut aider à penser l’Algérie d’aujourd’hui, où la question de la langue, notamment, reste source de clivages politiques et identitaires. Dans le recueil, la traduction arabe côtoie les textes en français. Les mots transpercent, bercent, émeuvent, lecture gorge serrée. Beauté, vérité, vulnérabilité, des mots de proximité, d’amour, qui ouvrent à une humanité précieuse, intime, universelle et politique. (V.L.)