Canada : une marche pour les “soeurs volées”

Sarah Thomas, issue de la tribu Splatsin et de la Nation Shuswap, participait le 14 février 2020 à Vancouver, au Canada, à la Marche en mémoire des femmes disparues et assassinées. © The Canadian Press / Darryl Dyck

Des centaines de personnes, parmi lesquelles Sarah Thomas (voir photo ci-dessus), issue de la tribu Splatsin et de la Nation Shuswap, se sont rassemblées ce 14 février 2020 à Vancouver, au Canada, pour la Marche en mémoire des femmes disparues et assassinées. Cette journée de commémoration, qui a lieu chaque année à la Saint-Valentin, se penche plus particulièrement sur le sort des femmes autochtones dans le pays.

“On nous a tellement retiré de choses. On nous a retiré nos familles, notre identité et même nos terres”, a expliqué à Radio Canada pendant la manifestation Carol Martin, qui milite de longue date pour la reconnaissance des femmes et des jeunes filles autochtones assassinées. La marche, organisée par les femmes pour les femmes, s’arrête aux endroits où les disparues ont été vues pour la dernière fois avant d’être tuées. Elle est suivie par le son des tambours et les chants traditionnels des différents groupes autochtones de la région, que l’on appelle les “Premières Nations”.

Entre 1980 et 2012, selon les chiffres de la gendarmerie royale du Canada, 1.181 cas de meurtres et de disparitions d’Amérindiennes ont été déclarés. Un chiffre relevé par le site français Slate le 20 juin 2019, qui titre sur l’indifférence générale que suscitent ces disparitions. Quelques semaines plus tôt, le 3 juin 2019, le rapport d’une commission d’enquête canadienne sur ces disparitions, intitulé Réclamer notre pouvoir et notre place, était rendu public. On pouvait y lire que les femmes autochtones sont 12 fois plus susceptibles d’être assassinées ou portées disparues que toute autre femme au Canada, et 16 fois plus que les femmes blanches. “Il est impossible d’en parler sans aborder le contexte colonialiste dans lequel les femmes ont vécu et continuent de vivre. […] C’est comme si l’État se donnait le pouvoir d’accorder une valeur moindre à la vie de ces femmes qui sont à l’intersection de plein de systèmes d’oppression : le colonialisme, le patriarcat, le capitalisme…”, a précisé à Slate Catherine Flynn, professeure associée à l’Université du Québec à Rimouski qui a travaillé sur les violences spécifiques faites à ces femmes.

Un rapport d’Amnesty International, publié en 2004 et appelé Sœurs volées, analyse les biais racistes et sexistes des forces de police qui bâclent les enquêtes sur ces violences. Cela a notamment été le cas dans l’affaire de Helen Betty Osborne, une étudiante de 19 ans enlevée, violée et tuée par quatre hommes blancs en 1971. Il a fallu plus de 15 ans pour qu’un seul de ces agresseurs se retrouve face à la Justice. (C.W.)