Flandre : un enseignement artistique masculin et blanc

Le 28 novembre 2019, des artistes flamand·es manifestent à Bruxelles pour protester contre les coupes annoncées dans les subsides culturels régionaux (une diminution de 60 %). Sur cette photo, elles/ils portent sur la tête un sac ayant pour motif le visage du ministre-président et ministre de la Culture flamand, Jan Jambon (N-VA). © Hatim Kaghat / Belga photo

Le monde culturel flamand s’est récemment retrouvé sous les feux des projecteurs en protestant contre les économies drastiques imposées par le gouvernement Jambon (N-VA). Une enquête dans l’enseignement artistique montre que l’argent ne sera pas le seul problème pour les artistes de demain… (Irène Kaufer, axelle n° 227, mars 2020)

Fin 2019, la revue culturelle Rekto : Verso a consacré un long article à une enquête menée par Ilse Ghekiere (danseuse, chercheuse et elle-même enseignante) dans des écoles de cinéma, théâtre, musique, danse, architecture et arts plastiques de Flandre (“Racisme en seksisme in het kunstonderwijs : een subjectieve mapping”, 22 octobre 2019). Dans son viseur, le sexisme et le racisme qui, s’ils ont pris des formes plus discrètes que par le passé, sont encore omniprésents dans les écoles.

L’autrice a accumulé les témoignages, et c’est cette accumulation qui montre qu’il ne s’agit pas de simples dérapages individuels. Remarques sur l’âge et l’apparence des filles, questions intrusives sur leur vie sexuelle, invitations au restaurant dont l’issue détermine l’obtention d’un rôle… On est en plein #MeToo. Lorsque certain·es enseignant·es tentent d’intervenir, d’autres leur reprochent de “créer des conflits avec les étudiant·es” ou de “gâcher la bonne ambiance”.

L’enseignement artistique passe pour être plus ouvert, plus progressiste que le monde de l’éducation en général ; il exige aussi une implication personnelle qui peut favoriser la transgression des limites, surtout dans les domaines du théâtre ou de la danse, qui touchent à l’intimité physique. Il n’en est que plus difficile de se plaindre, malgré la mise en place de services de médiation souvent mal connus et peu efficaces.

“Politiquement correct”

Des témoignages portent aussi sur une vision très blanche de la culture. Des travaux d’étudiant·es racisé·es ont été qualifiés “d’ethniques” ou “d’exotiques”, et ont inspiré la question : “Est-ce que ce sera compris par tout le monde ?”  (entendez : par un public blanc). Il faut dire que la majorité des enseignant·es sont encore et toujours des hommes blancs. À quiconque en fait la remarque, la réponse classique évoque une question de compétences et la crainte qu’une approche “idéologique” ne nuise à la qualité de l’enseignement. On ne s’étonnera pas que les auteur·es des œuvres étudiées soient aussi, en écrasante majorité, des hommes blancs.

Si le féminisme et les idées décoloniales ont gagné du terrain ces dernières années, un nouveau concept remet en question leurs avancées : le “politiquement correct” dont la dénonciation semble surtout servir à dénigrer à nouveau les groupes vulnérables, femmes, personnes racisées et LGBT+. Une même enquête serait intéressante à mener côté francophone…