Journal d’une femme noire, de Kathleen Collins

Les Éditions du Portrait 2020

“J’aurais pu faire de la race mon activité principale. […] Après tout, je suis une femme de couleur. […] Mais je n’ai pas fait ça. Non, j’ai regardé tout au fond de moi, là où il n’y avait que ma personne” : phrase extraite du journal de Kathleen Collins, une artiste afro-américaine pluridisciplinaire (théâtre, cinéma, fiction), qui a vécu le bouillonnement enthousiaste de la fin des lois racistes dans les années 1960, et est décédée d’un cancer en 1988, à l’âge de 46 ans. Sa fille, Nina Lorez Collins, s’attache depuis quelques années à faire découvrir les différentes facettes de son travail, en équilibre entre critique du discours blanc néocolonial et regard distancié sur les idéologies afrocentristes (qui défendent les apports de l’Afrique au monde), en passant toujours par les expériences de personnages féminins noirs. En 2015 ressort Losing Ground, un des premiers films afro-américains réalisé par une femme. Kathleen Collins est célébrée par le Women Prize for fiction en 2019. Un de ses livres vient d’être édité en français. Journal d’une femme noire n’en est pas un à proprement parler, mais il ouvre diverses portes sur les déchirements intimes et politiques de Kathleen Collins. Morceaux d’une pièce, lettres à des amies, à sa fille, phrases de journal, roman inachevé… permettent d’accéder à sa réalité de femme, fille, mère, écrivaine, désirante, noire. À la clairvoyance des rapports sociaux de race et de sexe et des doutes qui en découlent répond un humour parfois corrosif. Les notes de journal offrent des moments d’introspection d’une rare sincérité, fabriquant aussi de beaux regards sur le temps et l’écriture même. Ce processus de sélection de passages mis en place par la fille de Kathleen Collins fonctionne comme un cadeau révélateur qui en contient un autre, qui en contient un autre, et un autre encore. (V.L.)

 

Journal d’une femme noire

Kathleen Collins

Les Éditions du Portrait 2020, 150 p., 15 eur.