Les Soudanaises en première ligne

© Ashraf Shazly / AFP

Le 12 avril 2019, des femmes soudanaises entonnent des chants au cours d’une manifestation exigeant que ce soit non pas l’armée, mais un corps constitué de civil·es qui mène la transition de leur pays vers la démocratie. Elles se tiennent à l’extérieur du quartier général des armées, à Khartoum. Pour l’instant, il est difficile de dire si le processus de transition qui suit la chute du président Omar al-Bashir, destitué le 11 avril, la veille de cette manifestation, sera un renouvellement politique et démocratique ou un changement de mains symbolique.

Omar al-Bashir, c’est 26 ans de pouvoir suprême au compteur, mais aussi deux mandats d’arrêt de la Cour pénale internationale pour cinq chefs de crimes contre l’humanité, trois chefs de crimes de guerre et deux chefs de génocide en lien avec le conflit armé qui a ravagé le Darfour entre 2003 et 2008. C’est aussi un régime violent qui traite une grande partie de sa population de façon “inhumaine et dégradante”, ainsi que le rappelait notre Commissariat général belge aux apatrides et aux réfugiés – dans une note d’octobre 2017 qui n’avait pas empêché Theo Francken (N-VA), alors secrétaire d’État à l’Asile et à la migration, de collaborer avec le gouvernement soudanais pour rapatrier dans leur pays d’origine des demandeurs d’asile en Belgique.

C’est une grave crise économique qui a déclenché les manifestations contre le régime. Acculée, l’armée a décidé de destituer al-Bashir et a nommé à la hâte un “conseil militaire de transition” formé des plus hauts gradés du pays. Les membres de ce conseil garantissent oralement que leur rôle se bornera à assurer qu’un gouvernement civil se mette en place, mais le flou à la fois sur ce processus, sur les délais et sur les intentions réelles du conseil ne rassure pas la population, qui campe devant le quartier général de l’armée en dépit du couvre-feu instauré pour un mois. Dans un tweet, Alaa Salah, ingénieure devenue l’une des figures internationales du mouvement populaire soudanais, a déclaré : “Les gens ne veulent pas un Conseil militaire de transition”, mais “un conseil civil”.

Alaa Salah et de nombreuses femmes s’appuient sur la tradition des puissantes reines de l’antique royaume de Kush, les “kandakas”, pour faire entendre leur voix, revendiquer leur rôle dans le “printemps soudanais” et leurs droits en tant que femmes, largement discriminées au profit des hommes dans toutes les sphères de la société. Majoritaires dans les cortèges, elles n’ont pas fini de haranguer leur peuple.