Des hauteurs d’Osasco, on ne voit plus Sao Paulo. Seulement sa frange industrielle : de grandes plateformes bétonnées, des centres de distribution de matières premières d’où partent des semi-remorques chargés de soja ou de sucre. C’est pourtant ici qu’il y a cinq ans, une centaine de familles pauvres décide de s’installer illégalement sur un terrain vierge. Beaucoup quittent des squats, la rue ou des appartements misérables dans une ville où les loyers ont doublé en six ans ; d’autres fuient le nord-est du pays à la recherche d’un travail et d’une vie meilleure.
Face au prix des logements, occuper un terrain sans permis est devenu un procédé courant au Brésil. Des centaines de personnes se regroupent dans des favelas où cohabitent celles et ceux qui n’ont plus de quoi se loger et s’alimenter. Aujourd’hui, 11,4 millions de personnes vivent dans ce type d’habitat à travers le pays dans plus de 6.000 bidonvilles dont un quart se situe dans l’État de Sao Paulo.
Pourtant à Osasco, quand le village de fortune baptisé “Ocupaçao Esperança” (“occupation espoir”) voit le jour en août 2013, les nouveaux “favelados” et “faveladas” ne sont pas guidé·es par la seule question matérielle. Le groupe compte un bon nombre de mères célibataires qui, à l’époque, ont l’idée de fonder une véritable enclave contestataire en rupture totale avec la société jugée machiste, violente et individualiste. Si bien que cinq ans plus tard, à distance du flanc hideux qu’offre la ville industrielle, l’îlot, désormais composé de 500 familles, est encadré et dirigé uniquement par des femmes. Un cas unique au Brésil, au point que le lieu est désormais surnommé la “favela des femmes”…
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