Non conforme : et pourquoi ne serais-je pas une vraie femme ?

Laurence Bastin © Marc Rosso

La pièce alternative Non conforme est reprise en ce début d’automne. Une charge incisive, facétieuse et touchante sur les diktats imposés aux femmes par les magazines féminins, sur les difficiles rapports au corps. Didactique, hymne à la singularité, rébellion contre l’obligation de se rétrécir. À voir et à faire tourner.

Le miroir parle. Il se dit ton ami, il dit des choses affreuses. Il dit que tu es moche, que tu n’es pas une vraie femme… Incarner le discours du miroir, d’un magazine, leur donner une voix, glaçante, est une des belles idées de Non conforme pour mettre en pleine clarté ce double discours permanent. Ou comment l’entreprise de culpabilisation massive s’appuie sur la haine de soi, s’insinue, s’installe dans la chair de nos ventres, de nos cuisses, de nos bras. À tous âges.

Des trouvailles jouissives

La pression pour être la plus belle s’exerce dès la cour de récré, lorsque vient pour Louis le moment de choisir sa dulcinée, qui n’est jamais l’un des personnages incarnés par Laurence Bastin : « Je sais pas pour les autres, mais moi j’ai la peur au ventre, la grosse boule d’angoisse qui n’en finit pas de grossir. Même s’il n’y a aucune raison d’avoir peur, puisque l’expérience a déjà démontré maintes fois que Louis ne me choisira pas. Je devrais être résignée, mais il y a toujours ce foutu brin d’espoir que, pour une fois, l’élue ne sera pas Flora. »

Souvent drolatiques, parfois hilarants (la scène dans une librairie avec une fan de magazines féminins), infiniment délicats et poignants quand le sujet s’oriente vers l’anorexie, les sketchs écrits par Laurence Bastin sont rythmés par une narration émaillée de quelques trouvailles jouissives. Laurence Bastin et Jo Fenez jouent juste, la parodie, l’émotion, ou le drame.

Ni comédienne, ni autrice au départ, Laurence Bastin s’est lancée. Une envie d’écrire et de partager ses réflexions avec sa famille et ses ami·es. Elle en est à sa troisième pièce, toujours « poussée dans le dos » par ses proches. « Le déclencheur ? La lecture de Beauté fatale, Le vrai visage de l’aliénation féminine, de Mona Chollet [relire axelle n° 151, ndlr]. Elle démonte dans son livre l’impact de la publicité. Et souligne que les ouvrages des grandes écrivaines américaines féministes ne sont même pas traduits en français. Si c’était le cas, ce serait la révolution. Il fallait que le message circule. » Pour que notre horizon mental ne soit plus, comme l’écrit Mona Chollet, « saturé par les crèmes et les chiffons », courons donc voir Non conforme. (V.L.)

 

La pièce Non conforme est reprise les 26 et 27 septembre à Bruxelles, pendant le Festival Bruxellons (infos : www.bruxellons.be) ainsi que les 20 et 21 octobre à L’Allée des artistes, à Liège (infos : www.facebook.com/lalleedesartistes).