Le temps est humide ce mercredi de mai à Notre-Dame-des-Landes, bourgade située à une vingtaine de kilomètres au nord de Nantes, dans l’ouest de la France. Le vert des arbres est encore tendre et les chants d’oiseaux égayent l’ambiance automnale qui règne sur les lieux. Quand elle rejoint sa cabane, en fin d’après-midi, Véro avale avec plaisir une grande tasse de tisane bien chaude. “J’ai passé l’après-midi à couper du bois de chauffage avec un ami qui avait besoin d’aide, explique-t-elle. C’est pratique de savoir se servir d’une tronçonneuse.” Elle a appris ça ici, sur la Zad, “zone d’aménagement différé” rebaptisée “zone à défendre” par le mouvement de lutte contre la construction d’un aéroport, qui a eu gain de cause en janvier 2018.
S’étirant sur plus de 1.000 hectares d’un somptueux bocage, la Zad abrite de 150 à 200 personnes qui ont décidé de rester y vivre après l’abandon du projet d’aéroport. Parmi les très nombreuses initiatives qui se déploient au sein de ce vaste espace de campagne : l’entretien collectif des communs – sentiers, haies et forêts. “Chaque année, il y a des chantiers écoles pour apprendre le bûcheronnage, décrit Anaïs, qui a appris à manier la tronçonneuse il y a un peu plus d’un an. J’en avais besoin pour être plus autonome lors des chantiers de débardage avec les chevaux”, explique-t-elle. Ouverte à tous·tes – habitant·es de la Zad ou pas –, la formation bûcheronnage est assurée en collaboration avec des membres de la communauté ardéchoise de Longo Maï. Elle a lieu au cœur de la Zad, dans la forêt de Rohanne, ancienne plantation de pins Sitka. Comme le reste de la zone, elle a été laissée en paix pendant 40 ans à cause du projet d’aéroport et elle abrite aujourd’hui une grande biodiversité. En l’arpentant, on peine à croire que l’on s’y est battu, il y a huit ans, lors des premières tentatives d’expulsion des occupant·es par l’État.
Une connaissance fine de la forêt
“On avait peur de se blesser”, se souviennent Anaïs et Véro quand elles évoquent leur découverte du métier. “En fait, la machine, elle ne sait pas que tu as un vagin, elle fait ce qu’on lui dit”, constate Anaïs en souriant. Toutes deux ont fait leurs premières sessions de bûcheronnage en mixité sans que cela ne leur pose problème. Mais Servane a apprécié de n’être qu’avec des femmes. “Pour apprendre, c’est mieux, dit-elle. J’étais plus détendue. Avec des hommes dans le groupe, je me serais mis la pression pour faire aussi bien qu’eux. Mon attention aux questions de genre aurait parasité mon apprentissage. J’étais contente d’être libérée de ça.” Toutes évoquent l’ambiance très agréable qui règne lors de ces chantiers. La lumière qui passe à travers les feuillages, le chant des oiseaux quand les tronçonneuses se taisent, les rencontres, les discussions… “C’est chaleureux et apaisé, relève Anaïs. J’aime bien ces moments où l’on discute de ce qui se passe ailleurs sur la Zad, ou dans les autres forêts. On échange beaucoup au cours de ces chantiers bûcheronnage.”
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