Pourquoi vous intéressez-vous à l’impact des microagressions et de la discrimination raciale, notamment chez les femmes noires en France ?
“Dans mon parcours – j’ai une formation en sociologie et en anthropologie –, c’est une question qui m’habitait et que j’ai eu envie de creuser lorsque j’ai fait un mémoire de recherche en psychologie pour mon master 1. D’autant plus que je n’avais jamais lu d’articles à ce sujet en psychologie clinique [une branche de la psychologie qui considère un·e patient·e dans sa globalité et dans sa singularité, ndlr]. Cela me tenait donc particulièrement à cœur. Ce sujet était aussi l’occasion de créer des discussions autour de moi, surtout entre femmes, même s’il m’arrivait aussi d’en discuter avec des camarades masculins. Je voulais apporter à cette question un éclairage scientifique.”

Vous êtes une femme noire, cela a-t-il joué un rôle dans le choix de ce sujet ?
“Exactement, je suis avant tout une femme noire vivant en France. Je me rendais compte de l’impact de toutes les remarques qui m’étaient destinées, même si à l’époque, avant cette recherche, je ne les désignais pas encore comme étant des “microagressions”. C’étaient soit des propos ou comportements qui n’étaient pas directement racistes mais que je percevais comme tels, soit des agressions qui l’étaient sans ambiguïté. Je pense aussi à tous ces empêchements : tout ce qu’on m’empêchait de faire ou que, moi-même, je m’empêchais de faire. Ou encore quand, à l’école, on me disait : “Tu ne pourras pas faire telle chose parce que ça va être compliqué pour toi”.
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Ce qui m’a le plus motivée à travailler sur ce sujet, c’est le film Ouvrir la voix, d’Amandine Gay. Pour la première fois, je voyais mon expérience de femme noire portée à l’écran. Je me rappelle la réponse d’une des personnes interviewées qui disait qu’elle avait voulu aborder la question de la couleur de peau dans le cadre d’une psychothérapie et qu’il y avait eu un gros malaise, qu’elle avait senti que c’était impossible. Cela m’a rappelé une expérience personnelle : on m’a dit que le racisme, c’était “dans la tête”. Recevoir ce genre de commentaire dans le cadre protégé d’une thérapie, c’est une violence supplémentaire. On est en état de vulnérabilité, on va voir un·e spécialiste parce qu’il y a une souffrance et lorsqu’on aborde cette question, c’est l’invalidation. J’avais donc très à cœur d’aborder cette question du point de vue de la psychologie clinique.”
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