Le SECAL, un service qui gagne à être visible et accessible

La Plateforme des créances alimentaires, qui regroupe des organisations de femmes et les mouvements familiaux, est très préoccupée par l’avenir et la pérennité du SECAL. Elle signe une carte blanche, publiée ici en version intégrale.

CC Ed Yourdon

Selon la dernière enquête de la Ligue des familles, 4 parents sur 10 ne perçoivent plus ou alors (très) irrégulièrement leurs créances alimentaires après la séparation. La rupture appauvrit considérablement ces familles : 85 % d’entre elles (monoparentales ou recomposées) n’arrivent pas à boucler leur fin de mois. Pour beaucoup, les défauts de paiement des rentes alimentaires les font basculer dans la pauvreté, entraînant de grandes difficultés pour payer les frais scolaires mais aussi les coûts du logement, de la mobilité et des vêtements (1 sur 2) et même la nourriture (1 sur 4) ou des aspects plus pratiques tels que les nouvelles chaussures de la rentrée des classes…

C’est pour cette raison que les associations de femmes et des familles se sont mobilisées pour demander la création d’un fonds pour le versement des pensions alimentaires non payées. Le SECAL existe maintenant depuis plus de 10 ans. Il peut réclamer le montant des créances alimentaires impayées chez le partenaire en défaut de paiement. Le service effectue également des avances pour les contributions alimentaires des enfants, jusqu’à 175 euros maximum par mois et par enfant.

Le SECAL a jusqu’à présent déjà pu venir en aide à plus de 86.000 ayants droit. Dans 93 % des cas, il s’agit de femmes. Plus de 3.000 partenaires et 83.000 enfants ont obtenu finalement les montants auxquels ils avaient droit. En effet, la créance alimentaire est un droit inscrit dans le code civil dont le montant a été déterminé et avalisé par un juge et qui est donc imposable au partenaire. Or, trop peu de familles en difficulté qui remplissent pourtant les conditions s’adressent au SECAL.

Le non-recours au SECAL

Cela s’explique largement par l’absence de publicité faite à ce service. La dernière campagne d’information auprès des publics concernés date de 2009 et fut organisée à l’initiative des associations de femmes et des familles elles-mêmes. Or, il est de la responsabilité des pouvoirs publics, vu l’importance du SECAL pour les familles, de le faire connaître.

Selon les parlementaires francophones présents au colloque de la Ligue des familles du 21 avril 2017, le budget du SECAL correspond actuellement aux demandes. Cependant, la santé financière du SECAL est source de grande inquiétude. Il peine à recouvrer les avances et la Plateforme des créances alimentaires rappelle que de nombreuses familles ne connaissent pas son existence. La demande pourrait augmenter massivement si toutes les familles en droit faisaient appel à ce service. La pérennité et la viabilité de ce service ne sont pas garanties sur le long terme. Le budget pour les avances et ses moyens d’action doivent être renforcés.

Des évolutions inquiétantes

Dans ce contexte, une autre évolution nous inquiète. Alors qu’en 2003, 30 bureaux de proximité étaient ouverts pour les personnes nécessitant une aide du SECAL, il n’en reste plus que 23 aujourd’hui. Pire, ces bureaux seront supprimés dès septembre prochain. L’entretien préliminaire à l’introduction d’un dossier par un ayant droit aura lieu dans un des 11 nouveaux centres d’information : un par province (sauf pour le Brabant Flamand, Bruxelles et Louvain où les bureaux restent en place).

Cette mesure va diminuer l’accessibilité au SECAL et réduire encore sa visibilité, puisque ces « infocentres » régleront toute une série d’autres questions (et pas uniquement les problèmes des créances alimentaires). Les familles devront à présent parcourir des kilomètres pour se faire aider, alors que leur mobilité est déjà très problématique (en raison de la couverture des transports publics hors des centres villes mais aussi de la difficulté des agencements d’horaire et des solutions de garde d’enfants nécessaires à toute démarche administrative, qui se pose avec acuité pour les parents seuls).

Ajoutons que les possibilités de déposer un dossier en ligne ne sont pas la panacée : en effet, 6 familles sur 10 ont déjà des difficultés à rassembler les documents nécessaires à l’introduction du dossier au SECAL.

De plus, l’accroissement des services en ligne aggrave les difficultés des personnes en situation de pauvreté pour faire valoir leurs droits ; elles-mêmes subissant la fracture numérique par manque de moyens informatiques, de connexions internet ou d’aptitudes informatiques.

L’accompagnement personnel apparaît encore comme une nécessité concernant le droit à la contribution alimentaire, l’enquête de la Ligue des familles montrant que 4 % des répondants ne savaient pas qu’ils et elles pouvaient la demander et que 16 % n’ont tout simplement pas osé la demander.

En outre, le rapport du Vrouwenraad de 2017 concernant les mères monoparentales souligne le besoin d’informations supplémentaires sur le SECAL, une information qui doit être accessible et largement diffusée.

Revendications

La Plateforme des créances alimentaires, qui regroupe des organisations de femmes et les mouvements familiaux, dont la Ligue des familles et le Gezinsbond, est très préoccupée par l’avenir et la pérennité du SECAL (son fonctionnement, son accessibilité). Or, les enjeux sont de taille. Une famille monoparentale sur trois risque de tomber dans la précarité en Belgique. De plus, le nombre de ces familles ne cesse d’augmenter : on dénombre actuellement environ 465.000 familles monoparentales et 725.000 enfants vivant dans ces familles. Le SECAL doit être mieux connu et plus visible pour l’ensemble de ces familles.

C’est pourquoi la Plateforme des créances alimentaires demande au gouvernement fédéral et au Ministre des Finances :

La mise en place, dans chaque commune, d’un accueil de proximité, à savoir que l’entretien préliminaire et le dépôt des dossiers soient réalisés au sein d’un local de la commune.

Une grande campagne d’information sur le SECAL auprès de tous les parents en droit de réclamer des arriérés de créances alimentaires pour leurs enfants.

Dans tous les cas, la Plateforme des créances alimentaires demande un refinancement du SECAL. Elle demande aux pouvoirs publics de trouver les solutions rapides et efficaces pour garantir le paiement de toutes contributions alimentaires. Aussi longtemps que ne sera pas réglé le calcul objectif et automatique des créances alimentaires – qui pourrait contribuer davantage à leur bon paiement –, c’est au gouvernement qu’incombe le devoir impérieux de veiller à ce que ses citoyen(ne)s obtiennent pour le moins ce à quoi ils et elles ont droit.

 

La Plateforme Créances alimentaires est composée des organisations suivantes : Action Chrétienne Rurale des Femmes, Centre Féminin d’Éducation Permanente, Collectif Solidarité Contre l’Exclusion, Conseil des Femmes Francophones de Belgique, Comité de Liaison des Femmes, Entraide et Fraternité/Vivre ensemble, Équipe d’Entraide, Femmes Prévoyantes Socialistes, Gezinsbond, Infor-Veuvage, La Ligue des Familles, Marche Mondiale des Femmes, Monde selon les femmes, Nederlandstalige Vrouwenraad, NetzWerk FrauenStimmen, Réseau Flora, Retravailler – Liège, SOS Dépannage, Université des femmes, Vie Féminine, Vrouwen Overleg Komitee, Wereldvrouwenmars.

(Les sous-titres sont de la rédaction)