Femmes et bière : histoires d’une reconquête

Par N°242 / p. 24-26 • Octobre 2021 | conectionconection Contenu complet (pdf)
reservé aux abonnées

Les femmes ont écrit l’histoire de la bière. Au fil des siècles, elles en ont pourtant été effacées. Aujourd’hui, les brasseuses doivent se battre contre des clichés bien ancrés.

Brassin collectif auquel participe la zythologue française Élisabeth Pierre (au centre de la photo), t-shirt bleu électrique. © Cercle Bierissima

L’abus d’alcool est dangereux pour la santé.

Si vous aussi vous souhaitez faire de la bière à partir d’avoine sans houblon, mais juste avec du fruit, vous devez la faire bouillir après avoir ajouté un très grand nombre de feuilles de frênes. Ce type de bière purge l’estomac du buveur et rend son cœur léger et joyeux.” C’est ainsi que l’abbesse, musicienne et botaniste Hildegarde de Bingen – un sacré personnage ! – parle de la bière dans son ouvrage Physica, écrit au 12e siècle. Mais la fascination des êtres humains pour ce breuvage remonte à bien plus loin. On estime généralement que la bière a été inventée il y a 7.000 ans avec les débuts de l’agriculture. Certaines découvertes récentes en Israël ont toutefois permis d’identifier des traces de fermentation de céréales dans des mortiers de pierre datant d’il y a 13.000 ans, c’est-à-dire à la Préhistoire. L’histoire de la bière est par ailleurs intimement liée à celle des femmes. Pendant des siècles et sur tous les continents, ce sont les femmes qui ont su “pourquoi” (pour détourner le slogan d’une célèbre marque de bière).

Sur les traces des premières brasseuses

Et puisque l’on parle de fascination, c’est un sentiment similaire que l’on ressent en écoutant Élisabeth Pierre parler de cette boisson. Elle est zythologue française, c’est-à-dire une experte en bières (“zythos” signifie “bière” en grec), plus particulièrement en bières indépendantes non industrielles ; elle a écrit plusieurs livres sur le sujet. Cela fait trente ans qu’elle travaille dans le secteur, elle en connaît tous les recoins, y compris les plus sombres.

“Je suis passionnée par la bière, je suis dedans du matin au soir, lance-t-elle en rigolant. On sait maintenant que les premiers brasseurs étaient en fait des brasseuses. Il y a des preuves dans la littérature, des preuves archéologiques aussi, notamment au Moyen-Orient, en Égypte. Avant ça même, dans les cités-États en Mésopotamie, il y avait des équipes de brasseuses, avec chacune un rôle bien défini. On entend souvent que les femmes ne s’occupaient que de la bière du ménage, brassée à la maison, mais c’est faux. C’était aussi leur métier.” Et cet investissement des femmes dans la fabrication de cette boisson est dû à leurs connaissances. “Les femmes sont détentrices des savoirs liés à la nourriture, elles fabriquent le pain. La bière est obtenue par fermentation des mêmes céréales. Dans la mythologie d’ailleurs, ce sont des figures féminines qui sont les déesses de l’agriculture, de la moisson, de la fécondité : Cérès à Rome, Déméter en Grèce, par exemple”, observe Élisabeth Pierre.

La suite de cet article est réservée aux abonné·es...
Déja abonné·e ?
Se connecter
Pas encore abonné·e ? Consultez les différentes formules !
S'abonner
Sans être abonné·e, vous pouvez également acheter (en version .pdf) l’exemplaire du magazine dont est issu cet article, afin de le lire entièrement et de découvrir d’autres contenus par la même occasion !
Acheter ce N° (2.5€)