Rekha a trouvé refuge dans le jardin d’un temple hindou planté au milieu d’un terrain vague, à l’abri du bruit et de la foule. Dans son sari à carreaux, équipée d’un balai en paille, elle entretient le lieu en échange d’un pécule. Le gage d’une indépendance chèrement acquise. “Mon mari était déjà veuf quand il m’a achetée pour l’assister au quotidien”, se souvient-elle, assise au bord d’un sommier tressé.
“Celle qui a un prix”
Collé à New Delhi, au nord-ouest de l’Inde, l’État de l’Haryana, comme les régions voisines, est le théâtre d’un trafic d’épouses. Originaire d’une région pauvre de l’est du pays, Rekha a été vendue par sa famille et “importée” par son “mari”. Elle est devenue une paro : en hindi, celle qui a un prix.
Dans ce commerce synonyme d’esclavage domestique, sexuel et agricole, aucun rituel ne vient sceller le serment des couples. Nul dignitaire hindou ou musulman ne préside de cérémonie. Une fois la transaction conclue, les “épouses” ne bénéficient d’aucun droit. “De toute sa vie, mon mari ne m’a jamais donné une roupie”, poursuit Rekha. Avant de mourir, il a certes accepté de lui léguer sa maison, mais sa femme a failli le payer de sa vie. “Ma belle-famille a essayé de me tuer pour la récupérer. Ils m’ont battue, menottée et blessée avec une machine agricole”, reprend-elle en montrant sur son bras une cicatrice grosse comme un œuf. Depuis, Rekha a vendu sa maison pour s’installer dans une chambre qu’elle loue. “Je m’en sors difficilement, mais je suis heureuse de vivre seule.”
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