Lorsque Patricia Kaatee, conseillère à Amnesty International Norvège, a commencé à travailler sur le rapport paru en avril 2019 sur le viol dans les pays scandinaves, elle ne s’attendait pas aux résultats concernant son pays. En effet, le rapport regrette que les autorités et même le système judiciaire portent préjudice aux victimes de violences sexuelles. “Les autorités norvégiennes n’ont pas pris les mesures nécessaires pour empêcher les viols et les autres formes de violences sexuelles et pour faire face aux conséquences de ces crimes lorsqu’ils sont commis, précise l’association. En raison de mythes répandus et erronés sur le viol [comme celui selon lequel le viol est commis par un étranger dans une ruelle sombre, NDLR], les victimes ont des difficultés à signaler le crime à la police et à demander une aide médicale. Ces mythes influencent également la manière dont les affaires de viol sont traitées par le système judiciaire.” Les Norvégiennes concernées sont donc doublement victimes : d’avoir subi un viol, mais aussi de ne pas pouvoir se faire entendre… Ce qui paraît d’autant plus interpellant dans un pays “égalitaire”.
Si on compare entre les générations, on voit aussi qu’il n’y a pas moins de viols avec le temps, ça reste un taux stable. C’est très inquiétant…
“La dernière et seule étude conséquente sur les victimes de viol en Norvège date de 2014 et révèle qu’une femme sur dix en a été victime dans sa vie, dont 49 % avant l’âge de 18 ans”, nous explique Patricia Kaatee. “Si on compare entre les générations, on voit aussi qu’il n’y a pas moins de viols avec le temps, ça reste un taux stable. C’est très inquiétant car en matière de politique, d’éducation, en ce qui concerne la répartition des rôles entre les femmes et les hommes dans la famille, il y a eu de grands changements avec le temps. C’est comme si l’égalité s’arrêtait aux portes de la chambre à coucher.” Parmi les témoignages de victimes de viol qu’elle a récoltés, sa plus grande surprise a été de constater que les femmes “s’y attendaient” [à être violées, NDLR]. “C’est troublant dans une société qui est regardée comme l’une des plus orientées vers l’égalité des genres au monde”, insiste-t-elle. Patricia Kaatee souligne aussi que, comme partout dans le monde, la majorité des victimes de viol en Norvège connaissent leur violeur, qu’il soit un membre de leur famille ou un partenaire, voire un ami.
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