“Les expériences de certains pays d’Europe de l’Est semblent indiquer que les relations sexuelles étaient bel et bien différentes en régime socialiste, en grande partie grâce aux mesures mises en place pour promouvoir l’indépendance économique des femmes. Même si ces politiques n’ont jamais été menées à terme et qu’elles étaient souvent motivées par les impératifs du développement, le résultat est net : les femmes étaient moins dépendantes des hommes et donc plus en mesure de quitter des relations insatisfaisantes que leurs homologues de l’Ouest. En outre, les États socialistes ont, à divers degrés, promu l’idée selon laquelle le sexe devait être dissocié de l’échange économique.”

Ce passage pourrait résumer l’ouvrage de Kristen Ghodsee, traduit en français en octobre 2020. Il est paru aux États-Unis en 2018 à la suite de son article “Why Women Had Better Sex Under Socialism” publié dans le New York Times, ayant suscité des réactions enflammées dans une Amérique trumpiste et “anticommuniste” primaire. Un titre très aguicheur que l’autrice elle-même n’avait pas choisi ; elle s’est dite “choquée” de le découvrir, comme elle le raconte à la féministe française Rebecca Amsellem dans un passionnant entretien pour Les Glorieuses. Et un sous-titre, “Plaidoyer pour une indépendance économique”, ajouté par l’autrice pour l’essai publié par la suite, malheureusement sucré en couverture de la traduction française. Dommage… parce qu’il s’agit d’un message phare de cet ouvrage.
Il y a de l’amour dans l’Est
Kristen Ghodsee nous emmène dans plusieurs régimes socialistes d’Europe de l’Est (pas de mention de Cuba ou de la Chine, donc), dans lesquels “l’émancipation des femmes faisait partie intégrante de l’idéologie […]. Même si d’importantes différences existaient entre les pays [entre les époques aussi, ajouterions-nous, ndlr] et même si aucun d’entre eux n’est parvenu à réaliser pleinement l’égalité”, précise l’autrice, sans passer sous silence les aspects moins flatteurs de ces républiques : l’absence de préoccupation et les discriminations envers les homosexuel·les et les personnes au genre “non conforme”, l’avortement pensé uniquement comme régulation des naissances, les politiques natalistes, le rationnement des produits hygiéniques, le tabou autour des violences sexuelles, et la double journée des femmes.
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