Les trémolos d’une chanson pop hindi font vibrer les vitres du gymnase. À l’intérieur de cet espace poussiéreux du sud de la capitale népalaise, Saraswati et Sheetal improvisent un duo aérien au trapèze. Dolly effectue des contorsions repoussant les limites de l’élasticité humaine, pendant que les garçons peaufinent les figures acrobatiques de leur prochain spectacle. La sueur perle sur les corps éprouvés par la mousson autant que par cette longue matinée d’entraînement. La troupe se réfugie bientôt près de l’unique ventilateur pour partager un dal bhat à pleines mains. Ici, les artistes partagent tout. Et certain·es ont aussi une histoire en commun. Les trois femmes, ainsi que Bijay, à la fois acrobate et directeur artistique, ont été vendu·es, enfants, à des cirques indiens. Comme 350 enfants népalais·es depuis 2002, elles/il ont été libéré·es par une ONG de cette situation d’esclavage. Aujourd’hui libres, elles et il ont participé à la formation du premier cirque du Népal, en 2010.
Coupables d’être victimes
“Au début, nous menions des ateliers de cirque à visée art-thérapeutique dans un foyer de réhabilitation pour les rescapés du trafic d’enfants”, explique Robyn Simpson, chorégraphe et cocréatrice de la troupe. Ensemble, avec Sky Neal, elles valorisent alors les compétences acquises pour faire avancer ces jeunes sur le chemin de la reconstruction. Le déclic naît de cette interrogation, récurrente, exprimée par la majorité de ces enfants : “Que vais-je devenir sans le cirque ? Je ne sais faire que ça. Je n’ai que ça.”
Quelques années plus tard naît Circus Kathmandu (CK), une troupe aux origines et motivations résolument uniques. De fait, aujourd’hui, en plus de leurs prestations artistiques, les sept membres actuel·les font du travail social dans des communautés locales et transmettent leurs expériences indiennes, sous forme de contes. “Sensibiliser pour prévenir le trafic d’enfants, mais aussi tenter de changer les mentalités vis-à-vis du cirque sont des objectifs importants, explique Sapana Subba, coordinatrice principale de CK. Cela passe aussi et surtout par des représentations, de la performance scénique afin d’assurer la subsistance de la compagnie”, ajoute-t-elle. Car si CK est encore aujourd’hui l’unique cirque népalais, c’est essentiellement parce que les circassien·nes sont stigmatisé·es dans ce pays. Les femmes en particulier…
Publication conjointe axelle magazine / Femmes Ici et Ailleurs
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