Six femmes qui nous nourrissent

Par N°253 / p. 30-31 • Juillet-août 2023

Au menu de cet article à savourer sans modération, six portraits de femmes qui œuvrent au quotidien pour combler nos papilles gustatives…

© Simpacid, pour axelle magazine

Nathalie Pinson
La zythologie au centre de Liège

© Simpacid, pour axelle magazine

La Française Nathalie Pinson est passionnée par la bière artisanale, au point d’avoir fondé sa propre brasserie, la Brasserie des Coteaux, au cœur de Liège où elle vit désormais. “Cette envie m’est venue au départ par mon attrait général pour le goût, confie-t-elle à la RTBF (8 mars 2017). J’ai grandi dans une famille où on aimait les bons fromages et les bons vins. Et finalement, j’ai découvert la diversité des bières artisanales et j’ai été séduite !” Depuis, elle organise des ateliers divers pour faire découvrir sa passion, dont des ateliers de brassage, de dégustation ou d’associations bières/aliments. Elle conseille également des restaurants afin d’ajouter des accords gastronomiques à leur menu. Elle est donc devenue “zythologue”, c’est-à-dire une personne spécialisée dans la culture de la bière, au même titre qu’une sommelière l’est pour le vin. Et elle s’attache à déconstruire les clichés qui entourent cette boisson dans le milieu brassicole. Alors que les premiers “brasseurs” de l’histoire étaient en fait des brasseuses (voir notre article “Femmes et bière : histoires d’une reconquête”), la bière est aujourd’hui associée à un monde très masculin, “une boisson que l’on boirait uniquement dans des contextes de réunions d’hommes, devant un match de foot”, déplore Nathalie Pinson.

Euphrasie Mbamba
Chocolatière au grand cœur

© Simpacid, pour axelle magazine

Chez Euphrasie Mbamba, le chocolat est une tradition familiale : au Cameroun, son grand-père était planteur de cacaotiers, l’arbre qui donne les fèves de cacao. Après avoir exercé différents métiers, elle a fini par revenir vers cette fameuse fève, entamant en 2012 une formation pour devenir chocolatière, notamment auprès de la chocolaterie Callebaut. Un an et demi plus tard, elle ouvre une première boutique à Ciney où elle vend ses pralines et ses tablettes. Sa boutique s’appelle “Sigoji”, un mot formé par la contraction des prénoms de ses deux fils et par le nom de la baie de goji, un ingrédient que l’on retrouve dans sa toute première recette. Elle a depuis ouvert d’autres magasins à Rochefort et à Uccle. Son chocolat est éthique, grâce aux fèves des terres léguées par son grand-père, toujours gérées par sa famille. Si la récolte, la fermentation, le séchage et le stockage se font au Cameroun, la torréfaction et la transformation ont lieu en Belgique. La chocolatière espère ainsi jouer un rôle dans le développement économique des campagnes camerounaises, de plus en plus abandonnées au profit des villes principales du pays (Le Vif, 29 mai 2022). Son travail a été récompensé par de nombreux prix, dont celui de meilleure artisane de Belgique en 2017.

Émilie Many et Les Capucines
Du beurre dans les épinards

© Simpacid, pour axelle magazine

À Bruxelles, au sein du quartier des Marolles, l’épicerie sociale Les Capucines existe depuis 2003. Elle permet de se fournir en produits alimentaires et non alimentaires de qualité et à moindre coût. C’est Émilie Many qui la dirige depuis 2016. “Dès que quelqu’un arrive ici, c’est un vrai client. Il vient poser des choix pour acheter ce dont il a besoin et envie. C’est une dynamique différente des banques alimentaires où les bénéficiaires sont plus passifs”, explique-t-elle à La Libre (7 août 2019). Les client·es sont généralement suivi·es par des services sociaux bruxellois partenaires, qui les orientent vers cette structure. Francesca, cliente, met en avant le rôle social de l’épicerie : “Suivre un régime diabétique, cela coûte cher. Comme mon argent part dans l’alimentation et la santé, je ne peux plus me faire plaisir. Je suis prisonnière à la maison. L’épicerie a changé ma vie. […] Grâce aux bas prix de l’épicerie, je peux même me permettre certaines sorties. Les clients de l’épicerie sont devenus comme une famille pour moi, et mon diabète a baissé depuis que je viens ici.” L’équipe des Capucines prodigue des conseils et organise tout au long de l’année des activités autour de l’alimentation, comme des ateliers cuisine.

Zoila Rosa Palma
La gentillesse en cornet

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Depuis 12 ans, Zoila Rosa Palma tient la célèbre baraque à frites située place Saint-Josse, à Bruxelles, et dont l’activité remonte à 1931. À la suite d’un parcours chahuté, Zoila Rosa Palma, enseignante dans son pays d’origine, l’Équateur, arrive en Belgique dans les années 2000 et trouve un travail dans le secteur du nettoyage. Sa chance lui sourit quand, en 2009, elle découvre que la friterie, qu’elle fréquente régulièrement, est à la recherche d’un·e concessionnaire pour remplacer la personne qui gérait les lieux depuis les années 1970. “Quand j’ai vu la friterie fermée avec un petit papier, j’ai dit à mon mari : Moi, je suis capable de faire ça. Si je dois nettoyer vingt chambres, pourquoi pas tenir une friterie ? Et comme ça, je peux parler avec les gens, je peux rigoler…”, raconte-t-elle aux Grenades – RTBF (27 mars 2021). Elle s’inscrit comme indépendante, suit une formation à Namur et, en février 2011, devient la nouvelle gérante de la baraque à frites ! Elle est connue pour son attachement à la recette belge. “Dans mon pays aussi, il y a des frites, mais on les sert dans une charrette, et on les cuit qu’une seule fois. On les appelle les “salchipapas”. […] Je préfère ici, on goûte mieux la pomme de terre !”, confie-t-elle.

Sandrine Goeyvaerts
In vino veritas

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Originaire de Liège, Sandrine Goeyvaerts a obtenu son diplôme de sommelière en 2003 avant de devenir la première femme à remporter le prix de première sommelière de Belgique junior. Après avoir travaillé dans la grande distribution, elle devient caviste en 2010 au sein de la cave Lacroix Vins  à Saint-Georges-sur-Meuse. Elle a écrit sur le vin et ses différents aspects dans plusieurs revues et journaux, dont Le Soir, où elle est reconnue pour ses connaissances pointues et son humour acéré. En tant que caviste et sommelière, elle dénonce régulièrement le sexisme dans la profession et prend position contre “les vins de femmes”, supposément plus légers ou sucrés. En 2016, elle lance sur les réseaux sociaux le hashtag #WomenDoWine (“Les femmes font du vin”) pour visibiliser les femmes qui travaillent dans ce secteur. Une action suivie, en 2017, par la création de l’association Women Do Wine, exclusivement composée de femmes, un réseau interprofessionnel d’échanges et d’entraide. Elle a publié chez Nouriturfu plusieurs livres consacrés au milieu vinicole dont Vigneronnes : 100 femmes qui font la différence dans les vignes de France en 2019 et, en 2021, Manifeste pour un vin inclusif qui explore les inégalités dans ce milieu.

Sarah Remy
Aux petits oignons

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À Comblain-au-Pont, au Jardin de la Fouarge, Sarah Remy s’est lancée dans le maraîchage en traction animale il y a presque dix ans. Pétula, son cheval de trait ardennais, remplace le tracteur et les autres machines nécessaires à la production agricole. Un gain de temps considérable pour la jeune maraîchère, mais qui a aussi d’autres avantages. “Un cheval est moins onéreux qu’un tracteur, surtout vu le coût de l’énergie aujourd’hui. Moi, je ne dois pas me préoccuper du plein, le plein est toujours là. Elle m’apporte aussi un respect du rythme de travail. C’est un être vivant, je dois faire attention à son rythme et donc au mien de manière naturelle”, explique Sarah Remy à la RTBF (12 mai 2022). Ainsi, elle propose en vrac ou en panier de nombreux légumes et petits fruits, cultivés sans pesticides ni engrais chimiques. Ils sont vendus directement au jardin, sur des marchés et à des restaurants de la région. Pour la maraîchère, le Jardin de la Fouarge est un lieu de production et de vente mais aussi un lieu de rencontres et d’apprentissage. Ayant récemment fait l’acquisition d’une nouvelle parcelle, Sarah Remy souhaite repenser son métier en s’inspirant de l’agroforesterie, l’association de culture de légumes et d’arbres fruitiers.