« Je m’en souviens encore. J’étais dans la voiture de police, menottée, et je me demandais : Comment tout cela a-t-il pu arriver ? » Les yeux bleus s’embuent, la main manucurée vient tapoter la rangée de cils blonds maquillés d’azur, la bouche nacrée se tord pour réprimer un sanglot. Au-dessus d’un service à thé en porcelaine fleurie et de pâtisseries à la cannelle, Merredith Cunnif, contrite et encore stupéfaite, raconte sa descente aux enfers. La quadragénaire, célibataire et mère d’un adolescent, n’avait jamais pensé qu’un jour, son portrait, alors marqué et émacié, ferait la une des journaux locaux du Massachusetts. L’infirmière, qui a grandi dans les quartiers de la petite bourgeoisie catholique de Boston, ne s’est pas vue prendre cette voie, celle de l’addiction et des braquages.
Une décennie d’obsession
Aujourd’hui, elle se rappelle l’étincelle à l’origine du chaos. C’était il y a 16 ans, on venait de lui diagnostiquer une sclérose en plaques. Alors accablée de fatigue et percluse par les premiers symptômes de la maladie, elle avalait la première gélule d’opioïdes prescrite par son médecin de famille. Elle se souvient encore de l’effet foudroyant du cachet antidouleur : en un instant, la souffrance s’évanouit, les forces sont décuplées et un sentiment de toute-puissance submerge tout.
Cette première prise scelle les dix années suivantes. Une décennie d’obsession pour ces cachets, distribués trop abondamment par des médecins peu regardant·es. Dans l’État du Massachusetts, où les prescriptions médicales ne sont alors pas contrôlées, Merredith se lance dans un “doctor-shopping” effréné et multiplie les rendez-vous médicaux pour obtenir toujours plus d’ordonnances pour ces miraculeuses pilules…
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