États-Unis : les femmes dans l’enfer des opioïdes

Par N°219 / p. 21-25 • Mai 2019 | conectionconection Contenu complet (pdf)
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Une épidémie d’overdoses d’antidouleurs touche les États-Unis depuis plusieurs années. Les femmes se retrouvent au cœur de la crise, moins nombreuses que les hommes, mais plus durement frappées. Reportage en Nouvelle-Angleterre, l’un des épicentres du phénomène, et réaction de Magali Crollard, psychologue et responsable du service parentalité du centre Alfa, service de santé mentale spécialisé dans le traitement, la prévention et la réduction des risques en matière d’assuétude à Liège.

Keriann Caccavaro, une des responsables du Banyan Center, elle-même ancienne toxicomane, veille nuit et jour sur ses protégées en cure de désintoxication. Elle vit cette reconversion professionnelle comme un salut. ©Eugénie Baccot

« Je m’en souviens encore. J’étais dans la voiture de police, menottée, et je me demandais : Comment tout cela a-t-il pu arriver ? » Les yeux bleus s’embuent, la main manucurée vient tapoter la rangée de cils blonds maquillés d’azur, la bouche nacrée se tord pour réprimer un sanglot. Au-dessus d’un service à thé en porcelaine fleurie et de pâtisseries à la cannelle, Merredith Cunnif, contrite et encore stupéfaite, raconte sa descente aux enfers. La quadragénaire, célibataire et mère d’un adolescent, n’avait jamais pensé qu’un jour, son portrait, alors marqué et émacié, ferait la une des journaux locaux du Massachusetts. L’infirmière, qui a grandi dans les quartiers de la petite bourgeoisie catholique de Boston, ne s’est pas vue prendre cette voie, celle de l’addiction et des braquages.

Une décennie d’obsession

Aujourd’hui, elle se rappelle l’étincelle à l’origine du chaos. C’était il y a 16 ans, on venait de lui diagnostiquer une sclérose en plaques. Alors accablée de fatigue et percluse par les premiers symptômes de la maladie, elle avalait la première gélule d’opioïdes prescrite par son médecin de famille. Elle se souvient encore de l’effet foudroyant du cachet antidouleur : en un instant, la souffrance s’évanouit, les forces sont décuplées et un sentiment de toute-puissance submerge tout.

Cette première prise scelle les dix années suivantes. Une décennie d’obsession pour ces cachets, distribués trop abondamment par des médecins peu regardant·es. Dans l’État du Massachusetts, où les prescriptions médicales ne sont alors pas contrôlées, Merredith se lance dans un “doctor-shopping” effréné et multiplie les rendez-vous médicaux pour obtenir toujours plus d’ordonnances pour ces miraculeuses pilules…

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