Fin de chantier pour les fiches brico ? Oui mais désormais, on bricole toutes !

Il y a tout juste sept ans, axelle publiait sa première fiche bricolage. Pour clouer le bec aux stéréotypes de genre  selon lesquels les femmes ne pourraient pas utiliser une scie circulaire ou réparer un robinet qui fuit. Au fil des mois, La bricoleuse nous a largement prouvé que cette activité était à notre portée ! Avant de tirer un trait sur cette rubrique – pas de panique, vous pouvez retrouver des fiches en accès libre sur notre site ! –, nous avons souhaité interviewer celle qui a su si bien nous outiller.

Dans les archives de La bricoleuse

Après 66 fiches publiées dans notre magazine, qu’aurais-tu envie de dire aux lectrices ?

“Merci ! Car après avoir épuisé les sujets de bricolage et chantiers que j’avais réalisés par le passé, j’ai dû tester de nouvelles choses pour pouvoir vous les décrire avec un maximum de réalisme et de précision. Ce projet a donc été pour moi un moteur d’expérimentation qui m’a permis de continuer à apprendre et à développer ma confiance en mes capacités, de réparer plein de trucs chez moi, mais aussi de rencontrer d’autres bricoleuses engagées ! C’est tout cela que j’ai essayé de transmettre à travers ces fiches. J’espère qu’elles auront semé chez chaque lectrice cette petite graine de possible pour oser prendre en main le marteau, le pied-de-biche ou la foreuse afin d’abattre les murs de cette société cloisonnante et, à la place, de bâtir des ponts entre nos univers multiples et vivants. Ou, plus modestement, pour oser réparer votre robinet qui goutte ou vos freins de vélo. Continuez donc à vous réapproprier ces fiches, à les adapter, partager, diffuser… Car derrière le pseudo de “La bricoleuse”, il y a chacune d’entre vous, avec son potentiel de création et de construction !”

En sept ans de bricolage pour axelle, as-tu une anecdote marquante à pointer ? Un moment mémorable à partager ?

“Pas de grande anecdote héroïque, mais plein de moments qui réchauffent le cœur : des personnes qui me racontent avoir fait des réparations grâce aux fiches, d’autres qui prennent le temps de partager avec moi leurs savoirs pour une nouvelle fiche, le sentiment de victoire lorsqu’on a réussi à réparer ou construire quelque chose, une amie qui offre le guide On bricole toutes à ses collègues de bureau, des copines qui me relatent avoir vu le recueil circuler dans différents lieux en Belgique, France, Suisse ou Catalogne, toutes ces bricoleuses féministes qui petit à petit tissent un réseau de transmission et de solidarité…”

La couverture de “On bricole toutes”, le recueil des 20 premières fiches brico d’axelle magazine

Quel est, selon toi, le plus gros frein qui empêche les femmes de se lancer dans le bricolage ?

“La négation de nos capacités par la société patriarcale, binaire et sexiste, qui entraîne une dévalorisation que nous intégrons au plus profond de nous-mêmes. J’ai eu tellement de discussions avec des femmes (et autres personnes n’ayant pas eu accès à l’apprentissage du bricolage à cause des normes genrées de cette société) qui disaient ne savoir “rien faire” et puis en creusant un peu, il s’avère qu’elles avaient toutes déjà au moins réparé, installé, bricolé l’un ou l’autre truc, redoublant de débrouille, de créativité et d’ingéniosité dans de multiples situations. Et aussi, pour beaucoup de femmes, de plus en plus précarisées par cette société, prises dans un quotidien qui est une course à la survie, il manque l’espace et le temps pour pouvoir expérimenter de nouvelles choses comme le bricolage qui demande de pouvoir essayer, se tromper, réessayer… sans stress ni pression.

Pour sortir de ce manque de confiance en soi et de cette précarité individuelle, rien de tel que de se mettre ensemble et de faire collectivement : par exemple en créant un groupe d’entraide pour faire des réparations les unes chez les autres, en organisant des ateliers de transmission de savoirs, des mises en commun d’outils, des récoltes collectives de matériaux de récup… Et, n’en déplaise à certains, dans des espaces non-mixtes ou en mixité choisie (sans hommes cis, sans spécialistes…), où l’on se sentira légitime et en confiance pour expérimenter tranquillement, sans être jugée ni reléguée au rôle d’assistante passive.”

La couverture de “On bricole toutes” (tome 2), le recueil des 20 dernières fiches brico d’axelle magazine

D’après toi, est-ce que le secteur du bricolage est plus inclusif, moins sexiste qu’il y a quelques années ?

“Sans vouloir généraliser, il n’est sans doute pas beaucoup plus inclusif qu’en 2014, étant donné la lenteur des changements de fond, voire le recul en cours, dans la société patriarcale actuelle. Mais la nouveauté de ces dernières années, c’est qu’on voit clairement la riposte féministe émerger : de plus en plus d’ateliers de bricolage, de chantiers, d’expérimentations, de mises en réseau… s’organisent. Ces projets (mis en place par des associations, des maisons de quartier, des festivals féministes ponctuels… mais aussi par des collectifs autonomes et dans des squats) sont très souvent en non-mixité ou mixité choisie (femmes, queer, LGBTQIA+…), porteurs de valeurs anticapitalistes, écologiques et antiautoritaires. Et si rien de ce genre n’existe près de chez vous, pourquoi ne pas le créer vous-même ?”