Ce 26 novembre, Mirabal appelle à manifester contre les violences faites aux femmes

À l’appel de la plateforme Mirabal, une manifestation contre les violences faites aux femmes est prévue ce dimanche 26 novembre à Bruxelles, dès 14h (le rendez-vous est fixé à 12h au Carrefour de l’Europe). Ce collectif, composé de nombreuses associations féministes, de la société civile et des droits humains, porte le nom des trois sœurs Mirabal, tuées en République dominicaine sur ordre du dictateur Rafael Trujillo le 25 novembre 1960. En 1999, l’ONU a choisi en leur mémoire le 25 novembre comme Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. Chaque année, la plateforme Mirabal se mobilise autour de cette date et dresse le bilan de la situation en Belgique et dans le monde. axelle en a parlé avec Dominique Deshayes, coordinatrice droits des femmes au sein d’Amnesty International Belgique, qui fait partie de Mirabal.

© Mirabal Belgium

Quelles sont vos revendications cette année ?

“Plus que d’habitude, nous demandons que soient prises en compte les réalités des femmes vulnérables qui sont victimes de discriminations croisées : les femmes migrantes, précarisées, issues de la communauté LGBTQIA+, etc. Dans le contexte qui est le nôtre, nous dénonçons l’utilisation du viol comme arme de guerre en Ukraine, en Syrie ou dans les prisons iraniennes. Nous sommes solidaires de la situation des femmes à l’étranger et avons une vision internationaliste de la lutte contre les violences. Nous sommes atterrées que la directive européenne sur les violences faites aux femmes soit bloquée par deux États importants, la France et l’Allemagne, qui refusent une définition du viol basée sur le consentement. Pour eux, il faut qu’il y ait de la violence pour qu’un viol soit reconnu, que les victimes se débattent, etc., ce qui oublie un grand nombre de situations, par exemple quand la victime a été droguée ou est endormie… Et cela se passe aujourd’hui, en 2023, au sein de l’Union européenne !

Nous sommes solidaires de la situation des femmes à l’étranger et avons une vision internationaliste de la lutte contre les violences.

Nous nous intéressons aussi en particulier au droit à l’avortement, qui est tellement remis en question dans le monde en ce moment : on l’a vu aux États-Unis, mais aussi en Pologne , un pays de l’Union européenne, où toute personne qui aide une femme à avorter peut recevoir une peine de prison. Le droit à l’avortement risque aujourd’hui d’être attaqué en Argentine, avec l’élection du nouveau président Javier Milei. Ce n’est clairement pas un droit acquis, comme c’est le cas pour tous les droits des femmes ! En Belgique, nous demandons l’allongement à 18 semaines (contre 12 actuellement) du délai durant lequel on peut avorter, nous souhaitons également la suppression du délai obligatoire de réflexion de 6 jours. Nous réclamons aussi des formations sur la question de l’IVG généralisées à tout le secteur médical. Il faut l’enseigner aux futur·es médecins et les sensibiliser sur ce sujet. On constate sur le terrain qu’il s’agit d’un combat de médecins plus âgé·es et que les plus jeunes ne s’en emparent pas forcément. Une campagne intéressante de la Sofelia , la Fédération militante des Centres de Planning familial solidaires, est en cours en ce moment pour déconstruire auprès du grand public les stéréotypes qui entourent l’IVG : non, cela ne rend pas stérile, non, ce n’est pas utilisé comme un moyen de contraception par les femmes, etc.

Nous nous intéressons aussi en particulier au droit à l’avortement, qui est tellement remis en question dans le monde en ce moment.

Les violences économiques constituent un dernier point important pour nous, notamment le fait que les métiers féminins, dont ceux du care qui ont été mis en exergue durant la pandémie, restent peu valorisés et peu rémunérés. L’individualisation des droits est un gros enjeu sur le plan économique, et le statut de cohabitant·e constitue un problème. Par exemple, si une femme vit seule avec son fils qui gagne un petit salaire en étant livreur, elle perd la moitié de ses allocations sociales !”

© Mirabal Belgium

La situation reste en effet compliquée pour les droits des femmes, mais y a-t-il eu des avancées significatives ?

“Je dois tout de même dire que je suis fière d’habiter en Belgique (Rires). Sur le plan juridique, l’adoption de la loi Stop Féminicide permet à notre pays d’être pionnier dans la lutte contre ces crimes et de mieux reconnaître les multiples violences qui s’exercent avant un féminicide. Dix Centres de prise en charge des violences sexuelles (CPVS) ont été créés et des cellules EVA ont été constituées dans différents commissariats en Région bruxelloise, qui assureront un meilleur accueil par la police et la Justice pour les victimes de violences sexistes et sexuelles. Le Code pénal sexuel a été réformé et le consentement y a été défini de manière positive : la personne doit exprimer de manière explicite son désir d’avoir une relation sexuelle, il ne peut pas être donné par une personne qui a bu de l’alcool, et il peut être retiré à tout moment. Il faut bien entendu aussi parler de prévention et agir pour que ces violences ne se produisent pas. L’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) est une solution pour lutter contre les stéréotypes dès le plus jeune âge, mais aussi contre la culture du viol et la culpabilisation des victimes. Pourtant, l’EVRAS a fait débat en Belgique, pour seulement deux heures de cours en primaire et en secondaire. Nous ne pouvons pas nous reposer sur nos lauriers, il faut continuer à lutter car il reste beaucoup à faire.”

Justement, les élections de 2024 sont à nos portes. Que demandez-vous aux responsables politiques ?

“Différents mémorandums ont déjà été publiés en vue de ces élections, par exemple celui de Soralia et celui du Conseil bruxellois pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Ce qui en ressort, c’est le lien qui est fait entre les violences faites aux femmes et la pauvreté. Il y a aussi un lien clair entre les violences et la mobilité urbaine, avec par exemple la recommandation de pouvoir demander de sortir entre deux arrêts le soir quand on se déplace seule en transport en commun parce que c’est plus sécurisant. J’ai aussi vu des demandes d’une meilleure prise en compte du genre dans la construction des logements sociaux. Beaucoup d’idées germent et fusent en ce moment, c’est très encourageant ! Je pense qu’il faut aussi insister sur les auteurs de violences qui sont peu visés par les mesures déjà prises. Or, même s’ils sont éloignés de leur victime, ils peuvent continuer à violenter d’autres femmes…

On restera vigilantes, car nous voulons que les avancées qui ont été engrangées ces dernières années puissent continuer.

Je ne crains pas trop les élections à venir, car j’ai confiance en la capacité de la société civile et du tissu associatif à résister face à des potentiels reculs. On restera vigilantes, car nous voulons que les avancées qui ont été engrangées ces dernières années puissent continuer. D’ailleurs, le Conseil fédéral de l’Égalité des Chances entre Hommes et Femmes, le Conseil wallon et le Conseil bruxellois vont se rassembler prochainement pour mettre en place une stratégie pour ces élections et surtout pour l’après-élections. Il ne faut pas oublier non plus que la Belgique aura la présidence du Conseil européen de janvier à juin 2024, cela va être très intéressant de suivre ce qu’il va se passer sur ce terrain-là !”