• Abonnement
  • Newsletter


    • Contact
    Se connecter

    mot de passe oublié ?

    Si vous êtes déjà abonné•e et que vous n’avez pas encore de mot de passe, envoyez un mail à site@axellemag.be.

    Annuler
    Aller au contenu
    • Dernier numéro
      • Où l’acheter ?
    • Anciens numéros
    • Les articles
    • Les podcasts
    • Sur le bout des doigts…
    • À propos

    Mois : mai 2023

    Interdiction temporaire de résidence en pause ? Focus sur une mesure complexe

    Depuis 10 ans, la Belgique s’est dotée d’une loi visant à éloigner rapidement les auteurs de violences conjugales, afin de protéger les victimes. Aujourd’hui, cette mesure est mise en pause au sein du parquet de Bruxelles. L’occasion de se pencher sur les enjeux d’une mesure qui, en l’état, ne fait pas l’unanimité.

    © Diane Delafontaine, pour axelle magazine

    Fin avril, on apprenait que le parquet de Bruxelles mettait en pause plusieurs mesures, à cause d’un manque de personnel. Parmi celles-ci : l’interdiction temporaire de résidence (ITR). Cette mesure, introduite dans notre pays par une loi de 2012, prévoit que ce soit l’auteur de violences conjugales qui quitte le domicile familial, plutôt que la victime, lorsqu’il représente « une menace grave et immédiate pour la sécurité d’une ou de plusieurs personnes occupant la même résidence ». Pendant 14 jours (une période qui peut être renouvelée), il a interdiction de s’approcher du domicile et de tenter de rentrer en contact avec la victime. Le non-respect de cette interdiction constitue une infraction pénale punie par une peine d’emprisonnement de huit jours à un an et/ou une amende.

    Plutôt bien utilisée en Flandre, cette mesure ne sert que très peu dans la partie francophone du pays. On compte par exemple 142 dossiers entrés au parquet d’Anvers en 2020, pour… un seul dossier entré au parquet de Bruxelles, trois dossiers à Charleroi et 13 à Mons-Tournai la même année.

     Ce sont les femmes qui partent

    « Je pense qu’il s’agit d’une bonne mesure, dans l’absolu, réagit Caroline Mommer, avocate au barreau de Bruxelles et membre de l’association féministe Fem&Law. L’idée derrière est de ne pas déraciner une victime, souvent accompagnée de ses enfants. Cela permet aussi une prise de conscience de la gravité de la situation dans le chef de l’auteur, puisque c’est à lui de partir. Cette mesure donne le signal que les violences sont prises au sérieux. Dans les faits cependant, elle semble difficilement applicable. Je constate que les femmes cèdent souvent et quittent le domicile familial, ce qui les place dans une position particulièrement précaire. Certains policiers conseillent également aux femmes de partir si elles ne veulent pas que leurs enfants soient placé·es… Récemment, une de mes clientes s’est retrouvée à 2h du matin en pyjama sur le bord de la route avec ses trois enfants car son conjoint refusait catégoriquement de quitter le domicile. En outre, rien n’empêche vraiment ces hommes de revenir : ils connaissent les lieux, ils possèdent souvent les clefs, etc. » Autre limite : la mesure ne convient pas si l’auteur des violences n’est pas domicilié au même endroit que la victime.

    Miriam Ben Jattou, juriste et fondatrice de l’association Femmes de Droit, le confirme : sur la centaine de femmes qu’elle suit et conseille, une seule a pu bénéficier de cette mesure de protection. « Elle était propriétaire du domicile familial, il s’agissait donc d’un cas assez particulier. Les policiers ont conduit l’homme jusqu’à la gare et ont veillé à ce qu’il prenne son train. La victime a reçu un numéro à appeler si elle apercevait l’homme près de son domicile, afin qu’une patrouille soit envoyée sur les lieux. Selon moi, cette mesure, qui n’est pas mauvaise en soi, doit être accompagnée. Elle ne se suffit pas à elle-même. Il faut notamment assurer une présence humaine, des personnes qui incarnent l’autorité et qui peuvent rappeler le cadre à l’auteur. Pour l’instant, le fait que la mesure ne soit pas effective dans la plupart des cas renvoie un message terrible aux victimes. On n’a pas eu de remarques de leur part sur le fait que la mesure était mise en pause, preuve qu’elle était déjà trop peu utilisée », analyse-t-elle.

    • À lire / Rencontre avec Caroline Poiré, l’avocate qui défend les victimes d’agressions sexuelles et intrafamiliales

    Une procédure compliquée

    Concrètement, le système qui entoure les interdictions temporaires de résidence implique une saisine d’urgence du tribunal de la famille par la/le procureur·e du roi, et garantit donc une audience rapide, dans les deux semaines. Lorsqu’une ordonnance d’ITR est prise, une copie de la décision est envoyée à la zone de police concernée et à la maison de justice, qui doit avertir l’auteur ainsi que la victime. « Il s’agit d’une bonne chose, précise Caroline Mommer, car cela se fait automatiquement, les démarches n’incombent pas à la victime, qui est déjà dans une situation compliquée, physiquement et psychologiquement. D’un autre côté, ce système demande beaucoup de travail administratif, entre deux et quatre heures pour chaque dossier. À Bruxelles, le tribunal de la famille est surchargé. »

    Une procédure compliquée qui explique la mise en pause de la mesure dans le contexte de crise que rencontre le parquet de Bruxelles en ce moment. « Il faudrait peut-être penser à simplifier toute cette procédure. Pourquoi est-ce possible en Flandre et pas ailleurs ? Parce que là-bas, il y a des moyens humains et financiers qui sont investis », continue-t-elle. Ce manque de moyens de la Justice est également déploré par Miriam Ben Jattou : « Cela m’agace quand j’entends qu’il n’y a pas de moyens. Ils sont là, il faut juste la volonté politique de faire de ces violences une priorité. Vu le nombre de cas de violences et de féminicides chaque année dans notre pays, les mesures de protection des victimes devraient être prioritaires. »

    • À lire / L’appauvrissement des victimes de violences conjugales et intrafamiliales

    « Une bombe à retardement »

    Jean-Louis Simoens, responsable au sein du Collectif contre les violences familiales et l’exclusion à Liège et coordinateur de la ligne Écoute violences conjugales (0800 30 030), s’interroge : « Est-ce que la mise en pause de la mesure d’interdiction temporaire de résidence, qui est un sujet ultra-sensible, n’était pas stratégique du côté du parquet, pour entraîner des réactions et alerter sur le manque de moyens permettant de la mettre réellement en place ? »

    Pour le reste, il qualifie cette mesure de « complexe ». « Historiquement, les associations féministes l’ont demandée pour éviter une double victimisation des femmes et on comprend bien pourquoi. Pour les victimes cependant, ce n’est pas simple. Certaines ne se sentent plus en sécurité chez elles, car c’est l’endroit où les violences ont eu lieu. Il est nécessaire d’accompagner les auteurs et les victimes. Pour les auteurs qui sont éloignés du domicile, c’est vraiment le service minimum qui est prévu. S’ils savent où aller, c’est très bien. S’ils n’ont nulle part où aller, est-ce qu’ils vont dormir dans leur voiture sur le parking d’un grand magasin ? Vous imaginez leur état d’énervement le lendemain ? C’est une bombe à retardement, selon moi », déplore-t-il. Le moment de la séparation est en effet un moment particulièrement à risque dans les cas de violences intrafamiliales. Les violences peuvent augmenter, parfois jusqu’au féminicide.

    • Focus / Féminicides : de grands enjeux qui entraînent de grandes résistances

    L’interdiction temporaire de résidence vise « quelqu’un qui n’est pas encore condamné, poursuit Jean-Louis Simoens. Cela explique la lourdeur administrative, la Justice va être très précautionneuse sur cette question. Aujourd’hui, les maisons de justice sont aussi sollicitées dans le cadre des ITR. Des assistant·es de justice vont devoir remettre un rapport en ayant entendu les deux parties, à chaud, ce qui est très difficile, d’autant plus que leurs conditions de travail sont compliquées. »

    Jean-Louis Simoens pencherait plutôt pour l’amélioration de ces dispositifs interdisciplinaires (en faisant travailler la police et les parquets, les ITR amorcent déjà cette approche multidisciplinaire). « Dans des situations dangereuses pour les victimes, il faut que tout le réseau se mobilise pour les protéger. Il faut faire collaborer la police, la Justice, les hôpitaux, les CPAS, etc. Pour certains cas de féminicides, on s’est rendu compte que tous les signaux d’alerte étaient présents en amont, mais il n’y avait pas de communication entre les différents services qui recevaient ces signes d’alerte. Tout le monde avait l’impression d’avoir fait son maximum et cela n’avait pourtant pas fonctionné. Il faut travailler mieux ensemble. »

    Rubrique :Catégories Mai-juin 2023Mots-clés :Étiquettes Belgique, Violence, Droits, Institutions, JusticePosté le :Publié le 30 mai 2023

    Aide à la Jeunesse : est-ce que ça bouge ?

    La diffusion fin mars dernier par la RTBF, de l’épisode d’Investigations traitant de placements abusifs d’enfants en lien avec l’Aide à la Jeunesse a relancé le débat au niveau politique. Le secteur, qui prend en charge chaque année, en Fédération Wallonie-Bruxelles, pas loin de de 40.000 dossiers d’enfants en difficulté ou en danger, est-il prêt au changement ? Rebond sur un sujet qu’axelle suit de près. 

    8 mars 2023, action d'un collectif féministe de soutien aux mères et aux enfants. © Zoé Penelle, pour axelle magazine

    Les constats de difficulté de relation entre des mères victimes de violences intrafamiliales et les services d’aide à la jeunesse ne datent pas d’hier. Plusieurs associations dont Vie Féminine ont documenté le phénomène, qualifié de massif et structurel : la parole des mamans et celle de leur(s) enfant(s) ne sont que peu, ou pas, prises en compte par les services de l’Aide à la Jeunesse, ce qui mène parfois ces services à prendre des décisions inadéquates renouvelant la violence. Dans axelle, nous avons également publié plusieurs enquêtes à ce sujet.

    • À lire / Placements abusifs d’enfants : mère en résistance

     Grâce au travail des associations et des mères elles-mêmes, qui continuent inlassablement à alerter, la prise de conscience progresse. Il devient de plus en plus difficile de nier les dégâts parfois immenses provoqués par ce manque d’écoute, causé par l’utilisation de grilles d’analyse inadaptées. Ces grilles, le plus souvent, ne font pas la distinction, cruciale pourtant, entre conflit et violences, méconnaissent le fonctionnement des violences (post)conjugales, recourent au SAP (syndrome d’aliénation parentale) ou aux principes qui le sous-tendent (mère mensongère et vengeresse), et continuent à véhiculer l’idée qu’un père violent avec la mère reste adéquat en tant que parent.

    Impact d’une émission

    Suite à la diffusion de l’émission Investigations, exerçant leur mission de contrôle du travail du gouvernement, des parlementaires de la FWB ont interpellé la ministre responsable du secteur de l’Aide à la Jeunesse. Valérie Glatigny (MR) a répondu fin mars aux questions du député Michel de Lamotte (Les Engagés) et annoncé la tenue d’un audit pour examiner les trois situations de placement ou menace de placements abusifs présentées dans le reportage. Elle a également annoncé, pour la fin de l’année, la parution d’une étude sur le recours (ou non) au SAP dans les services de l’Aide à la Jeunesse. Madame Glatigny rappelait la complexité des situations et la responsabilité, dans les prises de décision concernant les mineur·es, des instances judiciaires, dont la supervision s’exerce à un autre niveau de pouvoir (au fédéral sous la tutelle du ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne, Open Vld).

    Dans le sillage de l’éclairage médiatique provoqué par Investigations, et en collaboration avec ses collègues écologistes de la Chambre (Claire Hugon et Séverine de Laveleye) et du gouvernement (l’(ex)secrétaire d’État à l’Égalité des genres, Sarah Schlitz, pour le fédéral, et la ministre de l’Enfance en FBW, Bénédicte Linard), le député Pierre-Yves Lux a déposé une proposition de résolution au sein de la majorité du Parlement de la FWB, c’est–à–dire des recommandations s’appuyant sur une série de considérations et de textes votés. « Il ne s’agit pas d’une proposition de loi, explique-t-il à axelle, et le gouvernement n’est pas obligé de mettre une résolution à exécution. Il faut donc voir de quelle façon la majorité va s’en emparer. À ce stade, PS et MR ont pu en prendre connaissance et un groupe de travail va sans doute se constituer. »

    Prendre des bonnes résolutions

    Le but de la proposition déposée ? Résoudre ces tensions – voire oppositions, dans les cas documentés par axelle, entredivers droits fondamentaux : celui de l’enfant à être soutenu·e, protégé·e ; celui des parents – en l’occurrence du père – à éduquer librement son/ses enfants ; celui des femmes à être protégées des violences. Comment  ? En réaffirmant les principes de base : le besoin de protection des enfants et des mères subissant des violences intrafamiliales, et la confiance à donner à la parole des victimes, devant rester au cœur du processus. L’écoute et la prise en compte de la parole des enfants réinscriraient le principe de « bien-être supérieur de l’enfant », principe au cœur des processus de l’Aide à la Jeunesse et souvent brandi pour justifier des décisions, dans une réalité et des pratiques très concrètes.

    •  À lire / Dénoncer l’inceste : paroles de mère, déni de justice

    Plein de plans

    La résolution s’appuie, et permet de remettre le focus, sur les recommandations des (nombreux) textes déjà validés par les différents niveaux de pouvoir en Belgique. Elle leur est complémentaire, prolonge le député écolo, qui reconnaît que « les compétences s’exercent encore trop en silo »  : droits des femmes, droits des enfants, d’un côté, et appareil judiciaire, et secteur de l’Aide à la Jeunesse, de l’autre. Cette division de compétences est à la source de difficultés à faire appliquer, transversalement et concrètement, les différents textes adoptés : Plans régionaux de lutte contre les violences faites aux femmes, Plan intra-francophone de lutte contre les violences faites aux femmes 2020-2024, Plan Droits des Femmes 2020-2024 en FWB, Plan d’actions relatif aux Droits de l’enfant 2020-2024, Plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre 2021-2025…

    Connaissance affinée des mécanismes des violences

    Un des objectifs de la résolution pointe la nécessité de poursuivre le travail pour bannir, dans les dossiers et décisions, le recours au SAP, mais aussi tous les autres concepts qui le sous-tendent : mère « fusionnelle », « revancharde », « manipulatrice », enfants « menteurs/euses »… Autre urgence : la compréhension par les acteurs/trices du secteur des enjeux de situations de violences intrafamiliales, violences pas uniquement physiques mais aussi sexuelles, psychiques, économiques, ainsi que les biais cognitifs associés. La formation se retrouve donc au centre du changement des pratiques.

    En décembre, en partenariat avec RTA (un des cinq centres de formation agréés de l’Aide à la Jeunesse), Vie Féminine donnait dans la province du Luxembourg une première formation pilote, pendant laquelle deux mères porte-parole restituent via une vidéo les demandes du groupe de mères rassemblé par Vie Féminine. L’expérience a été évaluée très positivement. Au centre de ce module de formation donné aux acteurs/trices de l’Aide à la Jeunesse, mais aussi de la Justice ainsi qu’à des avocat·es : les différences entre conflit et violences.  Avec comme objectif secondaire la possibilité d’articulation entre les secteurs de l’Aide à la Jeunesse et le judiciaire, parce qu’« il y a un vrai intérêt à trouver un accord sur une ligne de conduite commune à tous », nous explique Laetitia Genin, coordinatrice du projet. Et la mise en œuvre concrète « de pratiques qui restent de l’ordre de la découverte », constate encore la coordinatrice, à l’instar de Pierre-Yves Lux. Pratiques telles que le respect de la parole des mères et des enfants, la prise en compte des différences entre conflit et violences ou encore le dialogue entre les différents secteurs de l’aide à la jeunesse et de la Justice. 

    Une évaluation de plus grande ampleur de cette formation pilote se déroulera durant l’été. « Elle permettra de dégager des pistes d’action et d’articulation », pense la coordinatrice, qui précise déjà un nouveau volet : l’amélioration du premier accueil des parents, éventuellement – voire systématiquement – de façon séparée, et ce dès la salle d’attente, où les mères et les enfants risquent de se trouver en présence de leur agresseur. De plus, « le diagnostic posé au premier rendez-vous avec le SAJ poursuivra les mères et les enfants tout au long des procédures, précise encore Laetitia Genin, et quel·les que soient les intervenant·es qui se succèdent. Ce qui se joue à ce moment-là est crucial, et mieux on est outillé·e, mieux on peut détecter des situations de violences. »

    Rubrique :Catégories Mai-juin 2023Mots-clés :Étiquettes Belgique, Politique, Médias, Enfance, Maternité, Institutions, JusticePosté le :Publié le 15 mai 202316 mai 2023
    111, rue de la Poste – 1030 Bruxelles
    T 02/227 13 19 – F 02/223 04 42
    axelle@skynet.be www.axellemag.be

    Mentions légales
    Conditions générales de vente
    axelle est éditée par Vie Féminine, Mouvement féministe d’action interculturelle et sociale
    www.viefeminine.be

    Design

    WorkInProgress c/o Emmanuel Troestler
    Avec le précieux concours de Cécile Crivellaro & Françoise Walthéry

    Developpement

    Tactic c/o Frédéric Roland www.lilluson.net
    www.tacticasbl.be
    S’ABONNER
    recevoir un ancien numéro gratuit
    (Uniquement en Belgique)


      Suivre le flux rss