Séisme au Maroc : quels sont les besoins des femmes sinistrées ?

Dans la nuit du vendredi 8 septembre, le Maroc a été brutalement secoué par un séisme d’une puissance inédite. Ce tremblement de terre a eu des conséquences dévastatrices, coûtant la vie à plus de 2.800 personnes (bilan provisoire) et faisant des milliers de blessé·es. Yasmina Benslimane, militante féministe marocaine et fondatrice de Politics4Her, alerte sur la situation des femmes sinistrées et sur leurs besoins spécifiques en publiant un manifeste.

Un séisme dramatique a frappé le Maroc le 8 septembre 2023. Ici, dans la ville de Amizmiz, proche de l'épicentre du séisme, les habitant·es ont dressé des tentes pour abriter les victimes durant la nuit. © LP/Jean-Baptiste Quentin

2.862, c’est, au moment d’écrire ces lignes, 4 jours après la catastrophe, le nombre de personnes décédées dans le tragique tremblement de terre ayant eu lieu dans la nuit du vendredi 8 septembre au Maroc. L’épicentre de ce séisme terrifiant a été localisé dans la commune d’Ighil, au cœur de la province d’Al Haouz, à 23h11 exactement.

De nombreux villages proches de l’épicentre ont été entièrement détruits. Certaines localités situées en zones montagneuses n’ont pas encore reçu d’aide : les routes sont bloquées, voire inaccessibles. De nombreuses personnes appellent encore à l’aide. La situation demeure critique, nécessitant une mobilisation urgente pour apporter un soutien essentiel aux victimes et plus particulièrement aux femmes, dont les besoins spécifiques sont oubliés face à l’urgence d’agir et à l’immensité du défi.

En effet, d’une façon générale, selon le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), les femmes et les filles ont 14 fois plus de risques que les hommes de perdre la vie lors d’une catastrophe naturelle. Au Japon, au moment du tremblement de terre de Kobe en 1995, la mortalité des femmes a été 50 % supérieure à celle des hommes, pointe parmi de multiples exemples à travers le globe un rapport récent du Conseil économique, social et environnemental français consacré à ce sujet. Pourquoi ?

Notamment parce que les femmes sont bien plus nombreuses à être piégées dans leur maison, mais aussi parce qu’elles sont plus nombreuses à travailler dans la santé et donc plus exposées en cas d’épidémie, par exemple. Et, lorsqu’elles survivent et qu’elles sont déplacées, 20 % d’entre elles subissent des violences sexistes et sexuelles, dénonçait déjà l’ONU en 2015. Enfin, l’accès aux ressources joue également en leur défaveur.

Consciente de ces enjeux cruciaux, Yasmina Benslimane, militante féministe marocaine et fondatrice de Politics4her (un mouvement féministe intersectionnel prônant la participation inclusive des femmes et des filles à la politique), a publié un manifeste pour alerter sur la situation des sinistrées marocaines. Elle y souligne l’importance d’adopter une approche sensible à la dimension du genre, en particulier pour les femmes et les filles vivant dans les zones rurales. Par exemple, nous savons que les femmes du village de Zanite Lalla Aziza, près de Chichaoua, sont dans un état critique, certaines sont enceintes et ont besoin d’une aide rapide.

Les besoins des femmes sinistrées au Maroc

“Les femmes et les filles sont souvent les plus vulnérables lors des catastrophes naturelles, et le récent séisme au Maroc ne fait malheureusement pas exception. Il est impératif que nous prenions des mesures concrètes pour répondre à leurs besoins spécifiques et garantir leur dignité et leur sécurité”, alerte la militante féministe Yasmina Benslimane sur son compte Instagram.

Dans son manifeste, Yasmina Benslimane identifie les problèmes majeurs rencontrés par les femmes victimes du tremblement de terre au Maroc.

Tout d’abord, le manque d’intimité et de dignité. Les abris temporaires offrent rarement un espace permettant de préserver l’intimité des femmes et des filles. Yasmina Benslimane rappelle que “le manque d’intimité peut causer une grande gêne, notamment pendant les menstruations car les règles sont souvent entourées de tabous.”

Cette attention amène à pointer la limitation de l’accès aux produits menstruels. Yasmina Benslimane insiste sur le fait que “les produits menstruels sont souvent négligés lors des opérations de secours en cas de catastrophe, laissant les filles et les jeunes femmes vulnérables à des problèmes de santé hygiénique.”

Elle dénonce ensuite le risque d’augmentation des violences sexistes et sexuelles. Yasmina Benslimane et ses consœurs de Politics4her alertent notamment sur le contenu de messages, relayés sur les réseaux sociaux, encourageant les hommes à se marier avec les jeunes filles et les jeunes femmes issues de milieux ruraux ayant tout perdu – soi-disant pour les sauver du désastre. Un fait de société déjà courant et que la catastrophe pourrait amplifier : selon les statistiques du ministère de la Justice marocain relayées par l’Unicef, 32.104 demandes de mariage de mineur·es ont été enregistrées en 2018, dont 99 % concernant des filles.

La féministe est catégorique : le mariage n’est pas un acte de charité. Apporter son aide en échange d’un mariage constitue une violence sexiste extrême et pourrait conduire à d’autres violences, notamment sexuelles, à l’égard de ces femmes déjà très démunies. Elle appelle à la vigilance dans les douars (villages) et insiste sur le fait qu’il faut apporter toute l’aide nécessaire à ces femmes pour éviter des situations encore plus dramatiques. Elle souligne aussi que “les femmes et les filles peuvent craindre pour leur sécurité lorsqu’elles cherchent à accéder aux services essentiels.”

La militante pointe également les difficultés d’accès aux services de santé. Le séisme perturbe souvent l’accès aux services de santé reproductive, ce qui peut avoir des conséquences graves. “Les soins maternels et la santé sexuelle et reproductive doivent rester une priorité”, affirme Yasmina Benslimane. En effet des femmes enceintes se retrouvent dans des situations critiques, dangereuses pour leur santé et celle de leur bébé et manquent d’assistance. Ce fut également le cas après le tremblement de terre de 2015 au Népal.

Enfin, Yasmina Benslimane évoque le stress psychologique. Le traumatisme associé à la survie d’une catastrophe, combiné au manque de soutien approprié, peut affecter profondément la santé mentale des femmes et des filles.

Les femmes au cœur de la réponse

Yasmina Benslimane appelle à l’action en proposant des recommandations politiques essentielles pour prendre en compte les besoins spécifiques des femmes et des filles lors des opérations de secours en cas de catastrophe. Elle exhorte à “garantir l’accès aux soins de santé sexuelle et reproductive, à promouvoir des options d’hébergement sensibles au genre, à soutenir les survivantes de violences sexistes, et à créer des services de soutien psychosocial adaptés.”

La militante féministe conclut en soulignant l’importance de la représentation et du leadership des femmes et des filles dans les décisions liées à la réponse aux catastrophes, mais aussi dans la gestion des risques en amont. Elle insiste enfin sur le rôle des médias et de la société civile dans la sensibilisation du public à ces questions cruciales.

Je veux aider. Comment faire ?

Si vous souhaitez contribuer à l’effort visant à soutenir les femmes sinistrées au Maroc, voici 4 façons d’apporter votre aide :

1. Faire un don financier. Les dons financiers sont essentiels pour fournir une aide immédiate aux femmes et aux filles dans le besoin. Vous pouvez faire un don en ligne à des organisations humanitaires reconnues telles que:

2. Participer à une collecte

  • Produits menstruels. Les produits menstruels, tels que les serviettes hygiéniques, les culottes menstruelles et les coupes menstruelles, sont en forte demande.
  • Couches pour bébé et pour adultes. Les personnes âgées et les bébés sont également oublié·es dans cette catastrophe naturelle.
  • Lait en poudre pour bébé. Les mamans ont besoin de lait pour les nourrissons et enfants en bas âge.
  • Produits d’hygiène et tente de douche. Shampoing, savon et système de tente pour douche en plein air permettront aux femmes de se laver dans l’intimité.
  • Vêtements et matériel de camping. Les vêtements chauds, les couvertures, les lampes torches et les fournitures de base sont nécessaires pour aider les femmes et les familles touchées par le séisme.

Points de collecte à Bruxelles (liste non exhaustive) :

  • Anderlecht : n° 8, digue du Canal, dès 10h.
  • Saint-Josse : salle Sapiens, 1b rue Mérinos, de 9h à 18h, du lundi au samedi.
  • Koekelberg : 62 rue Schmitz, tous les jours, de 9h30 à 18h.

Points de collecte en Wallonie (liste non exhaustive) :

  • Tournai, 15 rue de la Borgnette, Ponte de Maire, à partir de 10h.
  • Mouscron, bureau de la députée  Fatima Ahallouch, 12 rue du Val, du lundi au vendredi de 9h à 12h.
  • Liège: rue de la Tonne (entrée par le site du Football Club Liégeois), de 10 à 17h.

3. Être bénévole. Si vous avez des compétences médicales, psychosociales ou d’autres compétences pertinentes, vous pouvez envisager de vous porter volontaire auprès d’organisations humanitaires travaillant sur le terrain pour aider les femmes sinistrées. Vous pouvez également vous rendre dans les centres de collectes pour trier les dons.

4. Partager des informations fiables. Partagez cet article et les informations sur la situation des femmes sinistrées au Maroc pour sensibiliser davantage de personnes à cette cause. Veillez à partager des informations émanant de sources fiables.

Un centre de crise a été mis à disposition des Belges et de leurs proches sur place avec un numéro d’appel d’urgence pour assistance : +32 2 501 40 00.

En contribuant de quelque manière que ce soit, vous pouvez aider à améliorer la vie des femmes et des filles qui ont été touchées par cette catastrophe dévastatrice au Maroc.