À Auvelais, des femmes détricotent le racisme

Par N°251 / p. WEB • Mars-avril 2023

Ce mardi 21 mars, c’est la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale. Vendredi dernier, en prévision de cette journée, axelle a rencontré un groupe de femmes d’Auvelais qui participait à l’activité proposée par Ibtissem Jebri, animatrice en éducation permanente féministe à Vie Féminine Namur. axelle s’est glissée parmi elles. Du partage d’expériences du racisme à la création collective de slogans engagés, un petit pas de plus pour déraciner ce système de domination tellement ancré.

© Zoé Penelle, pour axelle magazine

Vendredi 17 mars, en préparation de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale du 21 mars, le mouvement d’éducation permanente féministe Vie Féminine a organisé une animation dans son antenne d’Auvelais, en région namuroise. Qu’elles soient membres actives ou de passage, des femmes de tous horizons s’y retrouvent, militent, s’informent et se soutiennent.

“Vie Féminine, c’est un mouvement d’éducation permanente mais plus particulièrement féministe, donc avec des femmes pour les femmes. On se bat principalement contre trois systèmes de domination : le racisme, le sexisme et le capitalisme, explique Ibtissem Jebri. En tant qu’animatrice en éducation permanente féministe, mon rôle est de permettre aux femmes d’analyser les dysfonctionnements de notre société, et plus particulièrement les systèmes de domination à travers notre grille de lecture pour qu’elles puissent elles-mêmes déconstruire tout ce qui est acquis et ancré dans la société, entre autres en termes de racisme. On veut faire en sorte de pouvoir lutter toutes ensemble, avec des femmes issues de différentes cultures. À partir d’un petit groupe, essayer d’agrandir, et de viser un collectif plus large.”

Ibtissem Jebri © Zoé Penelle, pour axelle magazine

 

 Déconstruire ce qui est ancré

À Auvelais, une dizaine de femmes se sont réunies pour participer à l’animation. Ukrainiennes, Tchétchènes ou encore Cambodgiennes, toutes sont d’origine différente et certaines ne parlent pas bien le français. “Pour cette animation, je suis allée à la rencontre de femmes d’origine étrangère justement pour qu’il y ait cet échange, confie Ibtissem. Le but, c’est d’accueillir un public féminin de diverses cultures. Au lieu d’être éloignées les unes des autres, l’objectif, c’est de nous nourrir de ces différences culturelles qui sont une richesse.”

© Zoé Penelle, pour axelle magazine

Malgré la barrière de la langue, chacune se livre sur ses expériences, son passé, et tente de le communiquer aux autres. Donia raconte : “Étant plus jeune, c’était des insultes. À l’heure actuelle, on me dit encore : “Retourne dans ton pays !” Les gens cataloguent au physique ou à la couleur de peau…” Mariya [prénom d’emprunt], quant à elle, témoigne : “Ma fille subit de la discrimination à l’école, on lui dit de retourner en Ukraine…”

De la discrimination raciale aux actes de haine et d’agression en passant par le harcèlement sur les réseaux sociaux, le racisme prend de nombreuses formes. En Belgique, en 2021, sur les 1.594 délits de discrimination (racisme et xénophobie, sur la base du sexe, de l’orientation sexuelle, du handicap, des croyances ou de la philosophie de vie) répertoriés par la police, 1.055 d’entre eux avaient pour motif le racisme ou la xénophobie. En 2022, 35 % des dossiers ouverts par Unia, le Centre interfédéral pour l’égalité des chances, relevaient des critères “raciaux” (l’origine nationale ou ethnique, la couleur de peau, la nationalité, l’ascendance ainsi que la prétendue “race”). Une augmentation de 3 % depuis 2021…

José, la doyenne du groupe – n’étant pas directement concernée par le racisme – s’intéresse et pose des questions aux femmes autour d’elle. Elle nous racontera ensuite la raison de sa présence. “Vie Féminine, c’est vraiment une famille. Quand il y a un problème, on en discute ensemble et on voit ce qui peut convenir à la personne. […] Nous devons être solidaires. Et… ça me fait beaucoup de bien de pouvoir venir soutenir et aider les autres.”

© Zoé Penelle, pour axelle magazine

S’ensuit le début de l’animation. Ibtissem distribue des photos sur les tables et répartit les femmes en deux groupes. Elles ont alors pour mission d’attribuer des étiquettes portant des noms, des nationalités ou encore des métiers aux personnalités sur les photos qui se trouvent devant elles. Au fur et à mesure, les interactions deviennent spontanées et de l’entraide se crée entre les membres des sous-groupes. “D’habitude, à part m’occuper des enfants, être à la maison… je ne fais jamais rien. Ça fait du bien de sortir et de pouvoir parler avec d’autres femmes, d’autres personnes”, exprime Donia.

À l’issue de l’exercice, la surprise se fait ressentir. Le métier de la femme représentée sur une photo en robe de soirée n’était pas celui de mannequin mais bien celui de joueuse de football. L’homme à la grosse barbe n’était ni boucher ni boulanger mais artiste. La femme portant un foulard n’était finalement pas imame, mais danseuse classique.

“Pourquoi on fait ce genre d’exercice ?, analyse Ibtissem. Parce que quand on ne connaît pas la personne en face de nous, on fait appel à des idées préconçues, simplistes, réductrices et basées sur les apparences qu’on appelle les préjugés ou les stéréotypes. On se réfère à ce que l’on voit à la télé, à ce que l’on entend à la radio, à ce que l’on nous raconte. On ne connaît pas la personne mais on va tout de suite la juger et lui attribuer une identité erronée.” Elle explique ensuite à quel point il est important d’essayer de déconstruire les préjugés et stéréotypes qui nous ont été inculqués.

Utiliser les mots à bon escient

Ibtissem confie à axelle combien il est difficile de sortir de ce système de domination qu’est le racisme. “Je crois qu’il n’y a pas de formule magique, il faut lutter, lutter et lutter. La solution c’est de sensibiliser, de combattre et de ne pas perdre haleine. C’est un combat continu.”

L’animation de l’après-midi est consacrée à la création de slogans, une façon d’affronter le racisme activement et collectivement. “À quoi sert le racisme ?”, “Non à la haine, oui à la diversité”, “Ça commence par une blague, ça finit par un génocide.” De nombreuses idées fusent.

© Zoé Penelle, pour axelle magazine

Entre feutres, peintures et collages, toutes mettent la main à la pâte pour créer leur pancarte. Elles sont affichées sur les vitrines des antennes de Vie Féminine à Auvelais, Namur ou encore Couvin, ce 21 mars, à l’occasion de la Journée internationale de lutte contre le racisme. Cette journée a été également l’occasion de se rencontrer lors d’une matinée portes ouvertes à Auvelais afin d’accueillir un maximum de femmes de cultures et d’expériences différentes. Pour, petit à petit, ensemble, déraciner ce racisme qui fait tant de dégâts.