Élections : on a lu le programme des Engagés avec des lunettes de genre

Par N°257 / p. Web • Mars-avril 2024

Un programme où la question de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations occupent une large place, avec une approche transversale et des mesures en faveur des femmes et des plus vulnérables, notamment en matière de santé. Mais une vision de société qui place l’emploi et la compétitivité au cœur de ses priorités, parfois au mépris des solidarités.

© Odile Brée pour axelle magazine

Cet article fait partie d’une série de six articles consacrés aux programmes politiques des partis suivants côté francophone du pays, que nous publierons jour après jour du 23 au 30 avril (par ordre alphabétique) : DéFI, Ecolo, Les Engagés, le MR, le PS et le PTB.

“On n’est pas dans du saupoudrage, les femmes ont bel et bien leur place dans le programme des Engagés et dans plusieurs chapitres”, commente d’emblée Soizic Dubot, coordinatrice nationale à Vie Féminine, après lecture d’un programme dense et fourni. Dans sa bible de 703 pages, le parti centriste déploie ses ambitions et mesures pour construire “une société plus juste, plus libre et plus humaine” et celle-ci passera pour le parti par une série de mesures pour parvenir à l’égalité des genres (dont l’égalité entre les différentes identités sexuelles et la lutte contre toute discrimination à l’égard des LGBTQIA+). Un chapitre entier d’une vingtaine de pages (une bonne moyenne sur l’ensemble) lui est consacré.

Les mesures concernant les femmes, dispersées presque dans chaque chapitre du programme, s’articulent autour de ces objectifs principaux : réduire les stéréotypes de genre, mieux représenter, soutenir et tenir compte des femmes dans tous les domaines de la société.

Le socioéconomique

En matière socioéconomique, Les Engagés (comme tous les autres partis du sud du pays sauf le MR) s’engagent pour la suppression du statut de cohabitant·e, revendication féministe de longue date. Sans parler spécifiquement des femmes, Les Engagés indiquent que l’individualisation des droits “concerne les familles monoparentales, les pensionnés, les personnes isolées en priorité”. Le parti se montre donc favorable à sa suppression à condition toutefois de “prendre en compte des pièges à l’emploi” : un argument maintes fois démonté par les syndicats, mouvements féministes et organisations sociales qui soulignent plutôt que le statut de cohabitant·e est un piège à l’autonomie financière, des femmes notamment. À condition aussi, pour le parti, de réfléchir au financement (la Cour des comptes a estimé à 1,9 milliard d’euros le coût de la mesure).

“Sur les pensions, Les Engagés veulent prendre en compte les périodes assimilées, les temps partiels et autres périodes qui nuisent au calcul des pensions des femmes”, relève Soizic Dubot. Les Engagés soulignent aussi leur volonté “d’étendre ces assimilations notamment aux périodes reconnues d’aidant proche”.

Ils ne sont en revanche pas pour un retour à un âge légal de la pension à 65 ans, “parce qu’il n’y a aucune majorité politique pour le faire et la soutenabilité financière de la sécurité sociale, et plus particulièrement du système de pension, est réellement en péril et ne permet pas cette mesure”, expliquent-ils dans une analyse des programmes publiée par le MOC. “Il est proposé de pouvoir permettre à ceux qui le “voudraient” de pouvoir travailler plus longtemps – nous pouvons imaginer l’impact sur les plus précaires – ainsi que de permettre le bénévolat – ce qui pose des questions sur la création d’emplois pérennes”, repère Juliette Léonard, chargée d’étude au Collectif contre les Violences Familales et l’Exclusion (CVFE), au sujet des pensions.

Au menu socioéco toujours, on soulignera aussi les propositions d’extension de la gratuité scolaire, le relèvement du montant des allocations sociales lorsqu’il est en dessous du seuil de pauvreté, la revalorisation du revenu d’intégration sociale (RIS) et du montant des allocations des personnes handicapées.

Autre mesure importante pour les femmes, “l’optimisation du fonctionnement du service des créances alimentaires” (SECAL), en renforçant et étendant les missions du SECAL pour lutter contre la précarité des familles monoparentales. Tout comme la nécessité de campagne d’information de ce service afin de “lutter contre le phénomène du non-recours”.

Dans cette même optique de lutte contre le non-recours (sujet de préoccupation des femmes du mouvement Vie Féminine). Les Engagés proposent aussi “une automatisation des droits et services auxquels les parents solos ont droit (réduire les factures énergétiques, télécoms, transports, bourses d’études, aides juridiques…)”.

Pour répondre au non-recours également, Les Engagés défendent “une alternative non numérique pour accéder à l’administration afin de garantir l’accès aux services publics pour chacun”, proposition qui a par ailleurs déjà fait l’objet d’une proposition de loi déposée par Vanessa Matz au Parlement fédéral.

Il y a un “mais”

Mais n’applaudissons pas si vite ces “mesures sociales”. Comme le souligne Juliette Léonard, du CVFE, “ces propositions concernant la sécurité financière des femmes nous semblent difficilement conciliables avec leur volonté de réduire les cotisations pour la sécurité sociale et leur rapport ambigu aux chômeurs/euses : malgré une reconnaissance de leurs difficultés, le parti souhaite, par exemple, limiter dans le temps la durée des allocations (à condition qu’elle soit articulée avec un droit à l’emploi et à la formation, stipule le programme), ce qui revient à s’en prendre à l’un des piliers de la sécurité sociale.”

Juliette Léonard rappelle également que dès les premières pages de son programme, le parti souligne que (nous citons le programme directement) “la sécurité sociale est structurellement en déséquilibre. La hauteur des cotisations sociales, bien qu’indispensables au financement actuel de notre sécurité sociale, nuit à la compétitivité des entreprises et à la création d’emplois.”
La CNE rappelle dans son analyse des programmes qu’”en 2012, le gouvernement PS-MR-CDH [aujourd’hui Les Engagés, ndlr] a renforcé la dégressivité des allocations de chômage et restreint l’accès aux allocations d’insertion entraînant l’exclusion de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs au chômage”. Et de travailleuses, ajoutons-nous.

À plusieurs reprises dans leur programme, Les Engagés penchent vers une société de l’effort, plus que de la solidarité et de la redistribution, par exemple quand ils évoquent “l’octroi d’un “bonus bosseur” de 450 euros net pour récompenser l’effort et créer un vrai différentiel avec le chômage et les allocations, même pour les bas salaires et les temps partiels.”

Juliette Léonard relève aussi d’autres propositions comme la remise en question des cotisations patronales ou le souhait du parti de garantir le financement des pensions et de la Sécurité sociale via le financement alternatif (compensation des réductions de cotisations patronales, accises, taxes carbones, etc.) : “Ce qui, à nouveau, appauvrirait la sécurité sociale au profit des patrons”, commente-t-elle.

Tout comme la volonté de limiter l’indexation des hauts salaires et de réduire les cotisations sociales quand l’indexation dépasse 4 %. Si le programme ne se prononce pas sur les “flexi-jobs” – passés au crible de la critique par Ecolo, le PS et le PTB – la CNE relève que Les Engagés “veulent autoriser les heures supplémentaires chez les enseignants et les défiscaliser”. Une façon à nouveau assez individualiste de “revaloriser une profession”, comme ils s’engagent pourtant également à le faire. Et une mesure qui semble davantage aller vers un affaiblissement plus qu’un soutien du service public.

Évoquons aussi, en matière d’emploi, l’ambition des Engagés de mettre en place “une politique d’activation ferme, rigoureuse et intelligente qui passe par une réforme de l’accompagnement, de la formation et du contrôle du Forem et d’Actiris.” Ici, pas d’analyse de genre ou d’approche intersectionnelle qui permettrait pourtant de mettre en avant les dégâts de ces politiques d’activation sur la vie des femmes et des hommes. Les Engagés le disent et le répètent : “Pour arriver à un taux d’emploi de 80  % en 2030 comme l’a promis le gouvernement De Croo, il faut agir sur tous les facteurs : fiscalité, lutte contre les pièges à l’emploi, maintien des travailleurs âgés au travail, intégration des publics éloignés de l’emploi, lutte contre les causes des absences de longue durée…”

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Détails qui n’en sont pas

Le diable se niche parfois dans les détails. Parfois même, des mesures présentées comme égalitaires débouchent aussi sur la division et la concurrence entre demandeurs/euses d’emploi et travailleurs/euses. Exemple : le parti centriste veut “donner la possibilité pour les demandeurs d’emploi d’avoir un accès à un milieu d’accueil pour leur enfant lors de leurs démarches de recherche d’emploi ou de formation, notamment via le système de halte-garderie”. Pour y arriver, il suggère de “revoir l’actuel mécanisme des places prioritaires “temps plein” pour les demandeurs d’emploi afin de libérer des places pour les parents qui travaillent.”

“Comme le MR, bien que ce ne soit pas aussi structurant au sein de leur programme, Les Engagés actent une distinction entre “ceux qui travaillent” qu’il faudrait récompenser et ceux qui ne “travaillent pas”, sans mentionner la montagne de travail domestique effectué par les femmes”, commente Juliette Léonard.

Même piège quand le parti évoque les titres-services. Ce système, rarement remis en question “au nom de l’”emploi”” est critiqué de longue date par le mouvement Vie Féminine qui pointe plusieurs problèmes. D’abord, le coût du système pour l’État, qui préfère soutenir des dispositifs privés plutôt que d’investir dans des services collectifs où chaque personne paierait selon ses revenus. Et puis le statut précaire des aides-ménagères, souvent en temps partiel et faiblement rémunérées, avec très peu de possibilités d’évolution de carrière. Un système qui d’après Vie Féminine “naturalise les compétences des femmes, poussées vers ces emplois considérés comme “convenables” soit par manque de qualifications, soit encore parce que leurs diplômes, acquis à l’étranger, ne sont pas reconnus en Belgique”. Et enfin, un système qui conforterait les femmes dans leur rôle traditionnel de ménagère au détriment d’un meilleur partage des tâches domestiques.

Qu’en pensent Les Engagés ? Ils veulent “étendre le régime des titres-services à d’autres activités (jardinage, réparations domestiques) afin de favoriser l’égalité d’accès entre les hommes et les femmes”… Vu comme ça, cela nous semble être davantage favoriser l’égalité d’accès à la précarité.

La conciliation vie privée/vie professionnelle, priorité de l’égalité des genres

Les Engagés souhaitent créer plus de places en crèche – publique ou privé, ce n’est pas précisé. Ils défendent un allongement du congé de paternité pour l’aligner sur celui de maternité afin d’impliquer les deux parents, l’adaptation des rythmes scolaires à la réalité des familles, l’aboutissement de la réforme de l’Accueil temps libre (qui concerne les écoles de devoirs, centres de vacances et accueil extra-scolaire)… Ces mesures visent pour le parti à assurer une meilleure répartition de la charge domestique et de la charge mentale (citée dans le programme) entre les femmes et les hommes mais aussi permettre que la maternité ne soit plus un obstacle à l’emploi pour les femmes.

Les Engagés ne sont par contre pas favorables à la réduction collective du temps de travail à 32h/semaine sans perte de salaire. Les Engagés veulent la semaine de 4 jours sans réduction du temps de travail (ce qui correspond au “Jobs Deal” voté sous cette législature). Ils proposent même de “permettre aux parents qui le souhaitent de pratiquer un horaire “accordéon” : 31h de travail hebdomadaire une semaine sur deux et 45h les autres semaines, par exemple”… Là, on se demande comment cette mesure bénéficiera à une meilleure répartition du travail de care entre les femmes et les hommes… Les Engagés ont-ils oublié dans cet horaire la notion de double journée des femmes évoquée par ailleurs à d’autres pages ? Les femmes ne seront-elles pas dans ces vies en “accordéon” encore plus pressées comme des citrons ?

La famille, les familles

La famille tient une grande place dans l’histoire de ce parti et dans ce programme. Mais on remarquera l’ouverture à la pluralité des familles : “Elles sont nucléaires, monoparentales, recomposées, séparées. En Belgique 10  % des familles sont monoparentales et en Wallonie ce chiffre monte à 12  %. 83  % d’entre elles ont à leur tête une femme. Plus de 15  % des familles sont recomposées. D’un couple parental exclusivement hétérosexuel, nous sommes passés à d’autres types de parentalités possibles : homoparentalité, parentalité sociale, monoparentalité…”

Trois mesures importantes à ce sujet. D’abord, la création d’un statut “famille monoparentale” : un statut, qui sera reconnu dans une série de domaines comme c’est le cas pour les ”familles nombreuses”. Ensuite, “permettre aux ménages dès 2 enfants de bénéficier des avantages des familles nombreuses, au lieu de 3, y compris pour les familles recomposées”. Enfin, la volonté de mettre fin à la discrimination envers les familles homoparentales et monoparentales dans le processus d’adoption.

Santé et care

La santé occupe une grande place dans le programme des Engagés. Une santé qui tient compte des inégalités. Le parti veut mettre en œuvre une norme de croissance des soins de santé de 3,5  %.  Elle est de 2,5 aujourd’hui.

Les Engagés ont écouté les associations féministes, on le voit à travers plusieurs mesures. Le parti souhaite ainsi, à l’instar des trois partis de gauche, élargir le remboursement à tous les contraceptifs pour toutes les femmes de tous les âges et rendre la pilule du lendemain gratuite. Pas de mention de l’accès à la stérilisation des femmes en âge de procréer. En revanche, le programme invite à mener “des campagnes de sensibilisation en faveur de la vasectomie”.

Il affiche aussi son souhait d’“améliorer la sensibilisation, la prévention et la recherche sur les maladies ou évolutions spécifiquement féminines, comme l’endométriose, le cancer du sein et de l’ovaire, la ménopause, les problèmes cardiaques.” Les violences obstétricales ne sont pas oubliées, avec mention qu’elles sont accrues “pour les femmes de couleur”. Les Engagés consacrent aussi plusieurs paragraphes à la santé physique et mentale des femmes qui viennent d’accoucher. “Le parti propose de créer un Observatoire de la naissance, d’informer les femmes sur leurs droits (avec une attention particulière pour les femmes ne parlant pas la langue régionale ou en grande situation de précarité)”, relève Juliette Léonard.

Le programme appelle aussi à “améliorer l’offre de soins pour les personnes LGBTQIA+ comme le remboursement des soins gynécologiques et andrologiques pour les personnes trans”.

Sur l’EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle), le parti montre son soutien mais précise qu’il faudra “confier à une équipe composée notamment de pédopsychiatres le soin de reparcourir le Guide EVRAS pour qu’il soit plus neutre idéologiquement et plus respectueux de l’âge des élèves afin d’offrir l’outil le plus adéquat au corps professoral et autres intervenants”.

Autre sujet crucial au chapitre santé : l’avortement. Les Engagés posent l’avortement comme “un droit essentiel qu’il convient de défendre, à l’heure où l’on constate ailleurs dans le monde des reculs inquiétants de ce droit voire des remises en cause totales de celui-ci.” Le parti n’hésite pas à citer les “relents conservateurs” de la Hongrie ou de la Pologne quelques centaines de pages plus loin. Les Engagés veulent dépénaliser intégralement l’avortement pour les femmes, et l’inscrire dans la Constitution. Le parti souhaite améliorer l’encadrement psychologique et médical des familles qui ont recours à l’IVG. Quant au délai de réflexion, il souhaite le réduire et non le supprimer, comme le demande la plateforme pour le droit à l’avortement.

“Nous sentons quelques réticences dans des propositions telles que “Allonger raisonnablement, notamment à la lumière de considérations médicales susceptibles d’impacter la femme et ses futures grossesses éventuelles, le délai endéans lequel un avortement peut se pratiquer hors de tout motif de santé” ou “Offrir, sur cette question et les autres de nature bioéthique, la liberté de vote à nos parlementaires dès lors que ces enjeux touchent aussi à l’intime du parcours de vie de chacun”, pointe également Juliette Léonard.

Le parti souligne aussi sans nuances que “quelles qu’en soient les circonstances, un avortement est toujours un moment vécu comme une douleur profonde pour chacune des femmes qui y a recours, à n’importe quel stade de la grossesse”. Ce qui nous semble essentialiser l’expérience multiple des femmes.

Plus globalement, Les Engagés proposent plusieurs mesures qui vont dans le sens d’une société du care : revalorisation des métiers du care comme les puériculteurs/trices, développement d’infrastructures et de mesures économiques en faveur de l’autonomie des aîné·es, des personnes handicapées, des familles monoparentales, etc.

Violences intrafamiliales et contre les femmes

Les Engagés placent “les violences intrafamiliales, contre les femmes et les mineurs en général” parmi les menaces principales, au côté de la criminalité organisée au sens large dont le trafic de drogue et la criminalité économique et financière organisée, l’extrémisme et le terrorisme violents, et le cybercrime.

Les Engagés s’inspirent et demandent le respect de la Convention d’Istanbul, se montrent favorables au développement des CPVS, les Centres de prise en charge des violences sexuelles (et ainsi “permettre de déposer la plainte à l’hôpital afin d’encourager la dénonciation des faits”), réclament plus de places en hébergement pour les victimes de violences, des places prioritaires dans le logement social, un statut de résidence autonome pour les femmes migrantes en cas de violences de genre, la formation des professionnel·les pour une meilleure prise en charge des victime, etc. Le parti souhaite aussi soutenir des Centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales pour prévoir un suivi des auteurs (travail de l’asbl Praxis, en Belgique).

Le parti déplore qu’actuellement, lorsque les enfants sont en grande souffrance, les concepts “d’alinéation parentale dans le chef de la mère” ou de “gros problème de conflit parental” sont trop rapidement mis en avant par ces services à tort (sujet maintes fois traité dans nos pages). Il veut “permettre la suspension temporaire du droit de garde des enfants à l’égard de l’auteur poursuivi pour violences à l’égard de la mère des enfants”.

Il souhaite aussi “à l’entame de la prochaine législature, la mise sur pied d’une commission parlementaire spéciale qui formule des recommandations à mettre en œuvre rapidement pour assurer une meilleure prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles dans la logique des 3P : Prévention, Poursuite, Protection”.

Diversité

Les Engagés manifestent leur volonté de “réussir la cohésion interculturelle” pour “faire société ensemble”. Ils ne veulent ni du “communautarisme”, ni de “l’assimilation” ni d’une société “simplement multiculturelle”. Cela passe notamment par un “socle de valeurs de base universelles communes, une base d’adhésion collective telle que l’universalité des droits humains et des libertés, dont la liberté de croire comme celle de ne pas croire ; les principes et règles démocratiques, les notions de liberté ; fraternité ; “dignité” […] mais aussi “l’inclusion, la non-discrimination, le respect et la lutte contre le racisme”.”

“Comment concrètement veulent-ils respecter la différence culturelle et convictionnelle dans un cadre commun ?”, se demande Soizic Dubot. Difficile d’y répondre. Parmi les mesures proposées, on trouve des formations à la diversité pour un tas de professions, avec un focus sur la Justice et la police. Mais aussi le “soutien sur le plan culturel et de l’éducation permanente de toutes les initiatives relatives à la mise en place d’un dialogue et d’une mémoire collective coloniale assumée entre les pays concernés”. Ou encore l’inscription dans les programmes scolaires (“dans les limites de la liberté pédagogique de chaque pouvoir organisateur”) des questions relatives à l’esclavage, au passé colonial et aux colonialismes ainsi que de l’histoire des migrations et des phénomènes migratoires passés et contemporains, sans oublier le “devoir de mémoire”. Et toujours sur le passé colonial, “l’objectif affiché d’Exercer un Devoir inclusif collectif de Mémoire coloniale”. C’est-à-dire ?

Les Engagés souhaitent autoriser les signes convictionnels dans l’espace public (tant que ceux-ci ne s’opposent pas, selon eux, à la loi et à la sécurité), mais y sont opposés dans la fonction publique, dans le système scolaire pour les mineur·es et réservent le droit de décider aux établissements de l’enseignement supérieur.

Migrations

Le chapitre “Migrations” compte 9 pages. C’est peu au vu de l’enjeu actuel et futur et du bilan catastrophique du dernier gouvernement sur la question de l’accueil notamment – ou plus exactement du non-accueil. Le parti rappelle que la Belgique – maintes fois condamnée – doit respecter les conventions internationales. Leurs mesures varient entre ouverture et fermeture. Côté” fermeture”, Les Engagés proposent de “s’appuyer davantage sur l’Agence européenne d’asile et l’Agence européenne de protection des frontières (Frontex) pour épauler les autorités nationales sur le terrain”.

Frontex (qui a changé de nom et s’appelle désormais “Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes”) est “le symbole et le bras agissant des politiques européennes de verrouillage des frontières”, dénonçait le Ciré. À l’heure où nous bouclons ces lignes, le gouvernement discute précisément le projet de loi Frontex dont l’objectif est la création d’un contingent permanent du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes afin de soutenir les États membres dans la mise en œuvre de leur politique de retour forcé.

On lira aussi dans ce chapitre des mesures appelant au renforcement de l’immigration choisie ou légale, contre l’enfermement des enfants (mais pas pour la suppression des centres fermés…), pour le renforcement des voies légales de migration en établissant un cadre légal qui tienne compte des personnes vulnérables (femmes, mineur·es non accompagné·es (MENA), victimes de tortures et de traumatismes, etc.). Les Engagés veulent aussi “favoriser une politique de retour proactive”.

Mention aussi du Pacte sur la migration et l’asile qui “devrait avoir pour objectif de mieux gérer les flux migratoires au sein de l’Union européenne ainsi que les demandes d’asile”, selon Les Engagés. Cet accord, qui vient d’être voté, a été dénoncé par une frange importante de la société civile comme “s’inscrivant dans la continuité d’une décennie de politiques qui ont conduit à la prolifération des violations des droits en Europe”.

Sur la régularisation enfin, Les Engagés défendent le “cas par cas” : “Envisager une nouvelle campagne de régularisation, qui ne soit pas aveugle et massive, mais sur base de critères légaux et objectifs, au cas par cas, afin de répondre tant à nos obligations sociales et humanitaires que pour procurer la main-d’œuvre attendue dans les métiers en pénurie”.

Régulariser “au cas par cas”, ne pas fermer les frontières mais “ne pas accueillir tout le monde”. Des allocations, mais pas trop longtemps. De la “cohésion interculturelle” dans une société universelle… Le programme des Engagés penche d’un côté puis de l’autre – ce qui peut parfois donner le mal de mer – et on se demande surtout ce qu’il en sera dans sa mise en œuvre. Sur le plan socioéconomique, le cap des Engagés est plus clair. Il n’exclut pas des mesures de solidarité, mais semble souvent vite rattrapé par la compétitivité qui, on le sait, ne rime pas toujours avec l’égalité.

Le dire, c'est bien ; le faire, c'est mieux

Les Engagés… ne semblent pas tellement l’être concernant la parité des candidat·es sur leurs listes électorales. Le mouvement des ex-CDH se situe en 5e place sur 6 de notre classement des partis francophones avec seulement 21 % de femmes en tête de listes. Ce n’est ni dans les listes de la Région bruxelloise, ni dans celle pour le Parlement européen que vous trouverez la plupart des candidates. Elles ne sont que 4 à la tête de leurs listes face à 15 hommes.

Pour la Chambre des représentant·es, Elisabeth Degryse mènera la liste bruxelloise ainsi que la députée fédérale et membre de la Commission de Justice, Vanessa Matz sur la liste de la ville de Liège. Côté Région wallonne, c’est Marie Jacqmin qui sera numéro 1 de la liste Huy-Waremme, et la députée wallonne Mathilde Vandorpe pour Tournai-Ath-Mouscron. (Ena Billenne)