Élections : on a lu le programme du MR avec des lunettes de genre

Par N°257 / p. Web • Mars-avril 2024

Les libéraux prônent l’égalité entre les femmes et les hommes, qui passera pour le Mouvement réformateur par des mesures en matière de soutien à l’entreprenariat des femmes, aux familles monoparentales, de sensibilisation aux stéréotypes de genre, de lutte contre les discriminations à l’embauche ou encore de lutte contre les violences faites aux femmes et le harcèlement de rue. Mais le parti s’adresse-t-il à toutes les femmes, comme il prétend le faire ? Difficile à défendre vu la ligne globale du programme qui se montre plus attaché à l’effort individuel qu’à la redistribution, à la sécurité qu’au soin partagé. Un projet de société qui risque d’en laisser plus d’un·e sur le bord du chemin.

© Odile Brée pour axelle magazine

Cet article fait partie d’une série de six articles consacrés aux programmes politiques des partis suivants côté francophone du pays, que nous publierons jour après jour du 23 au 30 avril (par ordre alphabétique) : DéFI, Ecolo, Les Engagés, le MR, le PS et le PTB.

Globalement, le MR évoque très peu les femmes dans son programme écrit presque exclusivement au masculin (le MR est contre l’écriture inclusive, lire plus bas) et ne consacre pas de chapitre spécifique à l’égalité, à l’inverse des Engagés par exemple. Il s’en explique page 273 (sur un programme de 300 pages) : “Pour le MR, l’enjeu de l’égalité entre les femmes et les hommes ne peut se résumer en un seul chapitre isolé, tant il est transversal. Le parti s’engage donc dans le cadre de la prochaine législature, à poursuivre son action pour renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’ensemble des politiques publiques”.

Comme nous le précise Clémentine Barzin, députée bruxelloise MR, vice-présidente de la Commission des affaires économiques et de l’emploi du Parlement bruxellois et membre de la Commission de l’égalité des chances et de l’égalité entre les femmes et les hommes rencontrée pour cet article, le parti veut “s’adresser à toutes les femmes, sans aucune exclusive, et se penche sur toutes les problématiques qui touchent de près ou de loin à la question des droits et des libertés des femmes”. Certaines mesures nous en font pourtant douter.

Des mesures de solidarité peu développées

Une grande partie des mesures concernant les femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes se trouve dans l’axe “Faire Société” composé de 5 entrées : “La neutralité de l’État, garante de l’égalité et de la liberté”, “Une solidarité sans faille”, “Une place pour chacun”, “Une lutte efficace contre toutes les discriminations” et “Un accès au sport, à la culture et aux médias”.

Le parti veut notamment lutter contre le plafond de verre, les stéréotypes sexistes dans l’enseignement, les formations ou le sport. Il pointe aussi comme leviers d’égalité l’augmentation des places d’accueil en crèche (comme tous les partis, mais en précisant que la priorité doit être donnée aux parents qui travaillent) ou encore un soutien à la petite enfance et des mesures sociales de soutien aux familles monoparentales, on y reviendra.

Le sous-chapitre portant sur la solidarité évoque plusieurs questions fondamentales d’un point de vue de la justice sociale, sans vraiment les développer. “Ce chapitre rassemble en quelque sorte toutes les personnes perçues comme “vulnérables”, “à la marge”, qui sortent des cases de la société promue par le MR, à savoir celle des “travailleurs” qui auraient “plus de pouvoir d’achat” dans une “économie redynamisée” (titre de l’axe 1), celle des “défis économiques, climatiques et énergétiques relevés avec optimisme et réalisme” (axe 2), d’un “État exemplaire, efficace et qui protège” (axe 3) et d’un “Enseignement de qualité qui permet l’émancipation” (axe 4)”, observe Vie Féminine dans sa récente analyse “La place des femmes dans les programmes des partis”, dont axelle a publié les bonnes feuilles.

Par exemple, pour lutter contre le surendettement, le parti propose de “renforcer l’information des consommateurs et de développer un programme national pour sensibiliser le plus tôt possible les jeunes à la gestion de leur budget”. Le MR évoque aussi le SECAL en défendant plus de communication sur ce service, et des mesures de simplification administrative en vue de favoriser son recours. Ce chapitre “solidarité” défend aussi des mesures de soutien aux aidants proches, un renforcement de l’offre de lieux de vie pour les personnes porteuses de handicap. Il défend un meilleur accueil et bien-être des aîné·es dans les maisons de repos tout en “soutenant les initiatives privées” sans jamais interroger par contre les conséquences dramatiques sur les personnes âgées et le personnel de la mainmise du privé sur ce secteur, ce que nous avons déjà analysé dans nos pages.

Saluons au menu de ce chapitre solidarité : la lutte contre le sans-abrisme, avec une attention aux femmes et un soutien au programme Housing First (programme d’insertion sociale par le logement), la défense de places d’hébergement dédiées aux victimes de violences conjugales ou intrafamiliales et l’attention portée aux jeunes en errance avec mention des “nombreuses personnes LGBTQI+ qui se retrouvent également dans la rue parce que leur milieu familial les rejette, parce qu’elles subissent des discriminations en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre”.

“L’emploi est la meilleure protection sociale”

C’est le leitmotiv du parti et le fil rouge de tout le programme ; toutes les propositions socioéconomiques ou presque y sont arrimées. “Atteindre un taux d’emploi de 80 % permettrait à la fois de lutter contre la pauvreté, de renforcer la solidarité tout en rendant notre économie plus solide”, défend le Mouvement réformateur pour qui il faut “valoriser l’envie de faire, l’esprit d’entreprendre, mieux récompenser l’effort et le travail qui offrent du sens à la vie là où l’assistanat enferme pour que demain cohésion sociale, bien-être et solidarité soient assurés”.

La division entre personnes qui travaillent et personnes qui ne travaillent pas (sans jamais relever le travail reproductif gratuit et invisible des femmes) – et la prépondérance de la valeur du “mérite” sur l’égalité et la solidarité – est claire dans le programme. Plusieurs mesures l’illustrent. Le MR se prononce ainsi pour la limitation des allocations de chômage à 2 ans maximum (sauf pour les plus de 55 ans). Fidèle à son intention de récompenser le travail (et sanctionner les personnes qui ne travaillent pas), le MR veut une augmentation du différentiel entre les revenus du travail et les revenus d’allocations sociales (au moins 500 euros net par mois).

Pour booster l’emploi, le MR affiche une politique d’activation à travers plusieurs mesures, imprégnée de sanctions. Exemple : “Si le bénéficiaire des allocations de chômage a refusé deux emplois convenables ou formations dans un métier en pénurie de niveau équivalent, il perd automatiquement ses allocations de chômage à l’issue des 24 mois”.

Le MR désire aussi “stimuler la performance du secteur de l’activation (Forem, Actiris, CPAS, etc.) en liant de manière systématique le financement à la mise à l’emploi effective”.

On remarquera aussi que les services collectifs et publics sont défendus, si et seulement si, ils permettent de soutenir la mise à l’emploi. Exemple avec les transports en commun. Le Mouvement réformateur “reconnaît l’importance de rendre les transports en commun accessibles (avec une attention pour les zones rurales), mais prône une approche plus ciblée concernant la gratuité ou les réductions tarifaires. Il s’agirait de lier les avantages à des critères spécifiques, tels que le statut d’emploi ou la scolarisation.”

“Service communautaire”

Toujours dans l’objectif de “remise à l’emploi”, le MR propose la mise en place d’un “service communautaire” pour les bénéficiaires du RIS. Une forme de “gratuitisation du travail par l’État”, comme la qualifie  Maud Simonet, autrice de Travail gratuit : la nouvelle exploitation (interviewée dans nos pages) qui, selon ses recherches à New York, pénalise davantage les femmes précaires et racisées.

Le service communautaire avait déjà été mis sur la table du gouvernement fédéral en 2015. Celui-ci projetait de contraindre les chômeurs/euses de longue durée à prester deux demi-journées par semaine de service à la collectivité. L’accord de gouvernement Michel prévoyait même que les Régions – compétentes depuis la sixième réforme de l’État pour l’accompagnement et le contrôle des chômeurs/euses – puissent suspendre les chômeurs/euses qui auraient refusé un service à la collectivité. Le projet a été abandonné. “Plus le service à la collectivité comportera une contribution à la production de biens et de services, plus grand est le risque qu’il se substitue à l’emploi standard”, prévenait l’Ires (Institut de recherches économiques et sociales).

Le MR se penche aussi sur les maladies de longue durée. Un point important pour le parti puisque les malades de longue durée ont franchi la barre du demi-million, et dépassent donc le nombre de demandeurs/euses d’emploi. “On ne peut accepter que l’effet net des politiques publiques actuelles aboutisse à laisser au bord du chemin, éloignés de l’activité et du travail et en marge de la société, ceux qui sont un jour frappés par la maladie”, déplore le parti qui propose davantage de “contrôle, de sanction et de responsabilisation de l’ensemble des acteurs (malade, mutuelle, employeur, médecin).”

On regrettera que rien n’apparaisse ici sur les femmes – ni sur les mères monoparentales –,  alors que la part des femmes dans les malades de longue durée ne cesse d’augmenter. “+ 30,4 en cinq ans contre + 15,87 pour les hommes qui ne peut pas s’expliquer uniquement par l’augmentation du nombre de femmes actives”, rapportait récemment Le Soir. L’article pointe plusieurs causes : l’absence de perspectives professionnelles, liée au fameux “plafond de verre” qui peut augmenter les risques psycho-sociaux, la pénibilité, notamment dans le secteur des titres-services, mais aussi “les lourdes charges familiales” pesant encore toujours davantage sur les épaules des femmes. Ces paramètres n’entrent pas du tout dans l’analyse du MR.

N’y pensions pas

Sur le volet des pensions, le MR souhaite des pensions qui récompensent le travail, une vision qui peut défavoriser les femmes. Le MR défend la suppression progressive de cotisation de solidarité et défend le développement des pensions complémentaires. Il propose aussi “afin de permettre de rétablir l’égalité des droits à la pension, d’ajouter la possibilité, sur base volontaire, de partager les droits à la pension obtenus avec son conjoint ou cohabitant légal. Cette proposition vise à permettre aux couples de choisir une option de partage des droits à la pension. Cela impliquerait que la personne continuant à exercer un temps plein pourrait cotiser pour son conjoint dont le temps de travail a été diminué dans le but de libérer du temps pour la vie de famille. Concrètement, durant la période où cette possibilité est choisie par le couple, les droits acquis par les deux parties sont additionnés et ensuite redistribués de la manière choisie par le couple.”

“Cette proposition nous questionne énormément, souligne Juliette Léonard, chargée d’étude au Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion (CVFE) qui a réalisé une analyse comparative des programmes. Le MR ne mentionne pas ce qu’il se passera en cas de divorce, pour les familles monoparentales, etc. Ce genre de propositions ne nous semblent pas promouvoir l’émancipation des femmes sachant qu’elles ont généralement le salaire le plus bas du couple. Cette proposition va également à l’encontre de l’individualisation des droits revendiquée par les féministes depuis des années.”

À propos de la fin du statut de cohabitant·e d’ailleurs, le MR place cette mesure  en discussion dans le cadre plus large d’une réforme de la sécurité sociale afin d’éviter les pièges à l’emploi.

Petite enfance : titres-services

Pas franchement favorable à une société de soin partagé, on notera toutefois que le MR souligne, comme les autres partis, la nécessité de plus de places en crèche, avec une priorité pour les parents qui travaillent. Pour le parti, afin de garantir l’ouverture de 5.200 places attendues d’ici 2026, “l’attractivité des métiers de la petite enfance doit par conséquent être au cœur des politiques publiques puéricultrices/puériculteurs”.

Toujours en matière de soutien aux femmes, et en particulier aux familles monoparentales, le MR souhaite “mettre en place des services de garde d’enfants abordables et de qualité”. Via… l’extension des titres-services, un secteur féminisé et précaire. Pour le MR, il s’agit d’“améliorer les perspectives d’emploi au sein d’un secteur particulièrement touché par l’absentéisme en raison d’un taux élevé de maladies musculosquelettiques”.

Rien donc sur l’amélioration des conditions de travail dans les titres-services aujourd’hui, en particulier dans le nettoyage. Et absence de prise en compte de la pénibilité physique et psychique des métiers de la petite enfance, métier du care essentiel et pourtant dévalorisé que les titres-services ne viendraient pas améliorer, au contraire.

Plus globalement, le Mouvement réformateur, opposé à la réduction collective du temps de travail, encourage “des pratiques de travail plus flexibles, comme le télétravail ou des horaires ajustables lorsque cela est possible”. Et nous de nous demander surtout : pour qui cela sera-t-il envisageable ? Pas pour les travailleuses du nettoyage que nous venons de citer par exemple…

Femmes entrepreneures en priorité

Les femmes sont plusieurs fois citées au chapitre “Entreprenariat”. Pour le MR, l’entreprenariat des femmes “doit être encouragé car il est un levier de croissance certain pour notre pays”. Comment ? À travers le soutien aux réseaux de femmes entrepreneures, des campagnes de sensibilisation à l’entreprenariat, avec une attention particulières aux métiers STEM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques). Mais aussi la nécessité de “peaufiner et amplifier des mesures telles que le relais managérial, qui permet aux entrepreneures qui donnent naissance à leur enfant de ne pas s’inquiéter de la poursuite temporaire de leurs activités”.

La députée bruxelloise Clémentine Barzin développe : “La question du financement est crucial. Nous souhaitons développer des initiatives qui existent au Royaume-Uni pour soutenir les investisseurs privés à ce qu’ils s’engagent à favoriser le financement des entrepreneures. Nous voulons lever les obstacles que rencontrent les femmes, notamment s’agissant de la confiance des banques”.

À la question de l’accès à l’entreprenariat de toutes les femmes, y compris celles qui disposent de très peu de ressources, Clémentine Barzin répond qu’il faut “accorder encore plus d’attention aux mamans seules avec leur enfant, mais aussi renforcer l’accueil des femmes entrepreneures, en termes de formations notamment”.  Et d’ajouter l’argument de l’augmentation du différentiel (citée ci-dessus) pour soutenir “ces femmes volontaires”.

Santé : les femmes, des hommes comme les autres ?

La santé des femmes est très peu prise en compte dans le programme du MR qui  veut faire plusieurs milliards d’économies dans la santé en en limitant la norme croissance à maximum 1,5 % par an (elle est de 2,5 % aujourd’hui). Cette norme de croissance, qui relève d’une décision politique, vise à fixer la croissance maximale du budget des soins de santé afin de maintenir le niveau du service en tenant compte de l’évolution de la société (vieillissement, augmentation des coûts, pression démographique, etc.). Réduire la norme, c’est donc ne plus consacrer un budget qui correspond à l’évolution des besoins.

Au sujet de l’avortement, le parti “propose d’intégrer dans la Constitution le droit à disposer librement de son corps afin de sanctuariser des droits fondamentaux, comme celui de pouvoir accéder à l’interruption volontaire de grossesse, dépénalisée depuis 1990 en Belgique, ou le droit à l’euthanasie.”

Quelques lignes plus loin, le MR considère que “cette loi fondamentale permettrait également d’ouvrir le débat sur la gestation pour autrui, et de répondre aux préoccupations des parents qui font actuellement face à un vide juridique et à des décisions arbitraires quant à l’inscription de leur enfant par les autorités communales. Dans un premier temps, il faut à tout le moins veiller à reconnaître les enfants belges nés d’une gestation pour autrui légale à l’étranger, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.” Le MR oublie de mentionner une personne au cœur de la GPA : la mère porteuse…

Sur ce débat, dont nous avons tenté récemment de cerner les arguments du Comité consultatif belge de bioéthique, le MR entend-il suivre son homologue flamand l’Open VLD qui vient de déposer fin avril une nouvelle proposition de loi visant à créer un cadre juridique autour de la gestation pour autrui (GPA) afin de “donner à tous ceux qui le souhaitent la possibilité de réaliser leur désir d’enfant et de protéger l’enfant, les parents qui le souhaitent ainsi que la mère porteuse” ? On n’en saura pas plus dans le programme.

Violences contre les femmes

La première mention des violences contre les femmes figure au chapitre “Sécurité”, sous-chapitre “Formation des policiers”. On y lit : “Violences intrafamiliales, harcèlement de rue, agressions dans les bars, les boîtes de nuit ou l’espace public : le MR soutient les initiatives permettant d’améliorer la collecte de données en matière de violences faites aux femmes et aux personnes LGBTQI+ afin d’améliorer la prise en charge des victimes et la prévention, notamment via la formation continue de la police à l’identification des violences pouvant mener au meurtre ou à l’assassinat.”

“Sur le sujet de la lutte contre les violences, nous avons plus intérêt à travailler ensemble [avec les autres partis, ndlr] que de s’opposer”, souligne Clémentine Barzin. Et sur certaines mesures, cela sera possible.  À l’instar d’autres partis, le MR souhaite le développement des Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS), l’augmentation de places en hébergement pour les victimes de violences ou encore le développement de cellules EVA (Emergency Victim Assistance) qui ont été lancées sur le territoire bruxellois ces derniers mois sous l’impulsion de Nawal Ben Hamou (PS). Le parti souligne aussi que les tribunaux spécialisés dans les violences intrafamiliales, en cours de test à Charleroi, sont une source d’inspiration potentielle.

La lutte contre le harcèlement sexiste dans l’espace public est l’une de leurs grandes préoccupations. Le MR souligne que “l’espace public doit également être aménagé en conséquence (éclairage public, caméras, présence visible des forces de l’ordre, etc.) et cet espace public doit également garantir aux femmes la liberté de se déplacer (trottoirs et transports en commun adaptés aux poussettes, par exemple) et ne pas entraver leur mobilité.”

“Nous voulons aussi mettre en places des campagnes à l’intention des hommes dans les bars suite au mouvement #balancetonbar, mener une campagne grand public visant à faire connaître la loi sexisme de 2014, mais aussi promouvoir les techniques d’autodéfense”, cite aussi Clémentine Barzin, qui a mené des rencontres et entretiens afin de réaliser un état des lieux des mesures prises et à prendre à Bruxelles pour répondre aux différents types de violences contre les femmes dans l’espace public. Au rang de ses priorités, elle cite également l’application des sanctions administratives communales au harcèlement. Une approche sécuritaire et punitive – qu’on retrouve aussi en matière de Justice –  qui caractérise le MR et le distingue des autres partis.

Enfin, toujours au chapitre des violences contre les femmes, Clémentin Barzin souligne au rang des mesures prioritaires pour améliorer la prévention, la “nécessité de donner de la stabilité aux associations et aux projets engagés dans la lutte contre le harcèlement, qui passerait par un subventionnement pluriannuel d’une coalition d’associations pour pérenniser leurs projets.” Une intention qui fait exception – voire entre en contradiction – avec un programme qui ne fait pratiquement aucune mention au travail du secteur associatif. Sauf, au chapitre “Terrorisme et radicalisme” où le MR soutient qu’il “faut renforcer le contrôle du financement public des associations”, sans donner plus de détails.

Au nom des femmes ?

Enfin, on constatera tout au long de la lecture du programme que les droits et libertés des femmes sont souvent accolées au “fait religieux et aux obscurantismes”. Exemple avec l’avortement : “Face à la poussée du fait religieux et des obscurantismes, le MR propose d’intégrer dans la Constitution le droit à disposer librement de son corps.”

Autre exemple en matière de santé, le MR très peu au fait sur la santé des femmes, nous le disions, appelle à lutter contre les mutilations génitales dans un chapitre intitulé “Une médecine qui protège de l’emprise des prescrits communautaires”.  Dans ce même paragraphe, le MR défend une interdiction des certificats de virginité.

Comme le relève Vie Féminine, “la moitié des usages de la locution “égalité entre les femmes et les hommes” apparaît dans le cadre de mesures qui concernent la laïcité, la migration, l’Europe. Dans le cas du MR, nous ne pouvons que constater l’écart entre le peu d’importance accordée aux droits des femmes dans le programme en général, et la façon dont la valeur de l’égalité est soudainement brandie comme étendard à défendre lorsqu’il s’agit de justifier des mesures touchant à la migration ou à la neutralité de l’État.”

Comme l’explique toujours Vie Féminine, cette démarche s’apparente à du “fémonationalisme”. Cette expression, forgée par la sociologue Sara R. Farris, désigne “la mobilisation – ou plutôt l’instrumentalisation – contemporaine des idées féministes par les partis nationalistes et les gouvernements néolibéraux sous la bannière de la guerre contre le patriarcat supposé de l’Islam en particulier, et des migrants du Tiers monde en général”. À travers le fémonationalisme, “on instrumentalise le combat féministe à des fins racistes, pour justifier des mesures stigmatisantes et excluantes”, écrit Vie Féminine.

Un·e dernier·ère pour la route

Le MR n’utilise pas l’écriture inclusive, mais il y consacre beaucoup de mots pour s’en justifier au regard de la place des femmes dans le programme. Il précise d’emblée dans une note à la fin de son sommaire que “dans le texte de ce programme, le recours à la forme masculine pour certains métiers et fonctions (enseignant, indépendant, sportif, policier…) vise à assurer la lisibilité du texte et désigne des ensembles mixtes.” Et d’ajouter : “Pour le surplus [on ne comprend pas l’usage de ce mot, ndlr], les termes neutres sont privilégiés.”

Un long point dans le programme est ensuite consacré à “l’interdiction du recours à une écriture inclusive qui exclut”. Le MR se montre favorable à la féminisation des noms de métiers et de fonctions, un point c’est tout (et surtout pas médian). Car pour le parti, l’écriture inclusive “revient à privilégier, à rebours de l’universalisme, une vision de la société comme agglomérat de groupes distincts où chacun revendiquerait d’être nommé d’une manière particulière, plutôt que rassemblé sous un terme commun”.

Pour le MR, l’écriture inclusive “complique en réalité la langue, la rendant ainsi plus difficile d’accès et donc plus excluante”, que ce soit à l’école ou dans les administrations. Le MR appelle donc à l’interdiction de l’usage de l’écriture inclusive, à tous les niveaux de l’enseignement et, plus largement, dans tous les documents officiels de l’administration, et ce “dans tous les cas où cet usage s’accompagne d’un non-respect des règles grammaticales ou orthographiques en vigueur.” (À ce sujet, lire le “Guide de communication inclusive” destiné notamment aux administrations publiques publié en avril par la Région bruxelloise).

Pour conclure, le MR propose un programme où l’égalité entre les femmes et les hommes ne s’inscrit pas comme une ambition de lutte structurelle contre les inégalités et dans une approche qui tient compte de l’articulation rapports de sexe, de race et de classe. Ses mesures risquent donc de bénéficier aux femmes qui ont les possibilités de “se prendre en main”, de “reprendre pied”, de “franchir les étapes par le mérite” (une des missions de l’école, selon le MR). Si le MR considère que les femmes “sont partout”, qu’il faut “garantir l’égalité des chances et favoriser l’émancipation individuelle”, beaucoup de femmes – confrontées à des difficultés quotidiennes et davantage touchées par la pauvreté que les hommes – disparaissent dans certaines mesures libérales qui s’attaquent profondément aux solidarités.

Or, comme l’expriment les autrices du Féminisme pour les 99 % que nous citions dans un précédent article, “nous n’avons aucun intérêt à briser le plafond de verre si l’immense majorité des femmes continuent d’en nettoyer les éclats.”

Le dire, c’est bien ; le faire, c’est mieux

Même si le MR est plus connu pour son approche méritocratique que ses politiques sociales et inclusives, le parti est pourtant plutôt bon élève en matière de parité dans ses têtes de listes électorales. Avec 8 femmes politiques numéro 1 de leurs listes pour 11 hommes, le Mouvement réformateur obtient le score de 42,1 % de parité. C’est le deuxième meilleur score chez les partis francophones juste derrière Ecolo.

En tête de la liste bruxelloise pour la Chambre, on retrouve une figure bien connue du parti, l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur, Valérie Glatigny. Mais au niveau fédéral, on retrouve aussi une figure bien connue, du petit écran cette fois, Julie Taton. L’ex-animatrice de la chaîne RTL-TVI et de Radio Contact s’est inscrite en deuxième position de la liste du Hainaut. Elle n’est d’ailleurs pas la seule personnalité médiatique à avoir rejoint les rangs du MR puisque Marc Ysaye, le célèbre présentateur de la radio Classic 21, figurera en tant que 10e suppléant sur la même liste.

Au niveau régional et européen, figureront encore d’autres anciennes ministres comme Sophie Wilmès en tête de liste pour le Parlement européen et Marie-Christine Marghem, numéro 1 de la liste Tournai-Ath-Mouscron pour le Parlement wallon. On retrouvera également Hadja Lahbib, actuelle ministre des Affaires étrangères, deuxième sur la liste pour la Région bruxelloise. (Ena Billenne)