Sommes-nous quand même toutes des Européennes ?

Au départ de ce dossier, il y a cette question, clin d’œil à une chanson d’Arno mais aussi politique et existentielle. Sommes-nous quand même toutes des Européennes ? À quelques mois des élections des représentant·es de l’Union, nous nous sommes demandé comment allaient les femmes dans une Europe accumulant crises et chocs. Nous savons, pour le documenter régulièrement dans nos pages, que les femmes, par leur travail de care et par leurs luttes, participent de façon cruciale au maintien de la cohésion des sociétés. Elles sont aussi les premières impactées par la précarité et les violences. Nous voulions donc aller à leur rencontre, raconter leurs réalités, leurs préoccupations… et surtout leurs résistances et les changements qu’elles revendiquent, qu’elles impulsent. Au fil de nos reportages et dans toute la diversité des contextes de sept pays différents, sont apparus des liens entre elles, entre leurs combats. Les luttes, depuis les marges : c’est ça qui nous relie ?

Véronique Laurent, Manon Legrand et Sabine Panet (textes) et Diane Delafontaine (illustrations). Une série de reportages réalisée avec le soutien du Fonds pour le Journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Après avoir posé les bases de notre projet (à découvrir dans la version papier d’axelle de mai-juin 2024), nous avons sélectionné sept pays : Espagne, Grèce, Italie, Monténégro, Pays-Bas, Pologne et Roumanie, en suivant des critères de diversité géographique, économique, culturelle, sociale, politique, mais aussi en veillant à une diversité de chronologie d’adhésion à l’UE – ou de négociations en cours, pour le Monténégro. Un exercice forcément contraignant.

Index et chiffres

Nous avons compilé des chiffres pour appréhender ces pays. Un indicateur transversal éclairant : celui dressé par l’Institut Européen pour l’Égalité de Genre (EIGE), qui établit régulièrement un “index de l’égalité de genre”, indice composite rassemblant des dizaines d’informations sur la santé, les violences, l’emploi du temps, la représentation, l’économie, le niveau d’éducation… et l’intersection des inégalités.

L’index 2023 classe les Pays-Bas (77,9, pour un idéal de 100), l’Espagne (76,4) et la Belgique (76) au-dessus du niveau global de l’Union (70,2), les autres en deçà (Italie : 68,2 ; Pologne : 61,9 ; Grèce : 58 et Roumanie, dernière des 27 pays de l’Union : 56,1). Mais derrière les chiffres généraux, les détails sont aussi révélateurs. En matière d’emploi du temps par exemple – est-ce que les femmes passent plus de temps que les hommes à des tâches domestiques et parentales, versus leur temps social ou de loisirs ? –, la Roumanie (avec son score de 69,2) fait mieux que la moyenne de l’UE (68,5), au-dessus aussi de l’Italie, de la Grèce et… de la Belgique (à 64,7). De la nuance, de la complexité : indispensables pour appréhender la carte européenne des droits des femmes.

Car d’autres éléments quantitatifs donnent aussi de la matière aux instantanés que vous découvrirez en tournant ces pages. Saviez-vous par exemple que le salaire minimum mensuel, en Grèce, vient d’atteindre 830 euros brut ? Que le taux d’emploi des femmes en Italie n’est que de 52,2 % (le plus bas de l’Union – IStat, dernier trimestre 2023), et la situation est encore pire pour les femmes vivant dans le sud du pays – celui des hommes est à 70,9 % ? Que c’est en Pologne que l’accès à la contraception est le plus difficile en Europe ? Ou que l’écart de pension entre les femmes et les hommes est de 38,1 % aux Pays-Bas (Eurostat 2021) ?

Un tableau pas franchement joyeux, confirmé par le rapport de l’eurodéputée Katarina Barley (membre du Groupe de l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates), autrice d’une Situation des droits fondamentaux dans l’UE en 2022 et 2023. Elle y dresse le constat de droits menacés partout depuis la pandémie, et de dérives autoritaires qui limitent les droits des personnes, surtout des femmes.

Choisir les droits des femmes d’Europe

Nous nous sommes inspirées aussi de démarches innovantes. Dans La clause de l’Européenne la plus favorisée, publié en 2008 et réédité fin 2023 (éditions des femmes-Antoinette Fouque), l’avocate française Gisèle Halimi s’est demandé, avec d’autres femmes rassemblées dans l’association Choisir la cause des femmes, ce que les femmes pourraient gagner à la construction européenne. Les militantes ont comparé les lois nationales relatives aux droits des femmes dans tous les domaines de leur vie : droits sexuels et reproductifs, droit de la famille, lutte contre les violences patriarcales, indépendance économique des femmes, participation à la vie politique… Elles ont ensuite suivi un principe simple : revendiquer les lois nationales les plus favorables pour les étendre à toutes les femmes vivant sur le sol européen. L’an dernier, les membres de Choisir la cause des femmes sont reparties en tournée et ont composé le bouquet des meilleures lois pour les femmes, y compris migrantes, dans l’Union européenne. L’Espagne, en particulier, revient souvent comme modèle, notamment en matière de lutte contre les violences patriarcales. Une approche encore à perfectionner, comme nous le verrons à Pampelune, au Pays basque.

Liées par les luttes

Des sept pays visités ont émergé sept récits qui donnent corps – chair, visage, histoire – à des dizaines de femmes. Malmenées par des politiques niant leurs droits fondamentaux, par des mesures socioéconomiques délétères, par des lacunes législatives… Mais femmes résistantes. Elles font corps aussi, tant leurs histoires et leurs mobilisations résonnent entre elles, dialoguent, et tant, concrètement, elles bâtissent des solidarités au-delà des frontières nationales et européennes.

Leurs histoires dessinent une image de l’état des droits en Europe et composent un puzzle de luttes, surgissant dans tous les espaces – sur une place (en Roumanie), dans un guichet social (aux Pays-Bas), dans les locaux d’une association ou d’un refuge pour femmes (au Monténégro et en Pologne), autour d’une usine (en Grèce), dans un auditoire (en Italie) et dans la rue (en Espagne) ; luttes de terrain, et toujours collectives.

“Aujourd’hui, une chose est sûre, l’Europe ne se fera pas sans les femmes, mais de l’avenir des femmes peut naître celui de l’Europe”, observait Gisèle Halimi dans La clause de l’Européenne la plus favorisée. Les femmes rencontrées ces six derniers mois nous ont confirmé dans toutes les langues, nous ont montré dans tous leurs gestes, qu’une Europe priorisant la réalisation de leurs droits, en particulier pour les plus marginalisées et discriminées, c’est une Europe meilleure pour tous·tes.

Élections : on a lu le programme du PTB avec des lunettes de genre

Nouvelle étape dans la traversée des programmes politiques : le Parti du Travail de Belgique, PTB (PVDA côté flamand). Entre formules chocs et analyses tranchées, des revendications féministes marquées à gauche ont fait leur chemin dans le projet marxiste. Le parti du “socialisme 2.0”, comme il se présente, réussira-t-il la lutte des classes sauce féministe ?

© Odile Brée pour axelle magazine

Cet article fait partie d’une série de six articles consacrés aux programmes politiques des partis suivants côté francophone du pays, que nous publierons jour après jour du 23 au 30 avril (par ordre alphabétique) : DéFI, Ecolo, Les Engagés, le MR, le PS et le PTB.

“La réforme sociale dans l’État bourgeois […] est nécessairement une demi-mesure, un replâtrage”. La militante socialiste et communiste Rosa Luxemburg (citée par Diane Lamoureux) tenait ces propos un jour de 1899. Clairement, Rosa Luxemburg ne se faisait pas beaucoup d’illusions sur la capacité du Français Millerand, premier socialiste à rentrer dans un gouvernement, à changer vraiment la donne pour la classe ouvrière. Elle était visionnaire, radicale et fut assassinée en 1919 – quant à lui, il a tourné libéral, nationaliste et est devenu président de la République peu après la guerre de 14-18. Bien sûr, le PTB n’existait pas encore à l’époque, mais il a fait sienne la réflexion existentielle qui agitait alors la gauche et qui continue à nourrir les débats féministes : essayer de changer le système de l’intérieur, ou critiquer le pouvoir de l’extérieur ? Faire entendre, déjà, une voix marxiste de gauche radicale. De plus en plus écoutée, à en croire certains sondages.

Droits sociaux, services publics et inégalités

La lecture du programme du Parti du Travail de Belgique, rendue aisée par l’intelligence artificielle nommée Sam (un moteur de recherche amélioré doté d’un prénom, un peu comme Victor, l’IA du MR), fait ressortir plusieurs marqueurs féministes ancrés à gauche. D’abord des revendications de longue date. À commencer par la demande de mettre fin au discriminant statut de cohabitant·e. Pour le PTB, c’est oui, comme pour la plupart des autres partis dont nous avons compulsé les programmes (DéFI, Ecolo, Les Engagés, PS – sauf le MR qui ne s’y déclare pas favorable). “Nous voulons l’individualisation des allocations sociales”, généralise le PTB. Et une forme d’automatisation, aussi. Sam explique, en utilisant le présent, même si on ne sait pas forcément si elle/il se projette fin 2024 : “Nous assurons une attribution automatique des droits sociaux. Les services sociaux examinent les droits et les prestations sociales auxquels une personne a droit, ce qu’on appelle une “exploration des droits”.”

Élodie Blogie, conseillère politique de Vie Féminine, a analysé l’ensemble du programme du PTB au regard des revendications portées par l’asbl. Dans les réponses institutionnelles au non-recours aux droits sociaux, “il y a plusieurs niveaux, explique-t-elle. L’”exploration des droits” que mentionne le PTB est un mécanisme où l’organe censé ouvrir des droits fait lui-même la recherche, prend contact avec toi, etc.” Ce projet se ressent également dans la volonté du PTB de renforcer les CPAS “en tant que bases pour notre politique locale de lutte contre la pauvreté, précise Sam. Nous augmentons leurs ressources opérationnelles et annulons les restrictions budgétaires. Nous prévoyons une politique de subventions structurelles pour tous les services sociaux qui travaillent avec des personnes en situation précaire. Chaque service social doit être accessible, compréhensible et utile.”

De nombreuses propositions visent à renforcer et à financer ce que le PTB considère comme des “biens communs”, services publics et sécurité sociale.

Quant aux services publics et à la sécurité sociale en général, Juliette Léonard – chargée d’étude au Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion (CVFE) qui a aussi scruté à la loupe les programmes à l’aune des revendications de son organisation – explique que le parti “met en place de nombreuses propositions qui visent à renforcer et refinancer la sécurité sociale. Il consacre d’ailleurs un chapitre entier à ce sujet. Le parti note aussi son attachement aux services publics et sa volonté de refédéraliser certains secteurs comme la santé, la mobilité, le climat, l’emploi et l’énergie, tout en maintenant et renforçant la fédéralisation de la sécurité sociale. Dans son programme, le parti s’oppose à de nombreuses reprises aux partenariats avec le privé, à la privatisation des différents secteurs et veut favoriser les investissements “public-public”…”, une expression visant à se différencier du modèle économique majoritaire des “partenariats public-privé”, dans lequel des secteurs entiers d’institutions ou de services publics sont transférés et gérés par des entreprises avec lesquelles l’État signe des accords ou des concessions.

Le PTB s’oppose aux taxes qui sanctionnent les plus précaires sans atteindre les plus nanti·es et souhaite mettre en place un “test pauvreté” à appliquer aux nouvelles lois.

“De nombreuses propositions, analyse en ce sens Juliette Léonard, visent donc à renforcer et à financer ce que le PTB considère comme des “biens communs”, services publics et sécurité sociale”. Elle pointe plusieurs exemples : “Le parti souhaite des investissements massifs pour restaurer et construire des logements publics, ainsi que l’élargissement de la gratuité de l’enseignement incluant la gratuité des activités, de la garderie, du matériel scolaire et des repas. Le parti défend les différents piliers de la sécurité sociale en dénonçant les attaques faites contre les personnes au chômage – le parti souhaite un soutien intensif dans leur recherche d’emploi, plutôt que des sanctions – ainsi que les attaques contre les malades de longue durée. Le PTB refuse également l’idée de devoir compléter sa pension via des systèmes privés, annonce qu’il veut instaurer un moratoire sur les réductions des cotisations sociales…”

La lutte contre les inégalités sociales est le cœur du programme. Juliette Léonard identifie plusieurs propositions, comme la fameuse “taxe des multimillionnaires et des superprofits, la suppression de la TVA sur l’alimentation et les produits de base, un système de tiers payant afin que chacun·e puisse rénover son logement, la mise en place de grilles contraignantes des loyers… Le PTB s’oppose aux taxes qui sanctionnent les plus précaires sans atteindre les plus nanti·es et souhaite mettre en place un “test pauvreté” à appliquer aux nouvelles lois.

Pour s’inscrire à la newsletter mensuelle d’axelle mag’, c’est par ici !

Travail et soin aux autres

Élodie Blogie a repéré dans le programme du PTB des éléments proches de ce que Vie Féminine revendique en matière de travail : “Des emplois stables et décents, l’augmentation du salaire minimum à 17 euros de l’heure, le travail à taille humaine, le fait de payer correctement les heures supplémentaires, de ne pas devoir enchaîner les intérims, mais aussi la santé sur les lieux de travail, la reconnaissance du burn-out comme maladie du travail, la reconnaissance automatique des troubles musculosquelettiques comme maladie du travail dans les secteurs à haut risque comme celui du nettoyage… Ce sont d’ailleurs les seuls qui continuent à dire que dans de nombreux métiers, ce n’est pas possible de travailler au-delà de 65 ans.” Limitation du travail de nuit, du travail le dimanche… Mais, nuance-t-elle, “concrètement, comment comptent-ils s’y prendre ? On a du mal à le voir dans le programme”.

Le PTB est favorable à la réduction collective du temps de travail à 30h/semaine, en particulier pour les secteurs des titres-services et des soins.

Élodie Blogie a également retenu la partie du programme qui s’attache à faire du soin une “responsabilité partagée” par la société : “Ils défendent non pas une meilleure répartition des tâches dans un couple hétérosexuel, mais l’investissement dans des services publics solides.” Et afin de faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée, comme l’analyse Juliette Léonard, “le parti souhaite indemniser à 100 % le congé de maternité et allonger le congé de paternité/coparentalité à 15 semaines, également indemnisé à 100 %. De plus, le parti souhaite augmenter le nombre de jours de congés annuels à 25 et instaurer le droit à la “déconnexion””. Le PTB est favorable à la réduction collective du temps de travail à 30h/semaine, en particulier pour les secteurs des titres-services et des soins.

Santé pour tous·tes

Dans le domaine de la santé, justement : priorité aux services publics de proximité. Sofie Merckx, députée PTB au Parlement fédéral et tête de liste pour les élections fédérales dans le Hainaut, expliquait lors du Grand débat des présidentEs* de parti organisé le 20 avril par Vie Féminine : “On a dit des travailleurs et travailleuses de la santé qu’ils étaient les héros du Covid, mais ça n’est pas traduit dans les faits. Les hôpitaux deviennent de plus en plus grands : pour qu’une maternité puisse exercer, elle doit faire au moins 400 accouchements par an ! Donc pour accoucher, quand on vit par exemple dans le sud du Hainaut, on doit aller en France ou à Charleroi, à 30 minutes de route. Pour nous, il faut des hôpitaux de proximité, où on peut accoucher, dispenser des soins pédiatriques… Et des maisons médicales dans chaque quartier.”

Le PTB souhaite, comme les deux autres partis de gauche – PS et Ecolo – et Les Engagés, élargir la gratuité de la contraception.

Juliette Léonard a remarqué que le PTB “développe un point sur la santé des femmes en particulier et souhaite encourager la recherche sur les problèmes de santé qui touchent couramment les femmes, comme l’endométriose ou les maladies cardiaques. De plus, le parti veut intégrer cette approche genrée de la santé dans la formation médicale, “briser le tabou autour des douleurs menstruelles” et étudier la possibilité d’un congé menstruel. Le PTB veut également fournir gratuitement des protections menstruelles dans toutes les écoles, les bâtiments publics, les maisons de quartier, les maisons de jeunes et les crèches et [ramener] la TVA sur les protections menstruelles à 0 %.”

Les droits des femmes, au-delà des matières socioéconomiques, sont-ils vraiment une priorité pour le PTB, qui se veut pourtant si radical ?

“Le PTB souhaite, comme les deux autres partis de gauche – PS et Ecolo – et Les Engagés, élargir la gratuité de la contraception”, note encore Juliette Léonard. Quant à l’IVG, le parti veut allonger la durée possible de l’avortement et passer à 18 semaines, sensibiliser et former les étudiant·es en médecine à ce sujet, développer plus de centres qui pratiquent des IVG… et réduire le délai de réflexion de 6 jours actuellement à 48h. Mais au fait… pourquoi le garder ? En France, il a été supprimé. Ces 48h, petit “détail” qui n’en est pas un, sont peut-être l’indicateur d’une question plus large à se poser : les droits des femmes, au-delà des matières socioéconomiques, sont-ils vraiment une priorité pour le PTB, qui se veut pourtant si radical ?

Comment se fait-il par exemple que lors de la campagne de protestation contre l’EVRAS à l’école (Éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle), le PTB ait changé de position, émettant soudainement des doutes sur un guide qu’il avait soutenu auparavant ? Pour la Gauche anticapitaliste, qui présente pour ces élections une liste européenne menée par le Français Philippe Poutou et donc directement opposée au PTB, l’orientation récente du parti – devenir un parti de masse – a pour conséquence “une timidité regrettable sur tous les sujets perçus comme clivants. Sur les questions féministes ou antiracistes, notamment, le PTB se contente de mots d’ordre très consensuels, et de revendications essentiellement symboliques”.

Violences de genre

Du côté des violences de genre, le PTB se contente-t-il de symboles ? Ainsi que le remarque Juliette Léonard, “en ce qui concerne la Justice, le PTB souhaite lui donner plus de moyens et la rendre plus accessible. Si le parti se prononce contre le “tout répressif”, il applique néanmoins cette logique pour les violences sexuelles, ne développe pas de prise en charge des auteurs et manque d’une analyse plus globale de ces violences.”

Du côté des violences de genre, le PTB se contente-t-il de symboles ?

Soulignons toutefois la proposition de magistrat·es spécialisé·es en matière de violences, comme c’est le cas en Espagne, comme cela sera bientôt le cas en France, et en test actuellement à Charleroi. Une dernière proposition nous a sauté aux yeux : “Nous soutenons l’idée d’un institut d’expertise scientifique judiciaire central pour éviter de recourir systématiquement à des experts privés. Notre objectif est de garantir que les victimes d’inceste et d’autres formes d’abus sexuels soient entendues, crues et que justice leur soit rendue.” Cette proposition détonne dans le reste du programme, plutôt flou en effet en matière de violences, car elle est très précise. Nous avions justement pointé cet énorme enjeu dans notre enquête sur le sujet, et, en France, Mediapart y a récemment consacré un article édifiant. Bien sûr, le PTB y voit aussi un enjeu de réappropriation d’une expertise privée au profit d’une institution publique. Espérons en tous les cas que cette proposition percole jusque dans les partis qui iront au pouvoir au fédéral.

Et la nuance ?

Certes, comme le théorisait le penseur marxiste italien Antonio Gramsci, la langue (et, au passage, le journalisme…) est un élément essentiel de la lutte pour l’hégémonie culturelle. Mais le PTB en use peut-être trop ? Dans des formules chocs, par exemple : “politique des profiteurs”, “climato-élitisme”… Derrière cette dernière expression, on sent la volonté du parti de s’opposer clairement à Ecolo, accusé de pratiquer une écologie “punitive” pour les classes populaires. Le PTB veut des “normes environnementales contraignantes pour les grands pollueurs plutôt que des taxes vertes pour les travailleurs”. Mais le PTB ne va pas jusqu’au bout de cette logique et ne dit rien sur le productivisme dans la production d’énergie, pas grand-chose sur les processus (“une approche planifiée et des investissements publics massifs”) qui permettraient d’aller vers une énergie 100 % renouvelable à l’avenir, 70 % en 2030, un objectif qui impliquerait pourtant le démantèlement des réacteurs nucléaires.

Le PTB veut des “normes environnementales contraignantes pour les grands pollueurs plutôt que des taxes vertes pour les travailleurs”.

Pareil pour les chiffres, utilisés parfois sans nuances, ou de façon parcellaire. Lors du Grand débat des présidentEs* de parti cité plus haut, la candidate Sofie Merckx a réclamé plus de moyens pour la mise en œuvre du plan d’action national de lutte contre les violences de genre, déplorant son budget de “2,5 millions d’euros”. On peut certes déplorer le manque de moyens attribués en général à la lutte contre les violences de genre, mais alors autant utiliser les bons chiffres. Les 2,5 millions d’euros sont en réalité la dotation supplémentaire de l’Institut pour l’Égalité des Femmes et des Hommes. Le GID (l’instance qui veille à l’échange d’informations entre les différent·es acteurs/trices concerné·es par la réalisation concrète du PAN) a réalisé un premier état des lieux des mesures déjà mises en œuvre et récolté les informations budgétaires – on peut y avoir accès dans le rapport intermédiaire… : les fonds consacrés à la lutte contre les violences basées sur le genre dans le cadre du PAN 2021-2025 s’élèvent à plus de 181 millions d’euros pour la période 2021 à 2023 – tous niveaux confondus (fédéral et entités fédérées). Un poil plus, donc, que 2,5 millions d’euros… Est-ce le prix d’une posture quasi systématique d’opposition ?

“Ce qui distingue la politique socialiste de la politique bourgeoise, c’est que, en tant qu’adversaires de l’ordre existant, les socialistes sont obligés, par leurs principes, de se tenir sur le terrain de l’opposition au Parlement bourgeois”, détaillait Rosa Luxemburg, insistant sur les raisons d’une stratégie de “critique systématique de la politique gouvernementale”.

La question de sa participation à l’exécutif, que le PTB conditionne à un “programme de rupture” en matière socioéconomique, est évidemment un élément à prendre en compte ; rappelons au passage que le PTB est déjà actif au niveau législatif dans les différents Parlements à travers ses député·es. Mais dans le contexte du retour attendu de l’austérité et de montée de l’extrême droite partout en Europe, le rôle du PTB sur le clavier politique des élections de masse du 9 juin est peut-être de déplacer la tonalité vers la gauche. Est-ce que ce sera suffisant pour éviter le détricotage des solidarités qui se profile ?

Amélie et les procédures

Dans le dédale des décisions de Justice et de l’aide à la jeunesse, une mère se bat pour retrouver son fils. Il lui a été retiré lors de son arrestation à l’étranger, où elle avait fui, en 2019, après le classement sans suite de la plainte introduite contre le père de l’enfant pour agressions sexuelles. Combien d’audiences faudra-t-il encore avant qu’Amélie puisse, après maintenant quatre années de séparation totale, voir à nouveau son petit garçon ? Depuis plus d’un an, axelle suit cette maman en lutte : un feuilleton judiciaire, qui tourne en boucle.

© Julia Reynaud pour axelle magazine

Novembre 2022, Liège, 9h, tribunal de la jeunesse

Les traits marqués, nerveuse, Amélie (prénom d’emprunt) attend devant la salle d’audience. Est-ce pour aujourd’hui ? Presque trois ans sans aucune nouvelle de son enfant…

Fin 2019, sa plainte pour agressions sexuelles sur son fils est classée sans suite. Paniquée de devoir le remettre au père, ou que l’enfant soit placé, elle l’a emmené à l’aube d’une journée d’automne vers son pays d’origine, dans l’espoir d’y trouver une Justice davantage protectrice des enfants : les vidéos sur lesquelles son fils montre des comportements interpellants n’ont jamais été prises en compte par la Justice belge. “Je n’écoutais plus personne. J’étais au bout du rouleau. Quand il revenait de chez son père, il se cognait la tête, pleurait, disait les abus.”

Je n’écoutais plus personne. J’étais au bout du rouleau. Quand il revenait de chez son père, il se cognait la tête, pleurait, disait les abus.

Amélie est arrêtée au bout de quatre mois après l’émission d’un mandat d’arrêt international pour enlèvement. Séparée de son fils, enfermée, rapatriée, la mère en fuite est condamnée à 5 ans d’emprisonnement. Le père obtient la garde et les droits parentaux exclusifs. Amélie purge la fin de sa peine sous régime de probation (sa liberté est soumise à certaines conditions), après un passage en prison et 19 mois de détention à domicile sous bracelet électronique, sans aucune autorisation de sortie – elle se demande d’ailleurs si c’est légal.

Au printemps 2022, après une première demande rejetée, le tribunal de la jeunesse a accepté d’ouvrir un dossier et de saisir le Service de l’aide à la jeunesse (SAJ) pour instruire sa demande de rétablissement de l’autorité parentale conjointe et de reprise de contact progressive avec son enfant. En juillet, le SAJ a toutefois refusé de prendre le dossier et l’a invitée à réintroduire une procédure… au civil (tribunal de la famille). En août, l’avocat d’Amélie a réitéré la demande. Le petit garçon approche de ses six ans.

Cette juge se met-elle deux secondes à ma place ?

Le père et son avocat, bâtonnier (chef de l’ordre des avocat·es) de la ville de N. [l’initiale de la ville a été modifiée afin de préserver l’anonymat des protagonistes de l’affaire], passent devant Amélie. Le sien, pro deo, ne la salue qu’à peine : “Il est bizarre, parfois…” Une petite heure d’attente, tout le monde entre dans la salle d’audience. Sortie dix minutes plus tard. La partie adverse jubile : elle a obtenu le transfert du dossier dans la ville de N., parce que c’est le SAJ de N., commune où habite le père, qui suit déjà l’enfant. Amélie est déçue, une audience pour rien ! Son avocat ne décolère pas. Il dit que le tribunal de Liège se débarrasse de l’affaire. Amélie raconte qu’elle n’a pas apprécié l’ironie de la présidente – “Au point où on en est, Madame, ce ne sont pas trois mois de plus qui vont changer les choses !” “Cette juge se met-elle deux secondes à ma place ?” Une très jeune femme sort en hurlant de la salle d’audience : “Justice de merde ! Avocate de merde ! Allez tous vous faire foutre !” À sa suite, une femme portant sur le bras une toge noire prend à témoin les personnes présentes dans le couloir : “Vous voyez ce que je dois subir…” Le public semble compatir. Amélie baisse la tête : “Je ne juge pas cette jeune fille. Je pourrais faire la même chose.”

Un article réalisé avec le soutien du Fonds pour le journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Élections : on a lu le programme du PS avec des lunettes de genre

En matière de droits des femmes, le programme touffu du Parti Socialiste se montre costaud. L’imposant document fait de la place aux femmes, et porte assez souvent attention aux plus vulnérables. Cette communication du PS est cependant à mitiger, au regard notamment du bilan du parti après cinq années de pouvoir en coalition.

© Odile Brée pour axelle magazine

Cet article fait partie d’une série de six articles consacrés aux programmes politiques des partis suivants côté francophone du pays, que nous publierons jour après jour du 23 au 30 avril (par ordre alphabétique) : DéFI, Ecolo, Les Engagés, le MR, le PS et le PTB.

Machine bien rodée, le PS a produit un programme de plus de mille pages qui détaille en 42 chapitres nombre de mesures, quitte à les répéter. Et au risque de s’y noyer. Mais pour la plupart, “elles sont précises, techniques, on les sent possibles à mettre en œuvre relativement rapidement”, estime Élodie Blogie, conseillère politique chez Vie Féminine.

La plupart des mesures du PS sont précises, techniques, on les sent possibles à mettre en œuvre relativement rapidement.

Comme on peut s’y attendre, c’est la thématique du travail qui ouvre le texte. Pour les socialistes, c’est le pilier central de l’organisation de la vie citoyenne : levier d’épanouissement personnel, lien social, source de droits… Quelques mesures :  emplois stables et pérennes, pas touche à l’indexation des salaires, pas de coupes dans les montants du chômage (pas de limitation dans le temps, ni de dégressivité des allocations), poursuite de l’augmentation du salaire minimum pour tendre vers 2.800 euros brut par mois (17 euros brut de l’heure), “Territoire zéro chômeur”…

Le parti veut aussi s’attaquer aux temps partiels subis (“les temps pleins ne sont pas tenables physiquement et/ou mentalement, horaires coupés, horaires irréguliers, déplacements, etc.”) dans les secteurs du soin et de l’aide aux personnes où se retrouvent principalement des femmes :  revalorisation salariale mais également dans le calcul de la pension.

Le parti veut aussi s’attaquer aux temps partiels subis dans les secteurs du soin et de l’aide aux personnes où se retrouvent principalement des femmes :  revalorisation salariale mais également dans le calcul de la pension.

Par contre, observe Juliette Léonard, chargée d’étude pour le Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion (CVFE), le parti n’entame “pas de réflexion frontale sur la notion de travail à partir du travail gratuit des femmes”. Même si, concession, le PS souhaite revoir “l’utilisation du terme de “congé” pour désigner les congés de maternité et de naissance, tant cette période peut être éprouvante.”

En matière d’accueil de la petite enfance, le plan est d’augmenter le nombre de places en milieux d’accueil (tant publics que privés) pour atteindre un taux de couverture de 50 %, taux préconisé par le secteur. Comment ? Le parti rouge ne le dit pas. L’actuel gouvernement n’est pas arrivé à beaucoup augmenter le nombre de places disponibles. “Actuellement, le taux de couverture est de 38 %”, précise le programme. Le PS émet également le souhait de rendre les milieux d’accueil plus accessibles financièrement.

Entre les mesures passées et les mesures futures

Comme le PTB et Ecolo, le PS propose d’“aller vers une réduction collective du temps de travail (premières réductions du temps de travail en se concentrant sur les travailleuses/eurs les plus âgé·es ainsi que les secteurs pénibles) et […] limiter les emplois à horaires ultra-flexibles”, décrit encore Juliette Léonard dans son analyse des programmes. La chargée d’étude avertit : les mesures proposées “sont bien souvent le résultat de conflits et compromis [internes aux partis, ndlr] et ce serait une erreur de se limiter à la seule lecture des programmes pour saisir le travail mené par les différents partis pour améliorer (ou empirer) les conditions de vie des femmes”.

Juliette Léonard donne en exemple la volonté affichée du PS (et d’Ecolo) “de prendre en compte les temps partiels des femmes, ainsi que la limitation des emplois “atypiques” comme les flexi-jobs” alors que le gouvernement de cette législature, dont le PS fait partie (Karine Lalieux, ministre des Pensions, Pierre-Yves Dermagne, vice-Premier ministre et ministre de l’Économie et du Travail), a justement “empiré le calcul de la pension et étendu ces flexi-jobs”.

Cette volonté d’implémenter des politiques publiques fortes pour lutter contre les inégalités s’affiche plus particulièrement sur les sujets socioéconomiques et en matière de santé.

Cette volonté d’implémenter des politiques publiques fortes pour lutter contre les inégalités s’affiche plus particulièrement sur les sujets socioéconomiques et en matière de santé, observe Élodie Blogie. Les promesses s’orientent vers un renforcement des services publics et une réforme du financement de la sécurité sociale pur garantir son amélioration et la protéger contre tout démantèlement. “Le PS affirme vouloir maintenir notre modèle de sécurité sociale fédéral et y faire contribuer davantage les revenus du capital”, résume Juliette Léonard. Le parti socialiste préconise l’individualisation des droits, la fin du statut de cohabitant·e, la création d’un statut social unique qui faciliterait la lutte contre le non-recours aux droits. Page 204 : “Selon différentes études, le taux peut atteindre 35 à 40 % des bénéficiaires potentiels de ces différentes aides et droits sociaux.”

Dans le sous-chapitre consacré au Service des créances alimentaires (SECAL), l’ancrage est clair : “Les créances alimentaires ont une importance cruciale pour les mamans solos qui, sans elles, n’ont que leurs revenus et les allocations familiales pour subvenir aux besoins de leur famille. Or 39 % des créances alimentaires ne sont pas payées de manière régulière.” Des propositions que rappelait Caroline Désir, ministre PS de l’Éducation de la Fédération Wallonie-Bruxelles, lors du Grand débat des PrésidentEs* de parti organisé par Vie Féminine le 20 avril dernier : création d’un fonds universel, automatisation, montant maximal des avances relevé à 350 euros par enfant (aujourd’hui 175 euros), ou encore extension de l’intervention du SECAL aux frais extraordinaires.

Pour s’inscrire à la newsletter mensuelle d’axelle mag’, c’est par ici !

Un chapitre pour les droits des femmes

Le troisième chapitre se consacre…  aux droits des femmes. Dont le PS fait depuis son “Congrès social-féministe” du 2 avril 2023 une de ses priorités, remarque Élodie Blogie. Quatre axes sont érigés en priorités dans ce chapitre, qui rappelle que le PS souhaite que toutes les politiques et à tous les niveaux de pouvoir soient élaborées suivant le “gender mainstreaming”, c’est-à-dire en regard de l’égalité femmes/hommes. Une politique qui a fait l’objet d’une loi en 2007, puis d’un Plan fédéral en 2021.

Le troisième chapitre se consacre…  aux droits des femmes. Dont le PS fait depuis son “Congrès social-féministe” du 2 avril 2023 une de ses priorités.

Première priorité, les droits sociaux, puis la santé, déjà abordée sous l’angle de la santé mentale des femmes dans le chapitre II, avec ce constat : “Les femmes souffrent davantage de troubles de santé mentale que les hommes. Elles sont deux fois plus touchées par la dépression que les hommes et consomment également plus de psychotropes.”

Autre priorité : la place des femmes dans la société et dans les institutions. Élodie Blogie remarque que seul le PS parle d’un portefeuille spécifique “droits des femmes” dans chaque gouvernement (fédéral, régional et communautaire). Deux ministres PS ont d’ailleurs cette compétence, parmi d’autres, au niveau régional : Christie Morreale en Wallonie et Nawal Ben Hamou à Bruxelles.

Il y a quelques mois, Paul Magnette, président du PS, refusait de participer à un débat au motif que le panel invité était uniquement masculin. Mais les débats entre présidents de partis auxquels il participe aujourd’hui ne présentent que des hommes.

Le parti promet la représentativité paritaire “au sein de l’ensemble des exécutifs et à tous les niveaux de pouvoir”. La cause ne serait-elle pas un chouia instrumentalisée ? “Il y a quelques mois, Paul Magnette, président du PS, refusait de participer à un débat au motif que le panel invité était uniquement masculin, poursuit Élodie Blogie. Mais les débats entre présidents de partis auxquels il participe aujourd’hui ne présentent que des hommes.” Rappelons également que les deux ministres présidents PS au pouvoir actuellement, Rudi Vervoort (Bruxelles) ou Elio Di Rupo (Wallonie) sont pour la 3e fois à la tête de leur gouvernement régional.

Dernier sous-chapitre : la lutte contre toutes les formes de violence contre les femmes, pour laquelle se déploie une batterie de mesures destinées à contrer les violences sexuelles et intrafamiliales, allant de la sensibilisation et de la prévention à une meilleure prise en charge. Le PS veut plus de Centres de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS), des mécanismes d’alerte, un observatoire indépendant des violences faites aux femmes et même la création (en parallèle de la CIM droits des femmes existante ?) d’une conférence interministérielle spécifique à propos de la prise en charge des victimes.

“En ce qui concerne les violences conjugales et intrafamiliales, relève encore Juliette Léonard du CVFE, le PS propose de créer des places en hébergement pour les auteurs de violences afin de permettre l’éloignement du domicile de ceux-ci, ainsi que plus de places pour les femmes victimes de violences.”

Universalisme vs intersectionnalité

De façon générale, une majeure partie des propositions du PS est pensée à partir du constat des inégalités entre les femmes et les hommes. Les inégalités ne sont pas toujours visibilisées par l’écriture inclusive, comme pour l’intitulé du Chapitre 6, “Aînés”. Certaines thématiques restent aveugles au genre, celle du sans-abrisme, par exemple, comme ont pu le constater les membres de Vie Féminine pendant les rencontres avec des candidates des différents partis lors de l’atelier sur le sujet du logement, organisé juste avant le Grand débat des PrésidentEs*, le 20 avril dernier. À la décharge du PS, seules les candidates Ecolo et PTB ont pu amener un début de réponse aux questions des femmes concernées.

De façon générale, une majeure partie des propositions du PS est pensée à partir du constat des inégalités entre les femmes et les hommes. Les inégalités ne sont pas toujours visibilisées par l’écriture inclusive, comme pour l’intitulé du Chapitre 6, “Aînés”.

Relativement fréquemment, les mesures incluent également une analyse intersectionnelle, c’est-à-dire un examen des situations qui croisent les discriminations. Exemple extrait du programme : une “attention portée aux femmes racisées qui sont plus souvent victimes de stéréotypes dans l’accès aux soins de santé”. Ou encore la prise en compte de la plus grande vulnérabilité des femmes sans papiers, en les incitant à porter plainte et en ouvrant la possibilité d’être accueillie en refuge.

Cependant, l’analyse réalisée mi-avril par Vie Féminine sur la place des femmes dans les programmes des partis et dont axelle a publié des morceaux choisis pointe une confusion autour des termes “intersectionnalité” et “universalisme”, deux tendances féministes plutôt opposées. L’approche universaliste, inscrite dans l’histoire du mouvement féministe, fait actuellement l’objet de critiques en raison, selon l’approche intersectionnelle, de son manque de prise en compte des vécus des femmes les plus marginalisées. Dans son analyse, Vie Féminine se demande si cette double approche ne serait pas le résultat d’une “volonté de faire coexister différentes approches féministes, elles-mêmes représentées au sein du parti”.

Signe de cette intersectionnalité peu digérée : si les droits des femmes sont devenus “une matière à part entière pour le PS, analyse la conseillère politique de Vie Féminine, ils sont aussi séparés de ceux liés à d’autres “minorités””. La prise en compte des femmes est évidemment positive mais la relégation du racisme en toute fin du programme, dans un chapitre 37 consacré aux “Libertés individuelles et lutte contre les discriminations” et regroupant des sujets disparates, montre ce manque de compréhension approfondie de la notion d’intersectionnalité.

Signe de cette intersectionnalité peu digérée : si les droits des femmes sont devenus une matière à part entière pour le PS, ils sont aussi séparés de ceux liés à d’autres “minorités”.

À noter enfin que ce chapitre 37 dit vouloir “poursuivre la conquête de “nouvelles libertés” dont la nécessité se fait jour en même temps que sont rendus visibles les différents rapports de domination qui structurent notre société”. Mais entre des mesures visant à reconnaître les dimensions structurelles et systémiques du racisme, d’autres concernant l’IVG ou le renforcement de l’EVRAS, apparaît… la volonté d’encadrement de la pratique de la Gestation pour autrui (GPA). Les préconisations du PS s’appuient sur l’avis 86 du Comité belge de bioéthique, sur lequel axelle s’est penché.

Qu’adviendra-t-il, dans les faits, de ce programme assez favorable aux droits des femmes ? Lors du fameux débat des PrésidentEs*, à la question de savoir à quel compromis le PS était prêt à consentir vis-à-vis de ses futurs partenaires de coalition (éventuellement de droite) pour former un nouveau gouvernement, Caroline Désir affirmait que les droits des femmes ne se marchandent pas ; il est à espérer qu’il en soit réellement fini avec leur rôle habituel de variable d’ajustement.

Élections : on a lu le programme des Engagés avec des lunettes de genre

Un programme où la question de l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les discriminations occupent une large place, avec une approche transversale et des mesures en faveur des femmes et des plus vulnérables, notamment en matière de santé. Mais une vision de société qui place l’emploi et la compétitivité au cœur de ses priorités, parfois au mépris des solidarités.

© Odile Brée pour axelle magazine

Cet article fait partie d’une série de six articles consacrés aux programmes politiques des partis suivants côté francophone du pays, que nous publierons jour après jour du 23 au 30 avril (par ordre alphabétique) : DéFI, Ecolo, Les Engagés, le MR, le PS et le PTB.

“On n’est pas dans du saupoudrage, les femmes ont bel et bien leur place dans le programme des Engagés et dans plusieurs chapitres”, commente d’emblée Soizic Dubot, coordinatrice nationale à Vie Féminine, après lecture d’un programme dense et fourni. Dans sa bible de 703 pages, le parti centriste déploie ses ambitions et mesures pour construire “une société plus juste, plus libre et plus humaine” et celle-ci passera pour le parti par une série de mesures pour parvenir à l’égalité des genres (dont l’égalité entre les différentes identités sexuelles et la lutte contre toute discrimination à l’égard des LGBTQIA+). Un chapitre entier d’une vingtaine de pages (une bonne moyenne sur l’ensemble) lui est consacré.

Les mesures concernant les femmes, dispersées presque dans chaque chapitre du programme, s’articulent autour de ces objectifs principaux : réduire les stéréotypes de genre, mieux représenter, soutenir et tenir compte des femmes dans tous les domaines de la société.

Le socioéconomique

En matière socioéconomique, Les Engagés (comme tous les autres partis du sud du pays sauf le MR) s’engagent pour la suppression du statut de cohabitant·e, revendication féministe de longue date. Sans parler spécifiquement des femmes, Les Engagés indiquent que l’individualisation des droits “concerne les familles monoparentales, les pensionnés, les personnes isolées en priorité”. Le parti se montre donc favorable à sa suppression à condition toutefois de “prendre en compte des pièges à l’emploi” : un argument maintes fois démonté par les syndicats, mouvements féministes et organisations sociales qui soulignent plutôt que le statut de cohabitant·e est un piège à l’autonomie financière, des femmes notamment. À condition aussi, pour le parti, de réfléchir au financement (la Cour des comptes a estimé à 1,9 milliard d’euros le coût de la mesure).

“Sur les pensions, Les Engagés veulent prendre en compte les périodes assimilées, les temps partiels et autres périodes qui nuisent au calcul des pensions des femmes”, relève Soizic Dubot. Les Engagés soulignent aussi leur volonté “d’étendre ces assimilations notamment aux périodes reconnues d’aidant proche”.

Ils ne sont en revanche pas pour un retour à un âge légal de la pension à 65 ans, “parce qu’il n’y a aucune majorité politique pour le faire et la soutenabilité financière de la sécurité sociale, et plus particulièrement du système de pension, est réellement en péril et ne permet pas cette mesure”, expliquent-ils dans une analyse des programmes publiée par le MOC. “Il est proposé de pouvoir permettre à ceux qui le “voudraient” de pouvoir travailler plus longtemps – nous pouvons imaginer l’impact sur les plus précaires – ainsi que de permettre le bénévolat – ce qui pose des questions sur la création d’emplois pérennes”, repère Juliette Léonard, chargée d’étude au Collectif contre les Violences Familales et l’Exclusion (CVFE), au sujet des pensions.

Au menu socioéco toujours, on soulignera aussi les propositions d’extension de la gratuité scolaire, le relèvement du montant des allocations sociales lorsqu’il est en dessous du seuil de pauvreté, la revalorisation du revenu d’intégration sociale (RIS) et du montant des allocations des personnes handicapées.

Autre mesure importante pour les femmes, “l’optimisation du fonctionnement du service des créances alimentaires” (SECAL), en renforçant et étendant les missions du SECAL pour lutter contre la précarité des familles monoparentales. Tout comme la nécessité de campagne d’information de ce service afin de “lutter contre le phénomène du non-recours”.

Dans cette même optique de lutte contre le non-recours (sujet de préoccupation des femmes du mouvement Vie Féminine). Les Engagés proposent aussi “une automatisation des droits et services auxquels les parents solos ont droit (réduire les factures énergétiques, télécoms, transports, bourses d’études, aides juridiques…)”.

Pour répondre au non-recours également, Les Engagés défendent “une alternative non numérique pour accéder à l’administration afin de garantir l’accès aux services publics pour chacun”, proposition qui a par ailleurs déjà fait l’objet d’une proposition de loi déposée par Vanessa Matz au Parlement fédéral.

Il y a un “mais”

Mais n’applaudissons pas si vite ces “mesures sociales”. Comme le souligne Juliette Léonard, du CVFE, “ces propositions concernant la sécurité financière des femmes nous semblent difficilement conciliables avec leur volonté de réduire les cotisations pour la sécurité sociale et leur rapport ambigu aux chômeurs/euses : malgré une reconnaissance de leurs difficultés, le parti souhaite, par exemple, limiter dans le temps la durée des allocations (à condition qu’elle soit articulée avec un droit à l’emploi et à la formation, stipule le programme), ce qui revient à s’en prendre à l’un des piliers de la sécurité sociale.”

Juliette Léonard rappelle également que dès les premières pages de son programme, le parti souligne que (nous citons le programme directement) “la sécurité sociale est structurellement en déséquilibre. La hauteur des cotisations sociales, bien qu’indispensables au financement actuel de notre sécurité sociale, nuit à la compétitivité des entreprises et à la création d’emplois.”
La CNE rappelle dans son analyse des programmes qu’”en 2012, le gouvernement PS-MR-CDH [aujourd’hui Les Engagés, ndlr] a renforcé la dégressivité des allocations de chômage et restreint l’accès aux allocations d’insertion entraînant l’exclusion de plusieurs dizaines de milliers de travailleurs au chômage”. Et de travailleuses, ajoutons-nous.

À plusieurs reprises dans leur programme, Les Engagés penchent vers une société de l’effort, plus que de la solidarité et de la redistribution, par exemple quand ils évoquent “l’octroi d’un “bonus bosseur” de 450 euros net pour récompenser l’effort et créer un vrai différentiel avec le chômage et les allocations, même pour les bas salaires et les temps partiels.”

Juliette Léonard relève aussi d’autres propositions comme la remise en question des cotisations patronales ou le souhait du parti de garantir le financement des pensions et de la Sécurité sociale via le financement alternatif (compensation des réductions de cotisations patronales, accises, taxes carbones, etc.) : “Ce qui, à nouveau, appauvrirait la sécurité sociale au profit des patrons”, commente-t-elle.

Tout comme la volonté de limiter l’indexation des hauts salaires et de réduire les cotisations sociales quand l’indexation dépasse 4 %. Si le programme ne se prononce pas sur les “flexi-jobs” – passés au crible de la critique par Ecolo, le PS et le PTB – la CNE relève que Les Engagés “veulent autoriser les heures supplémentaires chez les enseignants et les défiscaliser”. Une façon à nouveau assez individualiste de “revaloriser une profession”, comme ils s’engagent pourtant également à le faire. Et une mesure qui semble davantage aller vers un affaiblissement plus qu’un soutien du service public.

Évoquons aussi, en matière d’emploi, l’ambition des Engagés de mettre en place “une politique d’activation ferme, rigoureuse et intelligente qui passe par une réforme de l’accompagnement, de la formation et du contrôle du Forem et d’Actiris.” Ici, pas d’analyse de genre ou d’approche intersectionnelle qui permettrait pourtant de mettre en avant les dégâts de ces politiques d’activation sur la vie des femmes et des hommes. Les Engagés le disent et le répètent : “Pour arriver à un taux d’emploi de 80  % en 2030 comme l’a promis le gouvernement De Croo, il faut agir sur tous les facteurs : fiscalité, lutte contre les pièges à l’emploi, maintien des travailleurs âgés au travail, intégration des publics éloignés de l’emploi, lutte contre les causes des absences de longue durée…”

Pour s’inscrire à la newsletter mensuelle d’axelle mag’, c’est par ici !

Détails qui n’en sont pas

Le diable se niche parfois dans les détails. Parfois même, des mesures présentées comme égalitaires débouchent aussi sur la division et la concurrence entre demandeurs/euses d’emploi et travailleurs/euses. Exemple : le parti centriste veut “donner la possibilité pour les demandeurs d’emploi d’avoir un accès à un milieu d’accueil pour leur enfant lors de leurs démarches de recherche d’emploi ou de formation, notamment via le système de halte-garderie”. Pour y arriver, il suggère de “revoir l’actuel mécanisme des places prioritaires “temps plein” pour les demandeurs d’emploi afin de libérer des places pour les parents qui travaillent.”

“Comme le MR, bien que ce ne soit pas aussi structurant au sein de leur programme, Les Engagés actent une distinction entre “ceux qui travaillent” qu’il faudrait récompenser et ceux qui ne “travaillent pas”, sans mentionner la montagne de travail domestique effectué par les femmes”, commente Juliette Léonard.

Même piège quand le parti évoque les titres-services. Ce système, rarement remis en question “au nom de l’”emploi”” est critiqué de longue date par le mouvement Vie Féminine qui pointe plusieurs problèmes. D’abord, le coût du système pour l’État, qui préfère soutenir des dispositifs privés plutôt que d’investir dans des services collectifs où chaque personne paierait selon ses revenus. Et puis le statut précaire des aides-ménagères, souvent en temps partiel et faiblement rémunérées, avec très peu de possibilités d’évolution de carrière. Un système qui d’après Vie Féminine “naturalise les compétences des femmes, poussées vers ces emplois considérés comme “convenables” soit par manque de qualifications, soit encore parce que leurs diplômes, acquis à l’étranger, ne sont pas reconnus en Belgique”. Et enfin, un système qui conforterait les femmes dans leur rôle traditionnel de ménagère au détriment d’un meilleur partage des tâches domestiques.

Qu’en pensent Les Engagés ? Ils veulent “étendre le régime des titres-services à d’autres activités (jardinage, réparations domestiques) afin de favoriser l’égalité d’accès entre les hommes et les femmes”… Vu comme ça, cela nous semble être davantage favoriser l’égalité d’accès à la précarité.

La conciliation vie privée/vie professionnelle, priorité de l’égalité des genres

Les Engagés souhaitent créer plus de places en crèche – publique ou privé, ce n’est pas précisé. Ils défendent un allongement du congé de paternité pour l’aligner sur celui de maternité afin d’impliquer les deux parents, l’adaptation des rythmes scolaires à la réalité des familles, l’aboutissement de la réforme de l’Accueil temps libre (qui concerne les écoles de devoirs, centres de vacances et accueil extra-scolaire)… Ces mesures visent pour le parti à assurer une meilleure répartition de la charge domestique et de la charge mentale (citée dans le programme) entre les femmes et les hommes mais aussi permettre que la maternité ne soit plus un obstacle à l’emploi pour les femmes.

Les Engagés ne sont par contre pas favorables à la réduction collective du temps de travail à 32h/semaine sans perte de salaire. Les Engagés veulent la semaine de 4 jours sans réduction du temps de travail (ce qui correspond au “Jobs Deal” voté sous cette législature). Ils proposent même de “permettre aux parents qui le souhaitent de pratiquer un horaire “accordéon” : 31h de travail hebdomadaire une semaine sur deux et 45h les autres semaines, par exemple”… Là, on se demande comment cette mesure bénéficiera à une meilleure répartition du travail de care entre les femmes et les hommes… Les Engagés ont-ils oublié dans cet horaire la notion de double journée des femmes évoquée par ailleurs à d’autres pages ? Les femmes ne seront-elles pas dans ces vies en “accordéon” encore plus pressées comme des citrons ?

La famille, les familles

La famille tient une grande place dans l’histoire de ce parti et dans ce programme. Mais on remarquera l’ouverture à la pluralité des familles : “Elles sont nucléaires, monoparentales, recomposées, séparées. En Belgique 10  % des familles sont monoparentales et en Wallonie ce chiffre monte à 12  %. 83  % d’entre elles ont à leur tête une femme. Plus de 15  % des familles sont recomposées. D’un couple parental exclusivement hétérosexuel, nous sommes passés à d’autres types de parentalités possibles : homoparentalité, parentalité sociale, monoparentalité…”

Trois mesures importantes à ce sujet. D’abord, la création d’un statut “famille monoparentale” : un statut, qui sera reconnu dans une série de domaines comme c’est le cas pour les ”familles nombreuses”. Ensuite, “permettre aux ménages dès 2 enfants de bénéficier des avantages des familles nombreuses, au lieu de 3, y compris pour les familles recomposées”. Enfin, la volonté de mettre fin à la discrimination envers les familles homoparentales et monoparentales dans le processus d’adoption.

Santé et care

La santé occupe une grande place dans le programme des Engagés. Une santé qui tient compte des inégalités. Le parti veut mettre en œuvre une norme de croissance des soins de santé de 3,5  %.  Elle est de 2,5 aujourd’hui.

Les Engagés ont écouté les associations féministes, on le voit à travers plusieurs mesures. Le parti souhaite ainsi, à l’instar des trois partis de gauche, élargir le remboursement à tous les contraceptifs pour toutes les femmes de tous les âges et rendre la pilule du lendemain gratuite. Pas de mention de l’accès à la stérilisation des femmes en âge de procréer. En revanche, le programme invite à mener “des campagnes de sensibilisation en faveur de la vasectomie”.

Il affiche aussi son souhait d’“améliorer la sensibilisation, la prévention et la recherche sur les maladies ou évolutions spécifiquement féminines, comme l’endométriose, le cancer du sein et de l’ovaire, la ménopause, les problèmes cardiaques.” Les violences obstétricales ne sont pas oubliées, avec mention qu’elles sont accrues “pour les femmes de couleur”. Les Engagés consacrent aussi plusieurs paragraphes à la santé physique et mentale des femmes qui viennent d’accoucher. “Le parti propose de créer un Observatoire de la naissance, d’informer les femmes sur leurs droits (avec une attention particulière pour les femmes ne parlant pas la langue régionale ou en grande situation de précarité)”, relève Juliette Léonard.

Le programme appelle aussi à “améliorer l’offre de soins pour les personnes LGBTQIA+ comme le remboursement des soins gynécologiques et andrologiques pour les personnes trans”.

Sur l’EVRAS (éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle), le parti montre son soutien mais précise qu’il faudra “confier à une équipe composée notamment de pédopsychiatres le soin de reparcourir le Guide EVRAS pour qu’il soit plus neutre idéologiquement et plus respectueux de l’âge des élèves afin d’offrir l’outil le plus adéquat au corps professoral et autres intervenants”.

Autre sujet crucial au chapitre santé : l’avortement. Les Engagés posent l’avortement comme “un droit essentiel qu’il convient de défendre, à l’heure où l’on constate ailleurs dans le monde des reculs inquiétants de ce droit voire des remises en cause totales de celui-ci.” Le parti n’hésite pas à citer les “relents conservateurs” de la Hongrie ou de la Pologne quelques centaines de pages plus loin. Les Engagés veulent dépénaliser intégralement l’avortement pour les femmes, et l’inscrire dans la Constitution. Le parti souhaite améliorer l’encadrement psychologique et médical des familles qui ont recours à l’IVG. Quant au délai de réflexion, il souhaite le réduire et non le supprimer, comme le demande la plateforme pour le droit à l’avortement.

“Nous sentons quelques réticences dans des propositions telles que “Allonger raisonnablement, notamment à la lumière de considérations médicales susceptibles d’impacter la femme et ses futures grossesses éventuelles, le délai endéans lequel un avortement peut se pratiquer hors de tout motif de santé” ou “Offrir, sur cette question et les autres de nature bioéthique, la liberté de vote à nos parlementaires dès lors que ces enjeux touchent aussi à l’intime du parcours de vie de chacun”, pointe également Juliette Léonard.

Le parti souligne aussi sans nuances que “quelles qu’en soient les circonstances, un avortement est toujours un moment vécu comme une douleur profonde pour chacune des femmes qui y a recours, à n’importe quel stade de la grossesse”. Ce qui nous semble essentialiser l’expérience multiple des femmes.

Plus globalement, Les Engagés proposent plusieurs mesures qui vont dans le sens d’une société du care : revalorisation des métiers du care comme les puériculteurs/trices, développement d’infrastructures et de mesures économiques en faveur de l’autonomie des aîné·es, des personnes handicapées, des familles monoparentales, etc.

Violences intrafamiliales et contre les femmes

Les Engagés placent “les violences intrafamiliales, contre les femmes et les mineurs en général” parmi les menaces principales, au côté de la criminalité organisée au sens large dont le trafic de drogue et la criminalité économique et financière organisée, l’extrémisme et le terrorisme violents, et le cybercrime.

Les Engagés s’inspirent et demandent le respect de la Convention d’Istanbul, se montrent favorables au développement des CPVS, les Centres de prise en charge des violences sexuelles (et ainsi “permettre de déposer la plainte à l’hôpital afin d’encourager la dénonciation des faits”), réclament plus de places en hébergement pour les victimes de violences, des places prioritaires dans le logement social, un statut de résidence autonome pour les femmes migrantes en cas de violences de genre, la formation des professionnel·les pour une meilleure prise en charge des victime, etc. Le parti souhaite aussi soutenir des Centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales pour prévoir un suivi des auteurs (travail de l’asbl Praxis, en Belgique).

Le parti déplore qu’actuellement, lorsque les enfants sont en grande souffrance, les concepts “d’alinéation parentale dans le chef de la mère” ou de “gros problème de conflit parental” sont trop rapidement mis en avant par ces services à tort (sujet maintes fois traité dans nos pages). Il veut “permettre la suspension temporaire du droit de garde des enfants à l’égard de l’auteur poursuivi pour violences à l’égard de la mère des enfants”.

Il souhaite aussi “à l’entame de la prochaine législature, la mise sur pied d’une commission parlementaire spéciale qui formule des recommandations à mettre en œuvre rapidement pour assurer une meilleure prise en charge des enfants victimes de violences sexuelles dans la logique des 3P : Prévention, Poursuite, Protection”.

Diversité

Les Engagés manifestent leur volonté de “réussir la cohésion interculturelle” pour “faire société ensemble”. Ils ne veulent ni du “communautarisme”, ni de “l’assimilation” ni d’une société “simplement multiculturelle”. Cela passe notamment par un “socle de valeurs de base universelles communes, une base d’adhésion collective telle que l’universalité des droits humains et des libertés, dont la liberté de croire comme celle de ne pas croire ; les principes et règles démocratiques, les notions de liberté ; fraternité ; “dignité” […] mais aussi “l’inclusion, la non-discrimination, le respect et la lutte contre le racisme”.”

“Comment concrètement veulent-ils respecter la différence culturelle et convictionnelle dans un cadre commun ?”, se demande Soizic Dubot. Difficile d’y répondre. Parmi les mesures proposées, on trouve des formations à la diversité pour un tas de professions, avec un focus sur la Justice et la police. Mais aussi le “soutien sur le plan culturel et de l’éducation permanente de toutes les initiatives relatives à la mise en place d’un dialogue et d’une mémoire collective coloniale assumée entre les pays concernés”. Ou encore l’inscription dans les programmes scolaires (“dans les limites de la liberté pédagogique de chaque pouvoir organisateur”) des questions relatives à l’esclavage, au passé colonial et aux colonialismes ainsi que de l’histoire des migrations et des phénomènes migratoires passés et contemporains, sans oublier le “devoir de mémoire”. Et toujours sur le passé colonial, “l’objectif affiché d’Exercer un Devoir inclusif collectif de Mémoire coloniale”. C’est-à-dire ?

Les Engagés souhaitent autoriser les signes convictionnels dans l’espace public (tant que ceux-ci ne s’opposent pas, selon eux, à la loi et à la sécurité), mais y sont opposés dans la fonction publique, dans le système scolaire pour les mineur·es et réservent le droit de décider aux établissements de l’enseignement supérieur.

Migrations

Le chapitre “Migrations” compte 9 pages. C’est peu au vu de l’enjeu actuel et futur et du bilan catastrophique du dernier gouvernement sur la question de l’accueil notamment – ou plus exactement du non-accueil. Le parti rappelle que la Belgique – maintes fois condamnée – doit respecter les conventions internationales. Leurs mesures varient entre ouverture et fermeture. Côté” fermeture”, Les Engagés proposent de “s’appuyer davantage sur l’Agence européenne d’asile et l’Agence européenne de protection des frontières (Frontex) pour épauler les autorités nationales sur le terrain”.

Frontex (qui a changé de nom et s’appelle désormais “Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes”) est “le symbole et le bras agissant des politiques européennes de verrouillage des frontières”, dénonçait le Ciré. À l’heure où nous bouclons ces lignes, le gouvernement discute précisément le projet de loi Frontex dont l’objectif est la création d’un contingent permanent du corps européen de garde-frontières et de garde-côtes afin de soutenir les États membres dans la mise en œuvre de leur politique de retour forcé.

On lira aussi dans ce chapitre des mesures appelant au renforcement de l’immigration choisie ou légale, contre l’enfermement des enfants (mais pas pour la suppression des centres fermés…), pour le renforcement des voies légales de migration en établissant un cadre légal qui tienne compte des personnes vulnérables (femmes, mineur·es non accompagné·es (MENA), victimes de tortures et de traumatismes, etc.). Les Engagés veulent aussi “favoriser une politique de retour proactive”.

Mention aussi du Pacte sur la migration et l’asile qui “devrait avoir pour objectif de mieux gérer les flux migratoires au sein de l’Union européenne ainsi que les demandes d’asile”, selon Les Engagés. Cet accord, qui vient d’être voté, a été dénoncé par une frange importante de la société civile comme “s’inscrivant dans la continuité d’une décennie de politiques qui ont conduit à la prolifération des violations des droits en Europe”.

Sur la régularisation enfin, Les Engagés défendent le “cas par cas” : “Envisager une nouvelle campagne de régularisation, qui ne soit pas aveugle et massive, mais sur base de critères légaux et objectifs, au cas par cas, afin de répondre tant à nos obligations sociales et humanitaires que pour procurer la main-d’œuvre attendue dans les métiers en pénurie”.

Régulariser “au cas par cas”, ne pas fermer les frontières mais “ne pas accueillir tout le monde”. Des allocations, mais pas trop longtemps. De la “cohésion interculturelle” dans une société universelle… Le programme des Engagés penche d’un côté puis de l’autre – ce qui peut parfois donner le mal de mer – et on se demande surtout ce qu’il en sera dans sa mise en œuvre. Sur le plan socioéconomique, le cap des Engagés est plus clair. Il n’exclut pas des mesures de solidarité, mais semble souvent vite rattrapé par la compétitivité qui, on le sait, ne rime pas toujours avec l’égalité.

Élections : on a lu le programme d’Ecolo avec des lunettes de genre

Un programme clairement nourri des revendications féministes, une grille de lecture intersectionnelle, l’enjeu climatique arrimé aux luttes sociales : le programme d’Ecolo est sorti. Il est long, mais changer de société, ça prendra du temps. Un peu plus, peut-être, que cinq ans…

© Odile Brée pour axelle magazine

Cet article fait partie d’une série de six articles consacrés aux programmes politiques des partis suivants côté francophone du pays, que nous publierons jour après jour du 23 au 30 avril (par ordre alphabétique) : DéFI, Ecolo, Les Engagés, le MR, le PS et le PTB.

“De manière générale, brosse Zélie Legros, chargée d’étude à Vie Féminine, à la lecture du programme d’Ecolo, on note la volonté – peut-être un peu trop rêveuse ? – de ce parti de mettre en avant la justice sociale, de mettre le focus sur les mesures proposées en regardant l’impact sur les personnes les plus précaires et sur les femmes. On voit son intérêt pour des questions intersectionnelles. Le programme est plutôt facile à lire… Mais, ironique pour un parti qui veut prôner l’accessibilité, c’est quand même très long, 348 pages !” On est donc allées à l’essentiel.

Rendez-vous pris pour le socioéconomique

En mars-avril (n° 257), nous avons pris le pouls des revendications des associations féministes. Le programme d’Ecolo en rencontre beaucoup, à commencer par les matières socioéconomiques. Sur le volet de l’individualisation des droits, par exemple, Ecolo suit la demande féministe de longue date de mettre fin au discriminant statut de cohabitant·e, tout comme la plupart des partis dont nous avons ausculté les propositions (DéFI, Les Engagés, PS et PTB, à l’exception du MR qui ne s’y déclare pas favorable). Rajae Maouane, co-présidente d’Ecolo invitée au Grand débat des présidentEs* de parti organisé par Vie Féminine le 20 avril, reconnaissait : “Nous n’avons pas pu l’obtenir dans la coalition Vivaldi. Côté francophone des partis au gouvernement, cela faisait consensus ; pas au Nord. Ce sera un point prioritaire pour nous lors des prochaines négociations auxquelles on espère participer.”

Ecolo formule de nombreuses propositions pour améliorer la vie des personnes les plus précaires et renforcer notre système de solidarité : tarifs sociaux, système d’amende proportionnel aux revenus, sécurité sociale alimentaire.

La lutte contre le non-recours via l’automatisation des droits sociaux, le maintien d’un minimum de guichets de proximité des services publics – revendications importantes pour de nombreuses associations de femmes et de terrain : oui, c’est dans le programme. On a envie de dire “c’est validé”. Le soutien aux familles monoparentales, notamment en revalorisant l’accès au SECAL et en étendant ses missions, y figure aussi… Étrangement, Ecolo ne propose pas explicitement dans son programme, comme le fait par exemple le PS, de le faire évoluer vers un fonds universel de créances alimentaires sur le modèle de l’ARIPA en France, un service qui prendrait en compte toutes les créances alimentaires de façon automatique dès qu’elles sont fixées dans une décision de Justice. Pourtant, le parti porte cette ambition puisqu’il a, via sa précédente secrétaire d’État fédérale à l’Égalité, Sarah Schlitz, commandé une étude de faisabilité quant à ce fonds universel. Étude qui doit livrer ses conclusions avant la fin de la législature. Un oubli dans le programme ?

Juliette Léonard, chargée d’étude au Collectif contre les Violences Familiales et l’Exclusion, va dans le même sens que Zélie Legros après avoir aussi analysé l’ensemble des programmes. Elle précise : “Ecolo formule de nombreuses propositions pour améliorer la vie des personnes les plus précaires et renforcer notre système de solidarité : tarifs sociaux, système d’amende proportionnel aux revenus, sécurité sociale alimentaire.” Juliette Léonard reste toutefois mitigée quant à l’attachement profond d’Ecolo à la protection des services publics, peu développée selon elle dans le programme : peu de critiques du secteur privé, influence du modèle de l’“allocation universelle”… Elle pointe également le fait que le parti ne fait quasiment pas de mention des syndicats.

“Ecolo se positionne contre les “emplois atypiques”, du style “flexi job”, analyse encore Juliette Léonard, avec une volonté que le CDI reste la norme, mais sans pour autant développer autant de protections pour ce type d’emploi que le PS ou le PTB.” À noter aussi la garantie d’allocations sociales supérieures au seuil de pauvreté ; un revenu de base de 580 euros (indexé) pour les 18-25 ans (un peu trop peu, non ?) ; la possibilité pour chaque travailleur/euse de prendre une “pause” d’un an sur l’ensemble de sa carrière tout en gardant une rémunération de 1.500 euros net par mois, ou le “droit à la démission” sans pénalités en termes d’allocations de chômage…

Fin du mois et fin du monde

“L’austérité est incompatible avec la transition écologique et la justice sociale”, résume le programme. La lutte contre la précarité énergétique, analyse Zélie Legros, amène à la fois à penser à des améliorations en termes de qualité de logement et d’énergie, mais aussi à des mesures sociales comme l’élargissement du tarif social, la régulation des prix des loyers et la lutte contre la spéculation, la lutte contre les logements vides et les expulsions domiciliaires, l’encouragement pour différentes formes d’habitat et l’ambition de politiques publiques de logement intégrant les questions de genre et les publics précarisés.

À propos de l’énergie, pointons un sujet éminemment féministe, à la fois presque identitaire pour Ecolo, et important pour axelle qui lui a consacré fin 2022 un dossier : le nucléaire.

À propos de l’énergie, pointons un sujet éminemment féministe, à la fois presque identitaire pour Ecolo, et important pour axelle qui lui a consacré fin 2022 un dossier : le nucléaire. Ecolo est peut-être le parti le plus explicite à ce sujet – encore une fois, hors bilan du gouvernement… : “Le nucléaire n’est ni une énergie propre ni une énergie renouvelable, et tous les efforts de communication du lobby nucléaire ne pourront rien y changer. C’est une énergie dangereuse, chère et qui n’est pas flexible. Le nucléaire nous mène dans une impasse : malgré les décennies de recherche, le nucléaire – petit ou grand – sans production de déchets dangereux n’existe toujours pas.” L’ambition : sortir totalement, et par étapes, du nucléaire, fermer les derniers réacteurs, poursuivre la recherche d’une solution fiable pour stocker les déchets nucléaires et accélérer le désarmement nucléaire multilatéral.

Qui dit prendre soin, dit réorganisation collective

Ecolo – aboutissement logique de sa vision de la société dans laquelle la productivité ne semble clairement pas être la valeur centrale – se prononce en faveur de la mise en place progressive d’une réduction collective du temps de travail, avec la perspective de tendre vers 32 heures/semaine avec maintien du salaire net pour les bas et moyens salaires. Aux antipodes de ce que la Vivaldi a finalement pondu (une “semaine des 4 jours”, mais pour 38h, sans réduction du temps de travail). Cette semaine de 32 heures, la plupart des syndicats y sont d’ailleurs favorables. L’objectif : dégager davantage de temps et aller vers plus d’égalité, à la fois au travail, mais aussi dans la vie privée, avec un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle. Son financement, ça va marcher comment ? Ecolo propose une diminution des cotisations sociales de l’employeur/euse en misant sur les effets directs d’une telle réduction collective du temps de travail dans les caisses de l’État (diminution du taux de chômage et des maladies de longue durée) : de quoi laisser légèrement sceptique.

Ecolo se prononce en faveur de la mise en place progressive d’une réduction collective du temps de travail, avec la perspective de tendre vers 32 heures/semaine avec maintien du salaire net pour les bas et moyens salaires.

Attention, aussi, à penser cette transformation collective du temps de travail de façon féministe. Le temps dégagé ne doit pas se faire au détriment des femmes, qui prendraient encore davantage en charge les tâches de soin aux autres. Que pense Ecolo à ce sujet ?

“Dans son programme, constate Juliette Léonard, Ecolo se revendique du féminisme et mentionne vouloir combattre le patriarcat. Les thématiques liées aux femmes sont transversales, avec de récurrents points d’attention. Et nous trouvons un point consacré à “une égalité enfin réelle entre les femmes et les hommes” dans une partie plus large qui regroupe les propositions pour “une société plus égalitaire et plus juste”.”

Dans ce chapitre, Ecolo propose également de renforcer les possibilités de “mieux combiner vie privée et vie professionnelle”. Comment ? À travers le renforcement des congés thématiques et de crédit-temps, un renforcement des services collectifs (crèches, accueil temps libre, renforcement des services d’accompagnement à la parentalité avec une attention particulière pour les familles en difficulté…). Mais quand on se penche sur les places en milieu d’accueil, fait remarquer Zélie Legros, on observe qu’Ecolo ne propose que 5.000 places supplémentaires. Trop peu pour être rassurant. Enfin, le parti mise sur une revalorisation des métiers dits “essentiels” – dont les métiers du soin aux autres – par de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Le parti souhaite aussi élargir le congé parental et assurer un congé de naissance de 15 semaines pour les deux parents.

“Une approche genrée de la santé”

“Ecolo, note Juliette Léonard, développe dans son programme une approche genrée de la santé et tient en compte des aspects qui touchent spécifiquement les femmes comme la grossesse, les menstruations, la ménopause, les maladies cardiovasculaires et l’endométriose. Ecolo affiche la volonté de fournir aux femmes les outils nécessaires à la connaissance de leurs corps, mais également de réaliser les tests cliniques de façon différenciée pour les hommes et les femmes, d’instaurer des “référent·es genre” dans les hôpitaux et de former les professionnel·les de la santé à propos des sujets qui touchent les femmes. Le parti souhaite lutter contre les violences obstétricales et gynécologiques et créer un “Observatoire national pour une naissance respectée”.”

Ecolo  développe dans son programme une approche genrée de la santé et tient en compte des aspects qui touchent spécifiquement les femmes comme la grossesse, les menstruations, la ménopause, les maladies cardiovasculaires et l’endométriose.

Niveau contraception et IVG, Ecolo se positionne pour un accès gratuit à la contraception féminine, mais aussi masculine (en lisant axelle cet été, vous pourrez vous faire votre propre opinion au sujet de cette dernière). Quant à l’avortement, qui a fait l’objet d’un compromis politique des partis de la majorité avec le parti chrétien flamand CD&V (il ne voulait pas monter au gouvernement sans la garantie d’un statu quo à ce sujet), toutes les avancées proposées au Parlement sont actuellement bloquées. Ecolo, comme de nombreux partis francophones, veut totalement dépénaliser l’IVG, augmenter le délai (à 22 semaines), mais aussi supprimer le délai de réflexion, renforcer l’accès aux publics vulnérables…

Sarah Schlitz : “Contrairement à d’autres droits pour lesquels la Belgique est considérée plus à la pointe que d’autres pays européens, en ce qui concerne l’avortement, on en est quasiment à la même situation qu’en 1991.”

Sarah Schlitz, députée fédérale Ecolo, candidate et ancienne secrétaire d’État à l’Égalité des genres, constatait elle-même récemment, lors d’une interview à axelle (à paraître prochainement) : “Contrairement à d’autres droits pour lesquels la Belgique est considérée plus à la pointe que d’autres pays européens, en ce qui concerne l’avortement, on en est quasiment à la même situation qu’en 1991.” Peut-être donc que la mesure politique la plus subversive serait de permettre aux femmes de disposer de leur propre corps. Reste à savoir si l’IVG constituera à nouveau, ou pas, un enjeu qui peut attendre cinq ans. Et risquer d’être menacé entre-temps ?

Pour s’inscrire à la newsletter mensuelle d’axelle mag’, c’est par ici !

Chapitre migration

Un impensé dans le programme, malgré une lecture intersectionnelle transversale : les femmes migrantes demandant l’asile pour avoir fui des pays pénalisant l’IVG, un sujet sur lequel axelle a récemment mené l’enquête. En France, la sénatrice écologiste Mélanie Vogel – rencontrée au même moment que Sarah Schlitz, quelques jours avant la rédaction de cet article – a précisément déposé une proposition de loi afin que les poursuites pénales encourues à la suite d’une IVG deviennent un motif d’asile. Inspirant.

D’autant plus qu’en matière de migration, c’est une nouvelle fois difficile de lire l’ambitieux programme d’Ecolo sans faire le lien avec le terrible bilan du gouvernement. Ainsi que le reconnaissait Rajae Maouane, “c’est le chapitre de la Vivaldi avec lequel nous sommes le plus mal à l’aise. Ainsi que nous l’avons manifesté auprès du Premier ministre et des autres ministres, c’est une vraie difficulté pour nous.” Idéal, donc, d’Ecolo : une politique de régularisation transparente basée sur des critères clairs, inscrits dans la loi ; une politique migratoire “respectueuse des droits fondamentaux”, avec des voies de migration sûres et légales, un accueil et un accompagnement pour tous·tes, la suppression de l’infraction pénale de “séjour illégal”, etc. De nouveau, nous verrons ce qui constituera une ligne rouge à ne pas franchir pour la prochaine législature.

Racisme et violences de genre

Ecolo développe diverses propositions pour lutter contre le racisme, dont la mise en place du plan interfédéral NAPAR. On retrouve aussi des mesures pour lutter contre le racisme dans le monde du travail, comme le recours aux tests de discrimination pour lutter contre les discriminations à l’embauche.

En ce qui concerne le rapport au passé colonial, les objectifs sont très explicites : la Belgique doit livrer des excuses officielles aux peuples congolais, burundais, rwandais, premier pas vers la reconnaissance des immenses préjudices subis ; introduire des référentiels scolaires ambitieux ; utiliser l’espace public comme un espace de lutte contre la propagande coloniale et ses conséquences – dont, bien sûr, le racisme.

En matière de lutte contre les violences de genre, Ecolo, qui peut se targuer d’avoir été à l’origine d’avancées majeures en la matière dans le dernier gouvernement fédéral, développe de multiples pistes. À commencer par l’accessibilité de la Justice…

Enfin, en matière de lutte contre les violences de genre, Ecolo, qui peut se targuer d’avoir été à l’origine d’avancées majeures en la matière dans le dernier gouvernement fédéral, développe de multiples pistes. À commencer par l’accessibilité de la Justice, “en levant les obstacles financiers, procéduraux et géographiques, via notamment un renforcement de l’aide juridique et le maintien d’une justice de proximité”. Une philosophie – la proximité des services essentiels – qui se ressent d’ailleurs dans l’ensemble du programme.

Juliette Léonard pointe entre autres la proposition d’améliorer “la prise en charge des victimes et la réparation des dommages subis par celles-ci” : une étape vers la reconnaissance de la nécessité d’une réparation plus large que judiciaire. En espérant que cela ouvre la voie à une réflexion sur les enjeux spécifiques que vivent les femmes victimes de violences conjugales pour se reconstruire… et l’adoption d’un “pack reconstruction”, comme Vie Féminine le revendique.

Ecolo, comme le PS, le PTB – et même, dans une certaine mesure, Les Engagés – a été à l’écoute des mouvements féministes ces dernières années : ce constat se retrouve clairement dans son programme.

Le parti souhaite également renforcer “la prise en compte des enjeux liés au genre dans les procédures judiciaires” en formant les professionnel·les de la Justice et en créant des tribunaux spécialisés dans les violences intrafamiliales, comme c’est le cas en Espagne (et en cours de test à Charleroi), afin de “détecter les processus de domination et de violence (emprise, contrôle de coercition…) et d’écarter le recours à des concepts non fondés scientifiquement (tel que le syndrome d’aliénation parentale)”. Notons pour finir l’ambition du parti de lancer un “plan interfédéral de prévention et de lutte contre les violences faites aux enfants y compris en milieu intrafamilial, avec une attention particulière accordée à l’inceste”. Une nécessité, car l’enjeu est multidimensionnel ; l’ensemble des institutions et des niveaux de pouvoir sont concernés.

Ecolo, comme le PS, le PTB – et même, dans une certaine mesure, Les Engagés – a été à l’écoute des mouvements féministes ces dernières années : ce constat se retrouve clairement dans son programme. Reste à savoir à quelle sauce ces propositions seront mangées et quelles concessions seront faites, ou non, au moment d’aller à la table des négociations. Le bilan plus que mitigé du dernier gouvernement – encore en fonction à l’heure d’écrire ces lignes – ne laisse pas la place à un optimisme fou. Les associations féministes sauront, espérons-le, leur rappeler leurs engagements.

Élections : un débat politique 100 % féminin, ça se passe comment ?

En avril, on ne perd pas le fil des campagnes électorales ! Et puisque les échéances sont cette année plus que jamais nombreuses, à quelques semaines des premières élections régionales, fédérales et européennes, le mouvement féministe belge Vie Féminine organisait le 20 avril le “Grand débat des présidentEs de parti”. Alors, ça change quoi, un panel 100 % féminin ? axelle, partenaire de l’événement, en raconte les coulisses.

De gauche à droite : Lyseline Louvigny (Les Engagés), Caroline Désir (PS), Rajae Maouane (Ecolo), Sofie Merckx (PTB) et Sophie Rohonyi (DéFI) étaient présentes au Grand débat des présidentEs de parti organisé le 20 avril 2024 par Vie Féminine. © Vanessa Vanderkelen / Bigoudis Photos

PrésidentEs de parti ? Enfin, presque, puisque dans notre pays, les partis politiques sont toujours présidés par des hommes, en immense majorité. Mais pour une fois, le panel du débat était 100 % féminin. Un événement organisé par les femmes de Vie Féminine, avec une envie commune : se rendre aux urnes le 9 juin prochain en pleine connaissance de leurs droits… mais aussi des programmes.

Petit comité et non-mixité

L’événement a débuté avec des tables de discussion entre femmes du mouvement sur des thématiques du ressort (notamment) de compétences régionales : le logement, l’accueil de la petite enfance, l’insertion socio-professionnelle, la lutte contre les violences masculines ou encore la lutte contre le “tout numérique” et le “non-recours” aux droits.

Ces tables d’échange, en petit comité et en non-mixité, ont permis aux participantes de confronter et d’étoffer leurs idées sur une thématique précise. Pour préparer ensemble le dialogue avec les candidates, trouver un consensus sur des questions à leur poser, puis débriefer entre elles une fois les candidates rencontrées. Un espace de renforcement entre femmes, mais aussi une (trop) rare occasion pour les participantes d’interroger directement des personnalités politiques.

Les candidates Ludivine de Magnanville (DéFI), Séverine de Laveleye (Ecolo), Armelle Gysen (Les Engagés), Kyriaki Michelis (PS, en photo ci-dessus) et Françoise De Smedt (PTB) ont circulé entre les différentes tables thématiques. © Vanessa Vanderkelen / Bigoudis Photos

Les candidates Ludivine de Magnanville (DéFI), Séverine de Laveleye (Ecolo), Armelle Gysen (Les Engagés), Kyriaki Michelis (PS) et Françoise De Smedt (PTB) ont donc circulé entre les différentes tables thématiques et rencontré les participantes pour un moment d’échange chronométré.

“J’ai été heureuse d’avoir cette rencontre avec toutes ces femmes de Vie Féminine notamment, témoigne Gwendolina Cramaro, bénévole à Vie Féminine à Namur. Ça fait du bien et ça permet de créer une belle énergie, de se sentir moins isolée, moins seule à vivre toutes ces discriminations, ces difficultés d’émancipation et ces situations de violence.”

Gwendolina Cramaro a toutefois ressenti un décalage avec les femmes politiques présentes. “Pendant les tables rondes, j’avais le sentiment parfois d’avoir un décalage entre la réalité de vie des femmes politiques et les nôtres, nos situations socioéconomiques ne sont pas du même niveau. On se demande comment une femme qui vient d’un milieu socioéconomique plutôt élevé, avec un patrimoine, un soutien logistique et financier, peut réellement se mettre à notre place. Donc je trouve que c’est essentiel d’intégrer dans la construction des programmes le milieu associatif, qui est en contact direct avec la réalité de terrain, la réalité des femmes !”

Après des tables rondes, un débat ouvert

Le grand débat des (presque) présidentes a ensuite pris place dans une atmosphère solidaire mais également de revendications. Dans le panel : Sophie Rohonyi (DéFI), Rajae Maouane (Ecolo), Lyseline Louvigny (Les Engagés), Caroline Désir (PS) et Sofie Merckx (PTB).

Debout sur l’estrade : Élodie Blogie, conseillère politique de Vie Féminine. Dans le panel de gauche à droite : Caroline Désir (PS), Lyseline Louvigny (Les Engagés), Rajae Maouane (Ecolo), Sofie Merckx (PTB) et Sophie Rohonyi (DéFI) © Vanessa Vanderkelen / Bigoudis Photos

Dans le public, quelque 140 femmes (et quelques hommes !) étaient au rendez-vous pour entendre et questionner ces candidates sur les grandes priorités identifiées par les bénévoles et travailleuses de la cellule politique de Vie Féminine. Des sujets comme l’autonomie économique des femmes, l’accès à la santé, la migration, la lutte contre le racisme et, enfin, la lutte contre les violences masculines, ont ainsi chapitré le débat. Chacun des temps était introduit par la lecture de témoignages de femmes directement concernées par ces thématiques.

J’ai aussi mon mot à dire !

“Il y a ici un aspect démystifiant, analyse Ibtissem Jebri, animatrice Vie Féminine à Charleroi, car beaucoup de femmes peuvent penser : “Oh non, moi, un débat politique, je n’ai pas les connaissances !” Mais en fait, quand elles se retrouvent impliquées dans ce genre d’événement, elles se disent : “Finalement j’ai quand même de l’expertise, ne serait-ce que dans ma vie et par mes expériences. Donc j’ai aussi mon mot à dire !” Et cela peut fortement influencer la participation des femmes dans la vie politique. C’est un travail que l’on fait déjà à Vie Féminine pour que les citoyennes prennent conscience du poids électoral qu’elles représentent.”

Ibtissem Jebri, animatrice à Vie Féminine Charleroi © Vanessa Vanderkelen / Bigoudis Photos

Selon Ibtissem Jebri, la balle est surtout dans le camp politique. “Lorsqu’on fait face à des politiciennes qui ne maîtrisent pas les sujets ou répondent de manière un peu superflue, il y a aussi un découragement. Alors les femmes peuvent penser : “J’ai perdu mon temps… La politique c’est toujours comme ça, je n’ai plus confiance !” Donc bien sûr, la participation de chacune est importante. Mais le plus important, c’est une participation plus sérieuse des partis politiques, pour que les femmes s’engagent…”

Les participantes interviewées par axelle se disent ravies de cet après-midi d’échanges en non-mixité et de ce débat où le manterrupting (la fâcheuse tendance des hommes à couper la parole aux femmes) n’était pas au programme. Certaines sont un peu plus nuancées quant à l’implication des politiques et regrettent le manque d’approche genrée de certains partis sur des sujets comme le logement ou la fracture numérique.

Clara Stenzel et Amani Mezidi, animatrices à Vie Féminine Bruxelles, rappellent que même si la représentation des femmes en politique évolue, toutes les politiciennes ne sont pas forcément féministes. Celles qui le sont restent souvent tributaires des décisions, plutôt masculines, de leur parti. De plus, la lutte contre les violences faites aux femmes ne semble toujours pas être une priorité dans tous les programmes…

Même si des efforts restent à faire pour réduire la fracture entre citoyennes et élues, les candidates, de leur côté, se disaient ravies de ces panels 100 % féminins (“Quel débat courtois, ça change !”, soufflait Caroline Désir à la fin de l’événement), mais aussi impressionnées d’avoir rencontré une telle audience féminine. Cela rejoint finalement une hypothèse formulée par Clara Stenzel et Amani Mezidi : de cette journée, ce sont sans doute les candidates qui en ont appris le plus.

Car tout comme Gwendolina Cramaro et Ibtissem Jebri le racontent aussi, ce qui a profondément marqué les femmes de Vie Féminine au cours des échanges, c’est l’ignorance largement partagée par les partis sur les réalités de terrain éprouvées par les femmes. Qui demandent des solutions concrètes, espèrent que leurs invitées politiques ont bien pris note des témoignages partagés lors du débat. Pas question qu’elles soient oubliées quand viendra l’heure des négociations.

“Exposer Bastien Vivès, c’est participer à la banalisation de la culture du viol”

Le 12 avril dernier, 200 personnes ont manifesté contre l’ouverture d’une exposition d’œuvres du dessinateur français Bastien Vivès dans une galerie d’art bruxelloise. En France, cet auteur a récemment fait l’objet de plaintes pour diffusion de bandes dessinées contenant des images pédopornographiques et des scènes de banalisation de l’inceste. Une semaine après l’ouverture de l’exposition, axelle publie cette carte blanche signée par 172 personnalités issues en majorité du monde culturel belge. Elles expliquent pourquoi elles estiment que cette exposition contribue à banaliser la culture du viol et la pédocriminalité.

Le 12 avril 2024, 200 personnes ont manifesté contre l’ouverture d’une exposition d’œuvres du dessinateur français Bastien Vivès dans une galerie d’art bruxelloise. © Ennio Cameriere

“L’auteur de BD français Bastien Vivès est exposé à la galerie Huberty & Breyne à Ixelles depuis le 12 avril et jusqu’au 11 mai. La galerie le décrit comme “un auteur à la fois adoré et critiqué […] qui [aurait] connu une année particulièrement tumultueuse induite par l’annulation de son exposition au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême en 2023, pour cause de polémique”.

Ce n’est pas une “polémique”

La glorification de l’inceste, de la pédophilie et du viol dans des œuvres artistiques n’est pas une “polémique”. Diverses associations françaises ont porté plainte contre ses œuvres, notamment Les Melons de la colère (2011), La Décharge mentale (2018) et Petit Paul (2018).

La première bande dessinée est décrite sur le site de la Fnac avec ces mots : Les Melons de la colère en constitue un contrepoint aussi jouissif que nécessaire. Fini de chouiner comme un bébé, place au sexe. Du fin fond de la campagne française, Les Melons de la colère narre les chroniques tendres et crues d’une jeune fermière qui en a plus dans le soutien-gorge que dans le ciboulot. Le jeune prince de la BD française prouve que les romantiques peuvent aussi être des salauds et signe les scènes de viol aussi dures que sera la vengeance finale.”

Dans La Décharge mentale, un homme est invité à passer une soirée dans une famille de trois enfants, à l’issue de laquelle des actes sexuels ont lieu avec les enfants et les adultes. Petit Paul, sur le site de Glénat, éditeur de l’ouvrage, est décrit ainsi : “Petit Paul vit à la campagne avec son père et sa sœur Magalie. Et il est ce qu’on pourrait appeler un enfant précoce. Bien qu’il ne soit pas encore en âge de penser à la chose, le voici doté d’un formidable attribut difficile à dissimuler et qui déclenche chez les chastes femmes de son entourage les plus violentes des pulsions. À la ferme familiale, chez ses amis ou en classe, notre pauvre petit paysan se retrouve ainsi propulsé, bien malgré lui, dans des situations aussi lubriques qu’absurdes et embarrassantes… Bastien Vivès met à nouveau en scène les héros aussi candides que généreusement pourvus par la nature […] L’auteur de Polina se nourrit des quiproquos pour coucher sur papier ses fantasmes les plus inavouables et prouve, une fois de plus, que son dessin épuré et virtuose lui permet tout. Aussi immoral que réjouissant ; aussi cru que chaud, Petit Paul nous montre qu’il est parfois bon de rire, même si c’est mal.” Il est d’ailleurs signalé sur la couverture de l’œuvre : “ouvrage à caractère pornographique.” Face à l’inceste, l’une des organisations françaises ayant porté plainte, indique sur son site internet que : Ces trois bandes dessinées illustrent sans équivoque le contenu grossier et explicite de la pédopornographie.”

Fiction ? Pas seulement

Les œuvres de Vivès sont des images fictionnelles, or selon le Code pénal belge, la représentation de mineur·es dans une scène pornographique est interdite par la loi (article 417/44 du Code pénal) : “La production ou la diffusion d’images d’abus sexuels de mineurs consiste à exposer, offrir, vendre, louer, transmettre, fournir, diffuser, mettre à disposition, remettre, fabriquer ou importer des images d’abus sexuels d’un mineur, par quelque moyen que ce soit. Cette infraction est punie de la réclusion de cinq ans à dix ans et d’une amende de cinq cents euros à dix mille euros.” C’est le cas des dessins comme le stipule l’article 417/43  : “des images réalistes représentant un mineur qui n’existe pas, se livrant à un comportement sexuellement explicite, ou représentant les organes sexuels de ce mineur à des fins principalement sexuelles.”

Les propos de l’auteur sont clairs et ne laissent place à aucun doute : J’ai fait avec les fantasmes qui m’excitent personnellement, affirmait-il pour parler de Petit Paul auprès du HuffPost. Il soutient également sur le média MadmoiZelle en 2017 : Moi l’inceste, ça m’excite à mort.

Exposer Bastien Vivès, c’est participer à la banalisation de la culture du viol. De plus, la galerie présente l’annulation de la carte blanche de “l’artiste” au festival d’Angoulême comme une source d’inspiration pour ses œuvres : “Pour Vivès, cette exposition est aussi l’occasion de dévoiler l’impact que les récentes polémiques ont eu sur son travail et sa personne. Toujours par le biais des composantes qui le caractérisent ; le rire et l’absurde, bien que l’on ne puisse le résumer à cela.”

Un problème de santé publique

La pédocriminalité n’est pas une affaire de mœurs, c’est un problème de santé publique. La pédocriminalité fait des victimes tous les jours. Le monde de l’art et de la culture a un rôle à jouer dans la lutte contre la pédopornographie afin de lutter contre sa normalisation. La sexualité imposée n’a rien d’un amusement ni d’une distraction artistique. Nous sommes fatigué·e·s de voir l’art et la culture du viol encore liés.

Les conséquences d’œuvres fictionnelles sur les lecteurs et lectrices sont, elles, toujours bien concrètes et réelles. On parle de traumatismes avec de véritables impacts : impacts psychodramatiques, tentatives de suicide, déscolarisation, marginalisation, addictions, mutilations, etc. En Belgique, il n’existe aucune statistique officielle sur l’inceste. C’est pourtant un fléau majeur : en France, par exemple, selon les chiffres de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, on estime qu’un enfant est victime d’inceste toutes les 3 minutes, soit 160.000 enfants chaque année. En Belgique l’ASBL SOS Inceste, qui propose une ligne d’écoute téléphonique pour les victimes, a reçu en 2023 environ 2.000 appels, soit 5 à 6 appels par jour selon les chiffres donnés par RTL.

Culture du viol et du déni

Le cas de Bastien Vivès est un exemple parmi tant d’autres d’une société symptomatique. Les galeries d’art sont parties intégrantes de la société, et elles ne peuvent ni contribuer à l’impunité ni ignorer les mécanismes qui justifient et perpétuent les violences sexuelles. Elles ont une responsabilité sociale et éthique comme tout un chacun. La culture se fait protectrice de la culture du viol et de l’inceste si elle accepte de rester sourde et aveugle face aux luttes contre le sexisme et les violences sexuelles.

Non, Bastien Vivès n’est pas sujet à “controverses et polémiques”. Non, ce n’est pas être “un génie provocateur” que de banaliser la pédopornographie et la pédocriminalité. Non, ce n’est pas être subversif ni défendre “la liberté d’expression” et “la censure” que de lui vouer une exposition. Bien que les œuvres d’art fassent partie du champ de la fiction, elles ont le pouvoir de façonner des réalités sociales et politiques. Choisir de programmer un auteur qui banalise des comportements pédocriminels et qui tend à faire perdurer un modèle sexiste est un exemple de plus du maintien de la culture du viol et du déni dans les milieux artistiques. Programmer un tel artiste est une prise de position. C’est une décision réfléchie que nous ne pouvons soutenir au regard du vécu des personnes concernées.

L’art et la culture ont une responsabilité sociétale, et doivent dès lors répondre de leur choix politique. Nous nous levons aujourd’hui, car nous souhaitons défendre une culture accessible, inclusive, décoloniale, qui protège les victimes au lieu de promouvoir et de visibiliser des artistes qui fantasment sur l’inceste et qui font l’apologie des violences sexuelles sur mineur·es. Ignorer cette réalité c’est mépriser les survivant·es et victimes de violences sexistes et sexuelles et surtout être complice.”

Manon Rondeau, Galerie Magmatic, magmatic@magmatic.be

Signataires

ABDIL (fédération des Auteurices de la Bande Dessinée et de l’Illustration)

Mathilde Merchiers, Galerie La Forest Divonne, Bruxelles

la Maison du Livre, asbl du secteur socioculturel

Perrine Ledan, Échevine culture d’Uccle, Écolo
atelier210 (Bruxelles), asbl, salle de spectacle pluridisciplinaire

Ladyfest Bxl, Festival Féministe Transdisciplinaire et Inclusif

Pauline Rivière, co-fondatrice des Ateliers du Toner et animatrice radio

Catherine Morenville, féministe, échevine Égalité des chances et des genres commune de St-Gilles, Écolo

Manon Schied, étudiante à La Cambre, Bruxelles

Festival Voix De Femmes asbl

Matthieu Goeury, directeur des Halles de Schaerbeek

Romane Armand, autrice et éditrice chez En 3000 éditions, Bruxelles

Sarah Bouhatous, coordinatrice de la plateforme Scivias

Benjamin Monteil, auteur, graveur et musicien, Bruxelles

Morgane Somville, autrice de bande dessinées, illustratrice et enseignante

Julie Beauzac, créatrice du podcast Vénus s’épilait-elle la chatte

Léonard Garcia, artiste

Dounia Largo, chercheuse en anthropologie et initiatrice de la pétition contre Vivès

Luz de Amor, artiste et programmateur/curateur Maison poème

Mélanie Godin, co-directrice Maison poème

Florent Le Duc, co-directeur Maison poème

Bilou Dricot, musicien.ne, réalisateurice et créateur d’images

Coline Caussade, artiste

Les Équinoxes Festival

Vincent Wagnair, illustrateur

Lucie Miguet, artiste

Hélène Drénou, artiste plasticienne

Bettina Zourli, autrice, journaliste et militante féministe

Morgane Griffoul, illustratrice

BICOLI Collective, bibliothèque féministe autogérée bruxelloise,

Élise Gérard, photographe

asbl ELI – ateliers du Toner

Juliet Flasse, étudiante

Marion Lartigue, maquilleuse, modèle et illustratrice

Joanna Lorho, autrice, enseignante

Guillaume Penchinat, auteur, illustrateur

Exaheva, autrice de bande-dessinée

Kat dems, illustratrice

Rosie Lehance, performeur·euse

Amélie Fuseau, architecte

Lison Ferné, autrice de bande dessinée et illustratrice

Collectif des éditions Mardi Soir

Louise Ollivier, autrice et illustratrice

Lasse Wandschneider, illustrateur, artiste

Liza Reichenbach, autrice de bande dessinée

Léna Cheynel, tatoueuse

Marion Henry, artiste et autrice

Adeline Molle, illustratrice

Ivonne Gargano, illustratrice et auto-éditrice

Racha Belmehdi, autrice

Yann Le Razavet, musicien

Amandine Bertholet, autrice de Bande Dessinée

Elius Bec, auteurice de bande-dessinée et membre de Stachmoule

Stachmoule, collectif de microédition féministe et queer

Collective Fémixion

Camille Van Hoof, autrice de bande dessinée

Coralie de Bondt, illustratrice et sérigraphe

Muriel de Crayencour, artiste et journaliste culture

Cathie Bagoris, artiste

Mathilde Hervé, militante féministe

Camille Mormino, professionnelle de la culture

Amélie Pécot, Illustratrice et autrice de bande dessinée

Camille Lamy, designer

Marine Forestier, autrice et membre de La Satellite

Margaux De Re, féministe, députée Écolo au Parlement

Rajae Maouane, féministe, coprésidente Ecolo

Barbara Dupont, chercheuse et autrice du compte féministe @dou.interjection.dexasperation

Estelle Depris, Autrice, Éducatrice antiraciste du compte @sansblancderien

Paul Marique, graphiste et artiste

Mariel Nils, typographe et graphiste, membre de Byebye Binary et Velvetyne

Cécile Barraud de Lagerie, designer et illustratrice

Morgane Batoz-Herges, travailleuse de la culture

La guilde des illustratrices

Caroline Bertolini, travailleuse de la culture et photographe

Plan SACHA, plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu festif,

Fanny Dreyer, autrice, illustratrice

Ntumba Matunga, Tétons Marrons

Betel Rose, créateurice du podcast “Rose is the new black”

Mathilde Pecqueur, designeuse textile, co-fondatrice de Maak & Transmettre

Salomé Corvalan, designeuse textile, co-fondatrice de Maak & Transmettre

Camille Pirritano, Graphiste et illustratrice

Carbonaro Camille, éditrice et photographe

Banana Bill, Illustrateur

Fat friendly, association bruxelloise de lutte contre la grossophobie

Camille Loiseau, journaliste freelance

  1. Ottenwaelter, être humain (mon métier ne définit pas la valeur de mon opinion)

Léno/a Zipper, artiste

Apolline Labrosse, co-fondatrice de la revue artistique et féministe Censored

Ichraf Nasri artiste et fondatrice de Xeno- ASBL

Léa Charlet, féministe, improvisatrice, musicienne et coordinatrice d’asbl

Aline Pauwels, réalisatrice et co-fondatrice de la Horde Productions

Irène Tardif, illustratrice

Mélanie Utzmann-North, autrice, illustratrice

Nicolas Baudoin, chargé de promotion livre/édition

Chloé Horta, graphiste

Pauline Reyre, artiste plasticienne

Arnaud Schmitt, artiste plasticien, scénographe

Mathilde They, militante féministe, photographe

Laura Baiwir, June Benhassan, Manon Baile, Marine Betrancourt, membres de l’aslb Les Sous-Entendues

Hayat Belfaqir, Margaux Van Thielen et Héloïse Laval, de l’asbl CFEP

écolo j, organisation de jeunesse politique

Maïa Hamilcaro-Berlin, autrice de Bande-dessinée

Cecil Behar, artiste-auteur

Léa Jarrin, auteur.ice et illustrateur.ice

Erell Hemmer et Déborah Claire, fondatrices de la collective curatoriale féministe Dis Mon Nom.

Eve Brengard, illustratrice

Adlynn Fischer, auteur de bande dessinée

Steph Petre, artiste

Marie Monfils, coordinatrice du Poetik Bazar

Mathilde Van Gheluwe, autrice de bande dessinée et enseignante

Yvan Megal, artiste

Anne-Sophie Guillet, photographe

Lucie Petit Pic, illustratrice, autrice et enseignante,

Sarah Bello Vega, illustratrice

Caroline Gereduz, Costumière

Pelphine, militante du compte @corpscools

Sara Vercheval, artiste illustratrice

Thibault Gallet, auteur

Annabelle Gormand, autrice de bande dessinée et illustratrice

Félix the Rover, auteur illustrateur

Le Poisson sans Bicyclette asbl

Sammy del Gallo, erg

Cyprien Hoffmann, chargé.e de la campagne d’éducation permanente du festival Esperanzah !

Garance asbl

Le Conseil des Étudiant.es de l’erg

Noémie Fachan (Maedusa), autrice BD

Risseb, artiste

Agathe Dananaï, dessinatrice

Maëlle Berthet, artiste

Elles* Font Des Films

Charlotte Bouillot

Leslie Ferré

Laurie Hanquinet, professeure de sociologie, ULB

FACE B

Lysiane Ambrosino

Marouchka Payen, DJ et membre de Bye bye Binary

Nestra

Espace Triphasé, artist run space, Anderlecht

Alice Pandolfo, artiste

Gaetane Rosell, illustratrice

Carole Mousset, artiste
Soralia asbl

Marine Rouelle

Stéphanie Paulus, artiste

Alix Juif, designer·euse

Fanny Peyratout, artiste imprimeuse

Apolline Paquet, production au Kunstenfestivaldesarts

Lyne Bnc, experte genre discrimination et sécurité dans le secteur musical et culturel

Thiernaud Panier, Gallery Manager & Artistes liaison, Bruxelles

Le Massicot, Fédération syndicale des étudiant·es en école de création

Victoriæ Defraigne, auteure et activiste pour la visibilité et les droits des personnes trans

Conseil étudiant.e.s de l’ARBA ESA

Raphaël Prévost, Galerie Manager, Bruxelles

Karolina Parzonko, artiste et travailleuse dans le secteur culturel bruxellois

Lili Deplus, travailleuse dans le secteur culturel

Alice Maës, enseignante

Juliette Leyvraz, artiste

Carole Ventura, directrice du Théâtre CreaNova

Cecile Cée, artiste

Lena Celnik, travailleuse dans le secteur culturel

Nathalie Sottiaux, chargée d’administration à la Maison poème

Camille Sart, artiste plasticien

Mia Brena-Minetti, autrice et artiste

Virginie Cordier, directrice de La Vénerie

Julie Crenn, historienne de l’art et commissaire d’expositions indépendante

Marine Gohier, aka  @seum_euse , projet militant et artistique participatif

Pauline Gransac, artiste plasticienne et graphiste

Arnaud Gallais, cofondateur de Mouv’Enfants

Nina Neuray, autrice, illustratrice et bédéaste