
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Pas facile d’être enthousiaste aujourd’hui, mais je suis de celles qui gardent la niaque. Je dirais que je suis une optimiste du quotidien, une “fêteuse” de victoires collectives lorsqu’elles réduisent les inégalités et les injustices, et constituent des droits qui libèrent… aussi grandes ou petites soient-elles. Je reste une enthousiaste du peuple, de la population en marche qui ne se laisse pas faire, de l’éducation populaire. Même si le rapport de force est défavorable aujourd’hui, je suis enthousiasmée par celles et ceux qui continuent, auxquel·les s’ajoutent celles et ceux qui s’éveillent à la lutte. Pas de raison de baisser les bras, l’enthousiasme, c’est pour moi d’être convaincue qu’il n’y a que si on se lance dans le combat pour la justice sociale qu’on peut gagner du terrain contre le contraire.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
L’incroyable énergie que peuvent encore trouver des personnes qui pourtant ont des préoccupations et problèmes quotidiens à résoudre pour traverser la vie alors qu’elles sont dans le trop peu de tout, pour s’investir encore, pour lutter contre la pauvreté. Elles et ils m’impressionnent de trouver encore et encore la force du combat pour leur propre survie, et celle du combat collectif. C’est ce qui nourrit de façon importante mon moteur personnel.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Je reste autant indignée quotidiennement quand je croise des personnes abandonnées à elles-mêmes dans la rue, que je ne le suis également contre les mesures vexatoires que nos gouvernements imposent aux personnes qui subissent les conséquences des inégalités. Non, je ne supporte plus la relation de défiance plutôt que de confiance cultivée par des politiques et traduite par nos institutions dans des dispositifs concrets inacceptables. Outre un esprit et une pratique insidieuse de délation organisée par l’État fédéral, les exemples sont malheureusement légion dans des champs politiques précis. Le dernier en date qui me révolte étant l’agression envers les pensionné·es dans le cadre de la réforme de la Grapa.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Je me sens en lien avec toutes celles et tous ceux qui cherchent à réduire les inégalités, qui se battent pour la justice sociale, qui consacrent du temps à défendre les droits et constituer des droits, pour les femmes, les migrant·es et les minorités, les populations roms, les gens du voyage. Je me sens en lien avec celles et ceux qui affirment que les inégalités, la pauvreté, les exclusions et les discriminations n’ont aucune légitimité ! Que ces personnes agissent publiquement ou dans la plus grande discrétion.

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Je n’ai jamais compris les personnes qui cherchent à accumuler les richesses pour elles seules, et donc forcément sur le dos d’autres. Je ne le comprends pas car je me dis que la traversée de la vie est courte et que je n’en saisis pas le sens dans la possession. J’en comprends la logique accumulative au profit “des siens” mais n’en saisis pas le sens fondamental. C’est sans doute être titillée un peu naïvement. La propriété personnelle et l’accumulation de biens m’ont toujours dépassée.
Assistante sociale de formation, Christine Mahy développe depuis les années 1980 des projets qui allient le culturel et le social. Elle travaille aux côtés des populations “fragilisées” (personnes précaires, d’origine étrangère, gens du voyage, jeunes en déshérence…). La collectivité, l’éducation permanente, la justice sociale, la démocratie sont des valeurs essentielles qu’elle défend dans sa vie professionnelle et militante.
En 1981, encore aux études, Christine Mahy lance, à Marche-en-Famenne, un projet qui deviendra une maison de quartier, “La Chenille”. L’asbl, aujourd’hui connue sous le nom de Miroir Vagabond, propose des formations d’alphabétisation, des ateliers d’expression et de créativité et, plus tard, un service d’accompagnement au logement. Dès 1984, Christine Mahy travaille à la Maison de la Culture de Marche comme animatrice en éducation permanente, puis comme directrice. Son envie de rendre la culture accessible à tous et toutes l’amène notamment à s’intéresser au théâtre-action. Début janvier 2006, elle devient présidente du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP), réseau regroupant des associations qui combattent la pauvreté par des actions de terrain ou de sensibilisation. Depuis janvier 2010, elle y occupe la fonction de secrétaire générale et politique.
Le travail engagé de Christine Mahy a plus d’une fois été récompensé. En 2005, elle est nommée personnalité wallonne de l’année par l’Institut Jules Destrée. En 2018, elle reçoit le titre de docteure honoris causa de l’ULg.
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