
Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
L’absence de voitures dans la rue et d’avions dans le ciel, l’air plus respirable, ce calme. J’en rêvais même si ce n’est pas dans ces circonstances que je l’aurais voulu.

Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
Le métier d’artiste plasticien demande d’avoir un monde intérieur riche et foisonnant, d’être capable de supporter la solitude, d’aimer ça. Du coup, on ne souffre pas trop d’être coupé du monde, c’est une grande chance que j’ai par rapport aux gens qui pratiquent des métiers où on est très dépendants des autres.
Par contre, c’est un métier qui parfois semble futile, et qu’on peut vite perdre de vue lorsque le poids du quotidien nous écrase. Comment prendre dix heures pour réaliser une dentelle lorsque les tâches ménagères s’accumulent ? Car oui, le confinement c’est bien plus de travail au quotidien surtout si on a des enfants. Pour être honnête, en ce moment, je passe plus de temps à cuisiner et ranger qu’à réaliser de nouvelles œuvres.

Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Cette situation de confinement a des répercussions pénibles : les petits commerçants indépendants sont obligés de fermer boutique et pendant ce temps-là, les hypermarchés vendent des plants à repiquer, des vélos électriques, etc. J’aurais voulu qu’on trouve un moyen de favoriser les petits commerces de proximité. Je trouve ça très injuste.

Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Avec tous mes amis et ma famille pour lesquels je couds amoureusement des masques de protection. Ça me permet de me sentir un peu utile et j’aime bien l’idée qu’ils pensent à moi quand ils les enfilent !

Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Est-ce que tout ça ne pourrait pas avoir un impact positif sur la vie des gens au-delà de tous les problèmes ? Autour de moi, je vois beaucoup de gens qui prennent plaisir à cuisiner, à passer plus de temps avec leurs enfants. Qui redoutent presque un retour à la normale. Bien sûr, je suis consciente que nous sommes privilégiés et que beaucoup de gens au contraire souffrent de la situation. Mais humainement, il y a des choses à retenir de cette expérience…
En 2002, Élodie Antoine sort diplômée de l’atelier sculpture de La Cambre. Pour pratiquer son art, elle recourt à des matériaux souples (fil, laine feutrée, tissu) et utilise des techniques anciennes, artisanales, comme la couture ou la dentelle. Dès l’âge de 20 ans, elle apprend d’ailleurs les bases de la dentelle au fuseau, cet art hors du temps et chronophage, auquel elle donne une contemporanéité grâce aux sujets représentés : pylônes électriques, plateformes pétrolières ou encore tours de refroidissement d’une centrale nucléaire. Dans son travail, l’artiste aime jouer avec les contrastes, rapprocher des mondes éloignés, voire opposés. Outre ses “dentelles urbaines”, elle imagine des objets hybrides. Chez elle, les rouges à lèvres prennent la forme d’une mèche à béton, les chewing-gums s’invitent dans les écrins. Il arrive aussi que ses sculptures, telles des plantes inquiétantes, envahissent l’espace d’exposition, recouvrant murs, sol et plafond… De ces rencontres insolites, surgissent immanquablement la surprise et l’émerveillement.
Depuis 2005, les œuvres d’Élodie Antoine sont régulièrement exposées en Belgique, mais aussi au Luxembourg, en France, en Italie ou au Royaume-Uni… Son travail si poétique et singulier a plusieurs fois été récompensé.
À partir de juin et jusqu’au mois d’octobre 2020, elle exposera aux côtés d’artistes flamand·es à la Villa Les Zéphyrs de Middelkerke. En septembre, elle participera à l’exposition collective I feel realy awake, rassemblant des femmes artistes, à la Maison du Peuple de Saint-Gilles.
Son site : www.elodieantoine.be
Son compte Instagram : #elodidole_antoine
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