Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
« J’essaye de m’enthousiasmer pour des petites choses. Des moments passés en famille, avec des amis, une balade en forêt. Pour un livre, un film qui me questionne, qui me rassure. Pour une rencontre. Je cherche de l’apaisement dans un monde qui ne tourne pas rond.
Au niveau professionnel, je travaille sur mon premier film documentaire, Rester Vivants, et c’est très grisant de découvrir un nouveau mode d’expression. Une nouvelle manière de raconter des histoires. C’est un horizon de possibles qui s’élargit d’un coup… »
Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
« La dictature des formats, le manque d’exigence. Je suis mal à l’aise avec cette idée de “public lambda” qui ne peut pas comprendre la complexité, la nuance. J’ai l’impression qu’on sous-estime les gens, qu’on les prend trop souvent pour des cons. Alors que lors de ma toute petite expérience sur l’exposition et le livre Génération Tahrir au Musée de la photographie de Charleroi, j’ai eu des retours très forts de personnes qui à la base ne s’intéressent pas nécessairement à l’Égypte ou à la photo, mais qui ont appris des choses et ont eu envie d’aller plus loin. J’ai étudié le journalisme parce que c’était un contre-pouvoir, un métier merveilleux pour raconter le monde mais aussi un outil essentiel pour élever le niveau de débat dans la société, pour découvrir l’autre. »
Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
« Les médias, car c’est mon milieu professionnel. Je parle de manière générale des médias, bien sûr, et heureusement il y a des exceptions mais de plus en plus rares. Je pense que les médias sont en partie responsables de la crise du vivre ensemble que nous traversons.
Les causes évoquées pour justifier le manque de rigueur, le manque de couverture médiatique, sont très souvent budgétaires. Mais je pense que nous sommes tous journalistes, individuellement responsables de ce que nous publions, racontons… Nous devrions être plus critiques envers nous-mêmes, ne pas négliger l’influence que nous pouvons avoir. Je pense par exemple qu’une information erronée, déformée alimente fortement les théories du complot, la crise de confiance dans l’État. »
Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
« Je me sens en lien avec la jeunesse égyptienne. Je me sens extrêmement attachée à l’Égypte, à la langue et la culture arabe. Et je voudrais modestement participer à créer un autre récit sur le monde arabe et musulman. Je me sens en lien aussi avec ma famille, avec mes origines carolos dont je suis très fière. »
Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
« Les autres, le monde. Je suis particulièrement curieuse… Je ne saurais pas être exhaustive ici. »
Dès ses premiers projets documentaires, la journaliste et photographe Pauline Beugnies témoigne d’une démarche humaine et engagée. Dans axelle, nous avons publié plusieurs de ses images et reportages, notamment celui sur les femmes du Bangladesh brûlées à l’acide. Après le Congo, l’Albanie ou encore la Palestine, l’envie de connaître les autres mène Pauline Beugnies en Égypte où elle restera cinq ans. Elle est d’ailleurs sur place lorsque les manifestations éclatent en janvier 2011. Elle suit alors de près les acteurs et actrices de la révolution. Rentrée au pays, Pauline Beugnies continue de s’intéresser à l’Égypte et au monde arabe « dans l’idée d’établir des ponts, de déconstruire les stéréotypes ». Elle a ainsi cosigné en 2013 un web documentaire Sout el Shabab, la voix des jeunes et, en 2016, un ouvrage Génération Tahrir dont les images ont été exposées au Musée de la photographie de Charleroi. Son premier film documentaire Rester Vivants sera projeté en avant-première le 21 janvier à Charleroi.
Son site : www.paulinebeugnies.com