Qu’est-ce qui vous enthousiasme actuellement ?
Tant de choses que je ne pourrais pas catégoriser par ordre d’importance, tant elles dépendent de la mise au point, de la profondeur de champ. D’un point de vue très rapproché, j’invoque les évolutions au millimètre de mon petit garçon de un an. Chaque seconde est la version légèrement augmentée de la précédente, l’observer évoluer est un émerveillement sans fin, sans pause, sans creux. D’un point de vue plus élargi, comment ne pas songer au revirement sociétal considérable qui se produit ces derniers mois, ces dernières années, autour de questions fondamentales comme celle du genre, mais pas seulement. Tout ceci ne date évidemment pas d’hier, encore moins d’aujourd’hui, mais il me semble que les choses sont à présent dites d’une voix plus claire et plus haute. Si j’en reviens à mon petit point de vue, j’apprends chaque jour à ce sujet, ma vision sur celui-ci évolue constamment, je trouve ça secouant, vivifiant, nécessaire… et enthousiasmant, vraiment.
Quelque chose à pointer du doigt dans votre métier ?
J’ai deux métiers. Je crie pour les Midis de la Poésie, et j’aime bien utiliser ce verbe, il regroupe bien ce que j’essaie de faire dans cette association où nous touchons toutes à tout. La poésie est une nécessité, un vecteur de transmission, de compréhension des choses ; une fabrique de sens. Je suis très fière de contribuer à sa diffusion, de quelque façon que ce soit.
Mon autre métier, c’est d’écrire des livres. Je le fais comme je respire, en ce sens qu’il s’agit pour moi de quelque chose de fondamental, qui ne se discute pas, et sur lequel je n’ai jamais tergiversé : écrire, c’est simplement ce que je fais.
Un moment d’indignation : envers qui, envers quoi ?
Envers l’injustice, évidemment. À l’heure où j’écris ces lignes, je pense à Mawda, et au procès en cours en ce moment même à Mons. Et juste avant de m’emparer de ce questionnaire [le 24 novembre, ndlr], des images sur les réseaux sociaux m’ont mangé les yeux, de migrants poursuivis par des policiers armés de bombes lacrymogènes. On voyait d’autres policiers s’emparer d’une tente, la soulever, la secouer, et y jeter au sol le migrant qui y dormait comme on vide un sac de courses. C’est révoltant. Et c’est indigne, assurément. Je peine à en dire davantage, parce que je ne me sens pas vraiment digne de le faire, justement : que fais-je, moi, à mon niveau pour que change tout cela ?
Avec qui, avec quoi vous sentez-vous en lien ?
Dépendant de mon humeur, de mon état, de ma façon d’être au monde : avec tout, ou avec rien. Tout, ce sont les regards par-dessus les masques, les interactions entre les êtres, la texture des choses sur lesquelles je passe mes mains, les éléments, la peine et la joie de ceux que j’aime, les œuvres poétiques, musicales, plastiques des artistes que j’admire ou découvre.
Qu’est-ce qui titille votre curiosité ?
Je pourrais presque retranscrire ici mot pour mot ma réponse à la question précédente. Merci pour cette invitation !
Après des études en journalisme et un diplôme en sciences du livre, Victoire de Changy trouve une résidence d’écriture à Vauvert, en France, où elle se lance dans la rédaction de son premier roman Une dose de douleur nécessaire. Paru en 2017, ce livre est salué par la critique et fait partie des cinq finalistes du Prix Rossel. “J’écris depuis que j’ai l’âge de tenir un stylo. J’ai rempli beaucoup de carnets, je tiens un blog depuis que j’ai treize ans. Je me suis toujours dit que je serais écrivain. Je n’imaginais pas faire autre chose. Mais je repoussais le moment”, confiait Victoire de Changy à Karoo lors de la sortie de ce livre. En 2016, elle s’inscrit à l’atelier des Écritures contemporaines de La Cambre durant lequel elle écrit L’île longue qui paraîtra en 2019. Il sera finaliste du Prix européen de littérature qui récompense chaque année la/le meilleur·e écrivain·e émergent·e en Europe.
Le talent de Victoire de Changy se distille également dans d’autres genres littéraires. En 2019, elle écrit un album pour enfants L’Ours Kintsugi, très joliment illustré par Marine Schneider. En juillet 2020, elle signe un recueil de poésie La paume plus grande que toi. Premier volet d’une trilogie, il évoque son expérience de la maternité. La poésie compose aussi son quotidien, puisqu’elle travaille pour les Midis de la Poésie en tant qu’assistante et chargée de communication.
En novembre 2020, elle participe, aux côtés de Laurence Bibot, Ariane Lefort, Myriam Leroy, Isabelle Wéry, au projet “Madame”, un podcast de fiction de La Première qui s’empare du destin de cinq princesses oubliées de notre dynastie. L’épisode écrit et lu par Victoire de Changy se penche sur Charlotte de Belgique, la seule fille de Léopold Ier et de Louise d’Orléans. Captivant.